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16/02/2012

Espagne : amnistie ou amnésie ?

 

               

 C’était l’an dernier, en été, sur la place de la Porta del Sol, à Madrid. Personne n’a oublié cette foule bigarrée qui protestait, dans une ambiance de fête, contre l’austérité pré-programmée avec la seule force de sa sincérité. Bien vite, ce  mouvement dit des Indignés devait s’étendre à d’autres pays, dont la France et les USA. Oui, cet été-là, l’Espagne a encore étonné favorablement le monde. Quelques six mois après, force est de constater que les espérances portées par ce peuple en colère n’ont pas trouvé leur traduction électorale. Tout au contraire même, puisque la droite, sous la pression des marchés, est revenu aux commandes avec un seul crédo : bien gérer le pays. On sait, concrètement, ce que cela signifie pour les millions d’Espagnols qui vivent avec moins de 1000 euros par mois. C’est dans ce contexte de rigueur étouffante qu’est tombée, début février, l’annonce de la condamnation du juge Baltasar Garzon – l’homme qui a fait juger Pinochet. Aucune coïncidence dans ce jugement qui suspend de ses fonctions, pour une durée de 11 ans, cette personnalité forte et médiatique de 56 ans. C’est lui, en effet, qui avait, en 2009, démontré l’implication de la Droite Populaire (aujourd’hui au pouvoir) dans un scandale politico-financier. On lui a ainsi reproché ses écoutes illégales, comme on lui reproche à présent d’avoir violé un tabou de la démocratie espagnole en enquêtant, depuis trois ans, sur les crimes du régime franquiste. Curieux pays où la sortie de la dictature a nécessité la médiation d’une monarchie fantoche ; où une loi d’amnistie, édictée deux ans après la mort de Franco, fait toujours peser une chape de nuit sur quelques cent mille disparus politiques. C’est le couvercle de ce deuxième tombeau que Garzon, saisi par de nombreuses associations de victimes, a voulu soulever pour donner plus de clarté et dignité à leur souffrance, arguant le caractère imprescriptible des crimes contre l’humanité. Il a opposé le droit international au pacte local du silence. Mal lui en a pris et comme d’autres juges avant lui, guidés par la même exigence de vérité, il s’est retrouvé à son tour au banc des accusés. Certes, mieux vaut être démis de ses fonctions  que d’être désintégré par une bombe (comme le juge Falcone). Mais c’est, à n’en pas douter, un recul de la démocratie face à ses ennemis intimes. Car amnistie ne doit pas être synonyme d’amnésie. Et l’Espagne - à l’instar de la France avec le régime de Vichy -  devra forcément accepter de regarder son passé en face. Gare, sinon, aux retours périodiques du refoulé.   

 

 

                               Bruno DA CAPO

06/06/2011

La Porte du Soleil



Quelque chose se profile sur la grande place de la Puerta del Sol à Madrid. Un mouvement embryonnaire né d’un ras-le-bol social. Des groupes d’hommes et de femmes, jeunes pour la plupart, semblent redécouvrir les saines vertus de l’agora antique. Ce sont, pour la plupart, des citoyens et citoyennes victimes de la crise espagnole qui manifestent et interpellent le pouvoir politique en soulevant le voile sur la réalité sociale de leurs pays. Ils ne sont pas organisés, se rassemblent chaque jour, ne sont d’aucun parti, ni d’aucune obédience. Ils mettent en forme pour ainsi dire le pourquoi du malaise qui les ronge. On peut gager, comme au bon temps des Etats Généraux, qu’ils ouvriront bientôt ce qu’à l’époque on appela : cahiers de doléances. On peut penser aussi que ce malaise qui les pousse à agir n’est pas uniquement social. C’est le rapport entre pouvoir et citoyens qui pose problème. Cet exercice direct de la démocratie est à mon sens le meilleur. Nous ferions bien de nous en inspirer. Il y a deux jours, une affichette sur les murs toulousains, signée les Indignés, nous invitait à investir la place du Capitole à dix-neuf heures. Depuis, des rassemblements d’Indignés ont lieu à Paris, à Lisbonne, à Barcelone et à Athènes. Ce qui est sûr, en Espagne comme ailleurs, c’est que la représentation démocratique est mise en cause et que les peuples ne se reconnaissent plus dans les élites qui les dirigent. L’Europe et tous ses dirigeants, même s’ils sont élus, semblent coupés de la base. Mais l’Europe a bon dos. C’est bien dans notre pratique démocratique qu’il faut revoir les choses au risque de faire le lit des populismes qui gagnent du terrain. « Il faut vivre indigné » clamait Emile Zola. Stephan Essel et son petit ouvrage a repris la formule. Il semblerait qu’ils aient fait des petits. Tant mieux ! Comme on chantait dans Hair jadis : « Laissons, laissons/Entrer le soleil ! », la Porte du Soleil paraît toute indiquée pour lancer ce programme !

                                 

                                               Yves CARCHON