04/03/2013
Immolations
Le caractère protestataire des suicides publics par inflammation n’est plus à démontrer depuis longtemps. Il s’agit, coute que coute, de marquer les esprits par un geste spectaculaire. De tous ceux que l’indignation a poussés vers ce choix extrême, le cas le plus célèbre demeure encore l’étudiant tchèque Ian Palach, en janvier 1969, après la répression soviétique qui suivit « le printemps de Prague », un an plus tôt. Que ce moyen – effroyable - d’en finir avec la vie puisse trouver encore des adeptes dans la France de 2013 laisse néanmoins pantois. C’est pourtant ce que nous a montré l’actualité de ces dernières semaines, la cause en étant chaque fois la misère, matérielle ou morale, voire les deux à la fois. A Nantes, c’est un chômeur de 42 ans qui s’est immolé par le feu devant son ANPE. L’homme était seul, en fin de droits et – comble de la bêtise administrative ! - Pôle Emploi lui réclamait en plus le remboursement d’une somme censément trop perçue. Le malheureux a succombé à ses brûlures. Deux jours plus tard, à Saint-Ouen (93), c’est un autre chômeur en fin de droits qui a voulu, lui aussi, mourir de la sorte. Malgré quelques brûlures sérieuses, il a pu être sauvé. A La Rochelle, le 15 février dernier, c’est un lycéen exaspéré de 16 ans qui s’est aspergé d’essence et a allumé un briquet. Lui aussi s’en est tiré, grâce à l’intervention rapide d’autres élèves. Voulait-il vraiment mourir ? Non, sans doute, mais attirer l’attention sur lui et les souffrances qu’il endurait : c’étaient elles qui devaient cesser. Aussi différents soient-ils, ces trois cas font ressortir la part de la société dans la pulsion suicidaire. C’est elle qui est directement mise en cause, à quelque niveau que s’exercent ses pressions. On peut aussi parler d’un geste politique car le mal-être vécu par ces personnes à bout de nerfs est aussi la conséquence de certains choix gouvernementaux. Ceux qui, à gauche, proposent aujourd’hui de taxer les allocations familiales et les revenus du chômage pour réduire le déficit de nôtre pays devraient y réfléchir à deux fois : car leurs mesures restrictives pourraient bien produire d’autres candidats à l’incandescence suicidaire et l’on ne manquera pas de le leur reprocher. Une façon de signifier littéralement au monde son « burn-out. Car ici, malgré tout, le suicide dénonce plus l’injustice faite à un homme que celle subie par un peuple tout entier.
Bruno DA CAPO
15:05 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inflammation, suicide, palach, anpe
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