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16/03/2018

Bruissements (80)

 

 

Italie : dimanche 4 mars, les Italiens votaient pour renouveler leur assemblée législative. Au terme d’une journée électorale très suivie, c’est sans surprise que la coalition formée par la Ligue du nord (extrême-droite) et Forza Italia (toujours emmenée par l’increvable Silvio Berlusconi)  est arrivée en tête des suffrages exprimés (37%), devant le mouvement populiste Cinque Stelle et son leader Luigi Di Maio (32%). Quant au parti démocrate (pro-européen), il n’a totalisé que 20% des voix, forçant à la démission son président Mattéo Renzi. Un tableau qui confirme l’inquiétante poussée des extrémistes nationalistes en Europe. Qui va à présent gouverner en Italie ? Si une alliance entre Cinque Stelle et les démocrates est envisageable, c’est plus difficile pour l’extrême-droite et son chef Mattéo Salvini qui se retrouve isolé malgré un score très confortable. Et la gauche, pure et dure, dans tout cela ? Elle a disparu des radars puisque le PC, longtemps prépondérant en Italie, a mis la clé sous la porte en1991. Une donne politique qui n’est pas sans évoquer le délitement que connait actuellement la gauche française. Et qui pourrait encore s’accentuer.

 

PS : ils étaient quatre à débattre, mercredi soir sur BFMTV. Quatre cavaliers de l’apocalypse qui briguent le poste vacant de premier secrétaire du Parti Socialiste : Stéphane Le Foll, Luc Cavournas, Olivier Faure et Emmanuel Maurel – lequel présente une ressemblance physique assez étonnante avec François Hollande. S’il y a, entre eux, quelques divergences – vis-à-vis de Macron, en particulier -, leurs points de convergence sont  nombreux. En gros, il s’agit de lutter contre la dérive libérale de l’actuel gouvernement, de remettre l’humain au cœur du débat, de recréer une alliance avec toutes les forces de gauche et de tirer sans honte le bilan du quinquennat Hollande. Le problème pour ce parti, naguère le premier de France, c’est qu’il est à présent exsangue. Il a perdu les trois-quarts de ses adhérents et n’a plus qu’une trentaine de députés à l’Assemblée Nationale. Pour le prochain vainqueur de cette élection interne, la tâche s’annonce extrêmement ardue. Tout comme le Front National, il lui faudra sans doute changer le nom du parti. Tout en maintenant une continuité avec ses missions historiques et ses idéaux passés. Bonne chance à l’heureux élu !

 

Théâtre : que la politique soit une sorte de théâtre, sans doute. Mais que des hommes et des femmes en charge des intérêts de la nation se livrent publiquement à ce genre de divertissement, voilà qui relève, à mon humble avis, d’une désinvolture coupable vis-à-vis du peuple français. Après Emmanuel Macron reprenant, le 1er mars à l’Elysée, le rôle du narrateur dans Pierre et le loup, c’est Marlène Schiappa qui se faisait plaisir en interprétant, une semaine plus tard, Les Monologues du vagin, d’Eve Ensler. La vibrionnante secrétaire d’état n’était pas seule, sur la scène de Bobino, puisque deux ex-ministres l’accompagnaient dans ce ridicule exercice : Myriam El Khomri et Roselyne Bachelot. Leur visée politique n’en était pas moins évidente, puisque nous étions à la veille de la Journée de la Femme et que ce texte, joué un peu partout dans le monde, est l’un des fleurons de la littérature féministe moderne. On dit que la recette a été reversée à une association. Mais laquelle ? Sûrement pas la Fondation pour la recherche médicale.

 

Hôtesses : entre les féministes et la féminité, le divorce est consommé depuis longtemps. Les premières reprochent à cette expression essentialisée de la femme  et ses multiples déclinaisons commerciales d’être trop conditionnées par le désir masculin. Et que leur importe d’aller contre les goûts d’une majorité de femmes dans ce pays pour faire triompher leur cause ! La dernière querelle en date vise les hôtesses d’accueil qui accompagnent les manifestations sportives. Leurs tenues seraient un peu trop courtes, un peu trop suggestives, dégradant ainsi l’image de la femme. Un tel puritanisme fait frémir. Voudraient-elles, pour accueillir les coureurs cyclistes sur le podium, des femmes en burqa ? Les hôtesses leur rappellent volontiers qu’elles font ce métier de leur plein gré et qu’elles ont besoin de l’argent qu’il leur rapporte. Du reste, pourquoi une femme jeune et jolie devrait avoir honte d’être désirable aux yeux des hommes? Il serait temps de s’attaquer aussi à cette autre forme d’intégrisme et à ses revendications intolérantes. Au nom, justement, des femmes et de leur diversité.

 

Cantat : Il y a bientôt quinze ans de ça, Bertrand Cantat, chanteur du groupe Noir désir, commettait l’irréparable en frappant mortellement sa compagne d’alors, l’actrice Marie Trintignant, au cours d’une énième dispute. Depuis, la justice est passée. Cantat a purgé plusieurs années de prison et a été libéré – un peu trop tôt pour certaines - avec, pour condition, de ne pas s’exprimer sur cette sordide affaire. Mais aucune interdiction ne lui est faite de reprendre son métier ; cela participe même à sa réinsertion, comme il est prévu pour toute personne ayant été condamnée. Seulement il n’est pas plombier ou cuisinier mais chanteur. Et ce métier appelle forcément, pour être viable, une certaine médiatisation. Du coup, les associations féministes mobilisent l’opinion contre lui et perturbent la moindre de ses apparitions publiques (comme à Grenoble, cette semaine). Au point que le chanteur, qui a sorti un nouveau disque, a dû annuler ses participations à de nombreux festivals. Qui a raison, qui a tort ? Ici deux logiques s’affrontent : celle de la vengeance qui voudrait forcer au silence définitif Bertrand Cantat et celle de la justice qui autorise sa réhabilitation. L’affaire, qui a pris une ampleur inouïe, est en passe de devenir un cas d’école. Une question, pour finir : serait-on aussi vindicatif contre lui s’il avait tué, non pas une femme mais un homme ?

 

Erik PANIZZA   

17:13 Publié dans numéro 18 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : italie, ps, hôtesses, cantat

08/03/2013

Bruissements (18)

 

 

 

Hessel: sa voix douce et trainante de nonagénaire nous était devenue familière à force d’être médiatisée. Depuis le succès vertigineux de son libelle « Indignez-vous ! » (4 millions d’exemplaires vendus et des traductions  dans une centaine de langues), Stéphane Hessel était régulièrement invité dans les débats d’idées, tant radiophoniques que télévisés, où il faisait un peu figure de vieux sage. N’avait-il pas été de tous les combats du XXeme siècle ? Résistant, déporté, défenseur passionné des Droits de l’Homme, des immigrés et des sans-papiers, cet ancien diplomate portait parfois le fer là où l’on ne l’attendait pas. Ce fut le cas lorsqu’il prit énergiquement position contre les colons israéliens dans la bande de Gaza et appela au boycott de leurs produits. La mort l’a saisi dans  son sommeil durant la nuit du 26 au 27 février derniers : il avait 95 ans. Dès l’annonce de sa disparition, la presse française lui a rendu un hommage quasi unanime – certains, comme France-Culture, n’hésitant pas à bouleverser leur grille de programmes pour saluer sa mémoire. Et ses funérailles, le 7 mars, n’ont pas été moins suivies que celles d’un chef d’état. Pourquoi une telle popularité ? Peut-être parce que Stéphane Hessel avait encore des convictions, quelques idées simples mais justes qu’il proposait clairement à notre époque passablement déboussolée. Moins maître à penser que maître à vivre et à agir, l’éthique moderne n’a pas fini de compter avec lui.  

 

Chavez : président du Venezuela depuis 1998, Hugo Chavez n’aura pas eu la chance de vivre aussi vieux. Le cancer l’a finalement emporté à 58 ans, le 5 mars dernier, soit exactement soixante ans après la mort de Staline. Ce détail vaut son pesant d’or pour celui qui rêvait d’initier une fédération des états d’Amérique du Sud. Le pouvoir, ce fils d’enseignants devenu  militaire l’aimait passionnément, ce qui ne l’empêchait pas de vouloir le bonheur et la liberté de son peuple, sous les auspices de son maitre en révolution, Simon Bolivar. On sait que cette double aspiration ne produit pas toujours les meilleurs effets dans la réalité. Auteur d’un coup d’état raté en 1992, emprisonné durant deux ans,  ce seront finalement les urnes qui  combleront ses ambitions. Dès lors, Chavez  se vivra comme l’héritier de Fidel Castro, stigmatisant l’impérialisme des USA – pourtant son meilleur client -, multipliant les amitiés douteuses avec de grands démocrates comme Vladimir Poutine, Mahmoud Ahmadinejad ou Bachar El Assad. Sept jours de deuil national ont été depuis décrétés au Venezuela et les écoles ont été fermées en hommage au héros de la nation. Mais en France, malgré les communiqués diplomatiques d’usage, il n’y aura guère que Jean-Luc Mélenchon pour être sincèrement attristé de cette disparition.

 

Italie : est-ce que l’Italie en fera autant pour Silvio Berlusconi – 76 ans – lorsqu’il cassera sa pipe ? J’en doute. L’homme reste, en tous les cas, d’une vitalité étonnante, s’affairant sans cesse pour occuper le devant de la scène, malgré – ou à cause – des « casseroles » judiciaires qui tintent derrière lui. Son retour en politique – après seulement deux années d’absence – a confirmé qu’il garde encore bien des sympathies dans la Botte, même si son parti – la coalition du Centre Droit- a fait un score légèrement inférieur à celui de son rival de gauche, Pier-Luigi Bersani (30, 7 contre 31,6 %). Au terme de ces élections législatives et sénatoriales du 24 février dernier, aucune majorité ne s’étant nettement dégagé, le Parlement reste divisé et le gouvernement du pays plus que jamais bloqué. Finalement, le vrai vainqueur de ces élections est l’humoriste Beppe Grillo qui, avec son mouvement 5 étoiles – populiste et farouchement anti-européen –  culmine à prés de 25% des suffrages. Du reste, il n’est pas impossible qu’une telle situation  survienne en France, à l’occasion de prochaines élections. Coluche, réveille-toi, ils sont devenus fous !

 

Sarkozy : le cas Sarkozy n’est pas moins intéressant. D’une discrétion surprenante depuis sa défaite à la récente présidentielle, il se contentait de régner sur une petite chapelle, ne communiquant plus – tel un chef de secte – que par la voix de ses thuriféraires. Las ! Voilà qu’il sort à nouveau du bois, mais avec des réticences, presque contraint et forcé. Car, figurez  vous, le monde de la politique l’ennuie prodigieusement, comme il le déclare à « Valeurs actuelles » (il est vrai qu’il en sait quelque chose). Mais les circonstances sont telles que, par amour pour la France, il pourrait, lui aussi, faire le don de son admirable personne… Pourquoi pas en 2017 ? Il est vrai que François Fillon manifeste depuis quelques jours les mêmes velléités oblatives. Et Copé, dans l’ombre, à quoi rêve-t’il ? S’immoler sur l’autel de la France, bien sûr. M’est d’avis que les humoristes ne vont pas chômer avec le rififi qui se prépare à l’UMP.

 

DSK : quoiqu’il soit désormais dans une semi-retraite, DSK fait toujours vendre les tabloïds. N’est-il pas devenu une sorte d’antonomase de la luxure et du libertinage moderne ? On l’a vue encore récemment, quand le Nouvel Observateur a fait sa une sur le « roman » de Marcela Iacub, « Belle et bête » - dont DSK serait le personnage principal. La juriste argentine n’a pas, nous le savons, la langue dans sa poche. Mais jusqu’à présent elle s’attachait – tâche ô combien estimable ! -  à pourfendre les idées reçues, notamment celles véhiculées par les féministes françaises. A quel vertige a-t’elle cédé pour s’embarquer dans une telle aventure ? Si elle n’en sort pas intellectuellement grandie, elle n’en aura pas moins le bénéfice du scandale. Car il y a gros à parier que la condamnation-éclair de son livre va aussitôt en doper les ventes. Finalement, c’est encore DSK qui s’en sort le moins bien, n’obtenant pour tout cela que 50 000 euros de dommages et intérêts. Mais, bon, son honneur est lavé et, notez-le bien, ce n’est pas lui, cette fois, qui débourse. Comme quoi, il y a un début à tout.  

                                             

                                   Erik PANIZZA