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08/03/2013

Bruissements (18)

 

 

 

Hessel: sa voix douce et trainante de nonagénaire nous était devenue familière à force d’être médiatisée. Depuis le succès vertigineux de son libelle « Indignez-vous ! » (4 millions d’exemplaires vendus et des traductions  dans une centaine de langues), Stéphane Hessel était régulièrement invité dans les débats d’idées, tant radiophoniques que télévisés, où il faisait un peu figure de vieux sage. N’avait-il pas été de tous les combats du XXeme siècle ? Résistant, déporté, défenseur passionné des Droits de l’Homme, des immigrés et des sans-papiers, cet ancien diplomate portait parfois le fer là où l’on ne l’attendait pas. Ce fut le cas lorsqu’il prit énergiquement position contre les colons israéliens dans la bande de Gaza et appela au boycott de leurs produits. La mort l’a saisi dans  son sommeil durant la nuit du 26 au 27 février derniers : il avait 95 ans. Dès l’annonce de sa disparition, la presse française lui a rendu un hommage quasi unanime – certains, comme France-Culture, n’hésitant pas à bouleverser leur grille de programmes pour saluer sa mémoire. Et ses funérailles, le 7 mars, n’ont pas été moins suivies que celles d’un chef d’état. Pourquoi une telle popularité ? Peut-être parce que Stéphane Hessel avait encore des convictions, quelques idées simples mais justes qu’il proposait clairement à notre époque passablement déboussolée. Moins maître à penser que maître à vivre et à agir, l’éthique moderne n’a pas fini de compter avec lui.  

 

Chavez : président du Venezuela depuis 1998, Hugo Chavez n’aura pas eu la chance de vivre aussi vieux. Le cancer l’a finalement emporté à 58 ans, le 5 mars dernier, soit exactement soixante ans après la mort de Staline. Ce détail vaut son pesant d’or pour celui qui rêvait d’initier une fédération des états d’Amérique du Sud. Le pouvoir, ce fils d’enseignants devenu  militaire l’aimait passionnément, ce qui ne l’empêchait pas de vouloir le bonheur et la liberté de son peuple, sous les auspices de son maitre en révolution, Simon Bolivar. On sait que cette double aspiration ne produit pas toujours les meilleurs effets dans la réalité. Auteur d’un coup d’état raté en 1992, emprisonné durant deux ans,  ce seront finalement les urnes qui  combleront ses ambitions. Dès lors, Chavez  se vivra comme l’héritier de Fidel Castro, stigmatisant l’impérialisme des USA – pourtant son meilleur client -, multipliant les amitiés douteuses avec de grands démocrates comme Vladimir Poutine, Mahmoud Ahmadinejad ou Bachar El Assad. Sept jours de deuil national ont été depuis décrétés au Venezuela et les écoles ont été fermées en hommage au héros de la nation. Mais en France, malgré les communiqués diplomatiques d’usage, il n’y aura guère que Jean-Luc Mélenchon pour être sincèrement attristé de cette disparition.

 

Italie : est-ce que l’Italie en fera autant pour Silvio Berlusconi – 76 ans – lorsqu’il cassera sa pipe ? J’en doute. L’homme reste, en tous les cas, d’une vitalité étonnante, s’affairant sans cesse pour occuper le devant de la scène, malgré – ou à cause – des « casseroles » judiciaires qui tintent derrière lui. Son retour en politique – après seulement deux années d’absence – a confirmé qu’il garde encore bien des sympathies dans la Botte, même si son parti – la coalition du Centre Droit- a fait un score légèrement inférieur à celui de son rival de gauche, Pier-Luigi Bersani (30, 7 contre 31,6 %). Au terme de ces élections législatives et sénatoriales du 24 février dernier, aucune majorité ne s’étant nettement dégagé, le Parlement reste divisé et le gouvernement du pays plus que jamais bloqué. Finalement, le vrai vainqueur de ces élections est l’humoriste Beppe Grillo qui, avec son mouvement 5 étoiles – populiste et farouchement anti-européen –  culmine à prés de 25% des suffrages. Du reste, il n’est pas impossible qu’une telle situation  survienne en France, à l’occasion de prochaines élections. Coluche, réveille-toi, ils sont devenus fous !

 

Sarkozy : le cas Sarkozy n’est pas moins intéressant. D’une discrétion surprenante depuis sa défaite à la récente présidentielle, il se contentait de régner sur une petite chapelle, ne communiquant plus – tel un chef de secte – que par la voix de ses thuriféraires. Las ! Voilà qu’il sort à nouveau du bois, mais avec des réticences, presque contraint et forcé. Car, figurez  vous, le monde de la politique l’ennuie prodigieusement, comme il le déclare à « Valeurs actuelles » (il est vrai qu’il en sait quelque chose). Mais les circonstances sont telles que, par amour pour la France, il pourrait, lui aussi, faire le don de son admirable personne… Pourquoi pas en 2017 ? Il est vrai que François Fillon manifeste depuis quelques jours les mêmes velléités oblatives. Et Copé, dans l’ombre, à quoi rêve-t’il ? S’immoler sur l’autel de la France, bien sûr. M’est d’avis que les humoristes ne vont pas chômer avec le rififi qui se prépare à l’UMP.

 

DSK : quoiqu’il soit désormais dans une semi-retraite, DSK fait toujours vendre les tabloïds. N’est-il pas devenu une sorte d’antonomase de la luxure et du libertinage moderne ? On l’a vue encore récemment, quand le Nouvel Observateur a fait sa une sur le « roman » de Marcela Iacub, « Belle et bête » - dont DSK serait le personnage principal. La juriste argentine n’a pas, nous le savons, la langue dans sa poche. Mais jusqu’à présent elle s’attachait – tâche ô combien estimable ! -  à pourfendre les idées reçues, notamment celles véhiculées par les féministes françaises. A quel vertige a-t’elle cédé pour s’embarquer dans une telle aventure ? Si elle n’en sort pas intellectuellement grandie, elle n’en aura pas moins le bénéfice du scandale. Car il y a gros à parier que la condamnation-éclair de son livre va aussitôt en doper les ventes. Finalement, c’est encore DSK qui s’en sort le moins bien, n’obtenant pour tout cela que 50 000 euros de dommages et intérêts. Mais, bon, son honneur est lavé et, notez-le bien, ce n’est pas lui, cette fois, qui débourse. Comme quoi, il y a un début à tout.  

                                             

                                   Erik PANIZZA

04/03/2013

Immolations

 


 

 

  Le caractère protestataire des suicides publics par inflammation n’est plus à démontrer depuis longtemps. Il s’agit, coute que coute, de marquer les esprits par un geste spectaculaire. De tous ceux que l’indignation a poussés vers ce choix extrême, le cas le plus célèbre demeure encore l’étudiant tchèque Ian Palach, en janvier 1969, après la répression soviétique qui suivit « le printemps de Prague », un an plus tôt. Que ce moyen – effroyable - d’en finir avec la vie puisse trouver encore des adeptes dans la France de 2013 laisse néanmoins pantois. C’est pourtant ce que nous a montré l’actualité de ces dernières semaines, la cause en étant chaque fois la misère, matérielle ou morale, voire les deux à la fois. A Nantes, c’est un chômeur de 42 ans qui s’est immolé par le feu devant son ANPE. L’homme était seul, en fin de droits et – comble de la bêtise administrative ! -  Pôle Emploi lui réclamait en plus le remboursement d’une somme censément trop perçue. Le malheureux a succombé à ses brûlures. Deux jours plus tard, à Saint-Ouen (93), c’est un autre chômeur en fin de droits qui a voulu, lui aussi, mourir de la sorte. Malgré quelques brûlures sérieuses, il a pu être sauvé. A La Rochelle, le 15 février dernier, c’est un lycéen exaspéré de 16 ans qui s’est aspergé d’essence et a allumé un briquet. Lui aussi s’en est tiré, grâce à l’intervention rapide d’autres élèves. Voulait-il vraiment mourir ? Non, sans doute, mais attirer l’attention sur lui et les souffrances qu’il endurait : c’étaient elles qui devaient cesser. Aussi différents soient-ils, ces trois cas font ressortir la part de la société dans la pulsion suicidaire. C’est elle qui est directement mise en cause, à quelque niveau que s’exercent ses pressions. On peut aussi parler d’un geste politique car le mal-être vécu par ces personnes à bout de nerfs est aussi la conséquence de certains  choix gouvernementaux. Ceux qui, à gauche, proposent aujourd’hui de taxer les allocations familiales et les revenus du chômage pour réduire le déficit de nôtre pays devraient y réfléchir à deux fois : car leurs mesures restrictives pourraient bien produire d’autres candidats à l’incandescence suicidaire et l’on ne manquera pas de le leur reprocher. Une façon de signifier littéralement au monde son « burn-out. Car ici, malgré tout, le suicide dénonce plus l’injustice faite à un homme que celle subie par un peuple tout entier.

 

                               Bruno DA CAPO

15:05 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inflammation, suicide, palach, anpe

01/03/2013

De l’art et du cochon

 


Quand on est un homme (ou une femme) public, jusqu’où s’appartient-on encore ? Quelle part de liberté nous reste-t-il et qu’en est-il de notre dignité ? C’est ce que pose entre autres comme épineuses questions le tout dernier opus de Marcela Iacub qui paraît ces jours-ci, quoique avec un peu de retard (dû à ses aventures judiciaires) sous le titre Belle et Bête. L’homme public, c’est DSK, mais cette fois-là avec la tête (pour ne pas dire plus) placée sur le billot féministe de l’auteure. Madame Iacub est, nous dit-elle, tombée amoureuse d’un porc, et ce tout juste après l’affaire du Sofitel dont on a tant parlé... Soit, admettons : on ne contrôle pas ses sentiments, ni toujours ses désirs. Pousser pourtant le pion jusqu’à payer de sa personne à seule fin d’en faire un bouquin (tout bien écrit soit-il) laisse pantois... Mais est-ce bien d’un livre dont il s’agit ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un objet pseudo-littéraire, basé sur une enquête (de première main) dont l’auteure prévoyait qu’il serait acheté, lu, dépecé et commenté puisque s’appuyant sur l’artifice rouée d’une transgression mêlant le sexe et le machisme d’un homme de pouvoir. Il apparaît à l’évidence que DSK, sortant de sa réserve, a été sans nul doute trompé et amplement manipulé. Que sans jamais être nommé, il est mené manu militari sur la place publique, nu, dépouillé de tous ses oripeaux et comparé à un verrat. Certes, notre auteure, Madame Iacub, manie avec perversité la langue française, utilisant le tu narratif censé apostrophé l’homme de qui elle se venge de l’avoir révélée à elle-même, ce qui fait crier au génie, alors qu’il semble que nous soyons dans le grand déballage et que l’auteure balance à tour de wonderbras ! Qui fait l’ange, qui fait la bête ? Où est le porc ? Après la viande de cheval, les bas morceaux de porc ? On voit là que nous pataugeons dans une auge stagnante. Signe des temps : ce qui n’est que cochon passe pour de l’art !


Yves Carchon