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03/10/2011

Présumé coupable, de Vincent Garenq

 

 

    

 

Imaginez qu’un matin, à 6 heures, on frappe brutalement à votre porte ; que celle-ci à peine ouverte une horde hurlante de flics  vous empoigne et vous insulte sans que vous sachiez pourquoi. Vous voici emmené, menottes aux poignets, et mis en garde à vue pour des actes – ici de pédophilie – que vous n’avez jamais commis. Vous voici humilié, entravé, cuisiné par des policiers arrogants et sûrs de leur bon droit, décidés par tous les moyens à vous extorquer des aveux. Vous finissez par confesser quelques broutilles pour faire cesser ce calvaire ; on vous place en détention provisoire dans une cellule crasseuse et surpeuplée, avec pour seuls interlocuteurs un avocat commis d’office et un juge d’une rigueur implacable. Vous êtes coupé de tout, sans nouvelles de votre femme et de vos enfants, le temps commence à s’enliser. Dans ces conditions, ne douteriez-vous pas de vivre dans un état de droit ? Est-ce que la mort ne finirait pas par vous apparaître plus douce que cet enfer ?

Ce cauchemar, Alain Marécaux l’a vécu (et écrit) entre 2003 et 2005 ; c’était alors un honnête huissier du Nord de la France qui fut pris, avec 12 autres innocents dans la tourmente judiciaire sur la seule base d’accusations mensongères, délirantes, invérifiées surtout.  A cette époque, la France vivait dans la psychose de la pédophilie, cherchait des coupables partout, sacralisait la parole des enfants sans douter un seul instant que ceux-ci puissent mentir …en toute innocence. Cela allait aboutir à une affaire et un procès dont le seul nom résume toutes les aberrations, tous les dysfonctionnements  de la justice française : Outreau.

Ce scandale, ce drame humain collectif a fait couler beaucoup d’encre. Il est devenu à présent un film signé par Vincent Garenq, avec Philippe Torreton dans le rôle d’Alain Marécaux. Souvent on songe, durant les 90 minutes de sa projection, à un docu-fiction, tellement son parti-pris esthétique est froidement réaliste, tellement il s’attache à relater les étapes successives de l’affaire jusqu’à son dénouement final, mais toujours sous l’angle subjectif du témoin principal qu’est Marécaux. A travers lui, Philippe Torreton réalise une véritable performance d’acteur, époustouflant de justesse et de véracité (il est allé jusqu’à perdre 27 kilos pour ce rôle). Gageons qu’elle lui vaudra sous peu une distinction, nationale ou internationale. Il faut voir ce film éprouvant, ne fut-ce qu’à des fins pédagogiques. Pour comprendre combien la circonspection et le doute sont fondamentaux à l’exercice d’une justice démocratique. Une justice qui redonne tout son sens à la présomption d’innocence.

 

 

                                      Serge CASAMINOR

28/09/2011

Marine en embuscade

 

                         

 

 Plutôt que de s’interroger sur la popularité grandissante de Marine le Pen, peut-être serait-il bon de discerner ce qui la rend si populaire. De tous nos politiques, elle est de ceux qui parlent sans langue de bois. Elle a pour elle la faconde de son père (sans ses tonitruants et assassins excès verbaux, quand ils ne sont pas physiques), le verbe à ras des pâquerettes, audible facilement pour qui l’écoute. Elle mêle et entremêle comme à l’envi les problèmes que nous posent les quartiers, le chômage, la perte des repères, l’immigration, l’immoralité de nos gouvernants, la Bourse, la pauvreté exponentielle... j’en passe, évidemment. Elle agite sans cesse le fameux chiffon rouge qui affole les peuples et les pousse au repli suicidaire sur eux-mêmes. Elle accroche l’oreille par les faciles slogans qu’elle profère. Elle joue sur du velours face une classe politique tournée sur ses soucis d’élections à venir, qui la condamne non tant pour les principes qu’elle incarne que par sa dangerosité à engranger des voix futures qui leur seraient ravies. C’est bien là que réside la faiblesse politique face à Marine Le Pen. De peur de ne pouvoir récupérer des voix acquises pour beaucoup au parti de Marine, ses adversaires font le gros dos et mine de n’être pas scandalisés par ses propos. Certes, ils sont soft (et non pas hard comme ceux du père) mais ils n’en sont pas moins malins et pernicieux. Ils le sont plus même parce qu’habillés d’une sorte de respectabilité de bon aloi. Plus de racisme, plus de complots judéo-franc maçon : rien que de bons discours bien populistes où droite et gauche classiques saignent le pauvre peuple et lui confisquent sa liberté. Nos dirigeants seraient bien inspirés de n’être pas tentés de rallumer la flamme du populisme – ou de la laisser croître. De combattre sans délai le spectre d’un néofascisme qui ne dit pas son nom mais qui est là, au seuil de notre flageolante démocratie. On sait grâce à l’Histoire qu’un incendie est bien vite arrivé, que pour l’éteindre il nous faudra (enfin !) faire montre de courage, après avoir versé du sang, des larmes et retrouver notre âme.

 

                                                     Yves Carchon

Jeux barbares

 

 

                                         

 

 

 Parmi toutes les images que charrient, chaque jour, les nombreuses chaînes d’information, rares sont celles qui sont encore capables de réveiller notre sens moral. Du reste, comment ne pas se blinder face à ce déferlement de souffrances  qui constitue l’essentiel des journaux télévisés ? C’est ce concert de catastrophes que Jean Baudrillard, voici quarante ans dans « La société de consommation », dénonçait déjà comme un conditionnement à la résignation. Nous savons, cependant, que l’indignation n’est pas tout à fait lettre morte en notre époque. Qu’elle peut rejaillir à la façon d’un vieux volcan et c’est plutôt salutaire. Pour tous ceux qui, comme moi, gardent un peu d’espoir dans les valeurs de la civilisation, l’indignation venait, la semaine dernière, d’Angleterre avec la vision d’un combat d’enfants. Deux enfants de 8 et 9 ans qui se battaient à mains nues dans une cage, excités par quelques centaines d’adultes qui avaient payé pour voir ce spectacle et qui étaient, pour la plupart, des parieurs. Deux enfants qui se battaient comme ailleurs des coqs ou des chiens, non pas pour régler un différent mais pour faire gagner un peu d’argent à leurs parents qui, bien sûr, les soutenaient. Deux enfants qui avaient, aux dires de leurs pères, choisi librement de se battre dans cette enclave, fiers de participer à ce genre de compétition. Des justifications qui cachent mal le caractère scandaleux de cette pratique, aussi condamnable que l’exploitation sexuelle de l’enfance. Car l’on peut se demander dans quelles voies s’engageront, d’ici une dizaine d’années, des gamins dûment conditionnés à la violence et au profit, précisément par l’exercice de la force brutale.  Mais n’est-ce pas aussi un symptôme de la crise que l’Angleterre traverse, sans doute encore plus durement que d’autres grands pays européens comme la France ou l’Allemagne ? N’est-ce pas l’une des conséquences de la politique ultra libérale qu’y applique le gouvernement Cameron, insensible au sort des plus pauvres de ses concitoyens ? Quand la pauvreté rencontre le libre-échange, on remet au goût du jour des paris et des spectacles d’un autre temps, d’un autre monde. Tout en s’abandonnant au rêve idiot d’un mariage princier dont le faste insolent et les faramineuses retombées commerciales auraient pourtant du, à eux seuls, révolter la jeunesse britannique.

 

 

                                                   Bruno DA CAPO