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23/12/2011

Du lexique contemporain

 

                                      

                

 

 Certainement le mot de l’année 2011, le plus répété tous médias confondus, aura été le mot « crise ». Et l’on risque fort d’en parler tout autant en 2012, même si l’on préfèrerait disserter sur le mot « cerise ». Il faudrait, pour cela, avoir l’esprit plus léger. Or, le premier effet de la crise est bien d’assombrir le moral des Français. Allez vous révolter quand l’avenir semble inéluctablement est compromis. Si l’horizon économique n’est que nuages et orages, comment croire encore à des jours meilleurs et oser les demander à ceux qui nous gouvernent ? En cela la crise a bon dos. Elle permet de justifier toutes les mesures de restriction budgétaire, tous les licenciements abusifs, toutes les privatisations - et jusqu’aux échecs d’une telle politique. En outre, elle permet de faire croire qu’il n’y a pas d’autre alternative à ce grand équarrissage. Oui, la crise n’est peut-être que le meilleur épouvantail du néo-libéralisme partout à l’œuvre dans le monde, la meilleure façon de gouverner les peuples en régime démocratique. Et il est fort possible que  les historiens du futur, lorsqu’ils se pencheront sur la période que nous vivons aujourd’hui, découvrent de tout autres réalités comptables que celles que l’on nous assène à longueur de journée. Alors à qui profite la crise ? C’est sans doute la question la plus urgente à (se) poser. Les solutions viendront d’elles mêmes.

 Une autre association de vocables devenue familière à force d’être redondante est sans nul doute « agence de notation ». Elle s’inscrit directement dans le prolongement du premier mot abordé. Nous savions depuis longtemps que les décisions nationales étaient soumises au visa de Bruxelles ; à présent c’est la communauté européenne qui est elle-même sous le contrôle des marchés et de leurs représentants. Certains peuvent continuer à minimiser le pouvoir des agences de notation, disant qu’elles ne sont pas la fièvre mais le thermomètre qui la constate. Ce serait délibérément ignorer les interactions bien réelles entre l’observateur et la réalité observée. Pour peu, l’on croirait presque que ces implacables agences  sont apparues voici à peine quelques années, alors qu’elles existent depuis le XIXeme siècle. C’est, en effet, à New-York, en 1841, que fut créée The Mercantile Agency, première société à avoir pour but déclaré l’analyse financière. De nombreuses autres suivront, dont Moody’s '(en 1909), The Poor’s Publishing Company (1916), The Standard Statistic Company (1922) et The Fitch Publishing Company (1924) qui, toutes, factureront très cher leurs services. A la demande des banques et des entreprises – leurs clients autant que les objets de leurs enquêtes -, elles vont ainsi passer au crible leurs différents paramètres pour  attribuer, in fine, une note sensée refléter leur fiabilité. L’ennui, c’est que leurs verdicts sont loin d’être toujours fiables. En 2001, Moody’s, comme  Standard & Poor’s, notent favorablement Enron quelques jours avant son effondrement. Bis répétita en 2008 avec la banque Lehman Brothers qui se voit affublée d’un A la veille de sa faillite. Il serait sans doute grand temps de secouer le joug morose et arrogant de ces agences américaines (dont on peut douter de l’absolue partialité  lorsqu’elles appliquent leur système d’évaluation aux états européens). Pourquoi pas en créant une véritable agence fédérale ? 

 

 

                                             Jeff  Dobin