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19/10/2012

Mort d’un fantasme

 

                           

Dans les années 60 et au début des années 70, on s’arrachait - quoique sous le manteau - un roman érotique signé Emmanuelle Arsan. C’était ce qu’aujourd’hui on nommerait du « porno-chic », récit narrant l’initiation d’une jeune bourgeoise désœuvrée aux mille façons de faire l’amour. Ce petit livre venait un peu heurter, pour ne pas dire décomplexer, les convenances et la raideur d’une France pompidolienne guindée et prude ; il attira un lectorat nombreux grâce à la séduction de l’érotisme littéraire osé (en tout cas pour l’époque) et sans manières qu’il instillait. Le film qu’on en tira fit un triomphe. Et l’interprète qui incarna Emmanuelle, Sylvia Kristel, devint du jour au lendemain une nouvelle déesse. Qui n’a encore en tête cette madone dénudée, installée savamment dans un siège en rotin, aux cheveux courts comme ceux de Jean Seberg et aux seins fermes et accomplis comme les plus beaux des Caravage ? Mais le succès fut tel que l’actrice Kristel dut s’effacer derrière Emmanuelle et qu’elle devint malheureusement l’actrice d’un seul rôle. Elle fut conviée bien sûr de renouveler son exploit dans un « Emmanuelle 2 » plutôt médiocre, pour ne pas dire plus. Le premier n’était pas un chef-d’œuvre, mais il avait donné un coup de pied dans la pudibonderie et donc l’hypocrisie ambiante. Film identique à celui de Vadim (Et Dieu créa la femme) qui n’était pas non plus un très grand film mais dont l’impact marqua l’époque. Le reste de la filmographie de Kristel Sylvia ne vaut pas qu’on en parle, à part peut-être Alice ou la dernière fugue de Claude Chabrol. Puis son nom tomba dans l’oubli. Enfin non, pas vraiment : le simple nom d’Emmanuelle évoqué ça et là nous renvoyait à l’âge où le fantasme règne en maître. A cette France aussi qui sortait des ténèbres et qui jetait déjà les bases d’une société aux mœurs libres et sans pathos. On apprend aujourd’hui qu’Emmanuelle nous a quittés. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Et, en songeant au frais minois de notre icône, nous devons bien nous incliner devant cette évidence aussi cruelle qu’imparable : même les fantasmes les plus sophistiqués ont aussi une fin !

 

 

                                                Yves CARCHON

18/10/2012

Bruissements (12)

 

 


 

 

 Europe : en décernant, jeudi 11 octobre, le Prix Nobel de la Paix à l’Union Européenne, le comité norvégien a créé la surprise, mais une surprise quand même attendue depuis longtemps. Par cette distinction hautement symbolique, il a voulu récompenser la paix durable que la construction fédérale (initiée par Robert Schuman dès 1950) a établie dans cette partie du monde si souvent mise à feu et à sang. C’est aussi, bien sûr, un encouragement à ce grand projet transnational que la crise économique met à rude épreuve depuis quelques années. Car l’Europe des 27 – en attendant de nouveaux entrants – peine à trouver sa cohésion. Malgré une législation censée assurer à tous ses ressortissants les mêmes  droits, des disparités considérables subsistent entre les états membres : mieux vaut, par exemple, si l’on est homosexuel vivre aux Pays-Bas plutôt qu’en Roumanie. Ces inégalités touchent aussi les salaires, là encore selon un axe nord-sud. Et l’euro, sa monnaie commune, si pratique pour les échanges à l’intérieur de l’espace fédéral, est perçue comme une entrave économique  par tous ceux qu’un déficit abyssal accable. D’où de plus en plus de velléités séparatistes d’états, voire de régions relativement prospères (comme la Catalogne ou l’Ecosse) qui voudraient bien continuer à bénéficier de la couverture européenne sans en avoir les contraintes. Car l’égoïsme, lui aussi, ignore les frontières et la solidarité est sans nul doute le maillon faible de l’actuelle Union Européenne. Que l’on vive en Allemagne ou en Grèce, on a encore beaucoup de mal à élever sa pensée jusqu’au niveau européen. Le vécu quotidien des gens ne peut pas se satisfaire de traités et de décrets élaborés  en des sphères néo-olympiennes, que celles-ci soient à Strasbourg ou à Bruxelles. Cet attachement naturel au local et les conflits internes qu’il entretient (ou prépare) feront-ils éclater cette ambitieuse construction ? Ce serait quand même dommage, eu égards aux enjeux et aux efforts déjà accomplis. A propos, quand donc la Norvège – pays du comité Nobel – compte-t’elle devenir membre à part entière de cette Union Européenne qu’elle encourage  de ses voeux?   

 

 

Courrier : ceux qui, comme moi, ont des correspondants en Europe l’auront sans doute constaté. Alors que les tarifs postaux étaient harmonisés pour la zone euro, ils sont repassés à une tarification pays par pays, proportionnelle à sa localisation géographique. Autrement dit, une lettre pour l’Estonie coute désormais plus cher, à poids égal, qu’une lettre pour la Belgique. C’est à ce genre de mesures que l’on voit aussi les failles d’un système.

 

 

Food to share : c’est l’invitation que l’on trouve au dessus des plants de légumes qui ont surgi un peu partout dans Todmorden, (Yorkshire). Frappée par la crise, cette petite ville anglaise au passé industriel se mourrait quand ses habitants ont décidé de prendre leurs vies en mains. C’est ainsi qu’ils ont commencé en 2008 à planter et à cultiver tous les terrains disponibles – y compris ceux en bordure du cimetière – pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Tout était en libre accès et manger n’a dès lors plus couté que l’effort de se baisser. L’expérience a tellement porté ses fruits que la population de Todmorden est maintenant auto-suffisante à 80%. Et qu’elle intéresse de plus en plus d’autres pays et d’autres villes en Europe. Ici, chacun travaille et consomme selon ses besoins sans chercher à voler son voisin. Car cette heureuse initiative a, de surcroît, recréé du lien social là où il s’était délité. Bel exemple d’une autonomie reconquise par le peuple contre les puissances coercitives de l’économie et de la politique. Sans violence ni effets d’annonce idéologiques : c’est peut-être cela, la vraie révolution.

 

BAC : la dissolution de la BAC nord de Marseille n’a pas fini de provoquer des remous. Fallait-il envoyer en prison la moitié de ses hommes - soit 15 policiers - pour des faits, certes répréhensibles, mais qui n’ont rien d’exceptionnel dans ce contexte (après tout, ils n’ont fait que voler des délinquants) ? Fallait-il jouer la carte de l’exemple contre celle de la sécurité, quitte à laisser le champ libre aux trafiquants ? A l’heure où la police se plaint avec raison d’un manque d’effectifs, on aurait pu trouver une autre alternative et ne pas ainsi se priver d’une expérience professionnelle que leurs remplaçants plus intègres peineront à acquérir. Cette affaire illustre assez parfaitement le décalage qui existe entre le discours officiel et la réalité pratique, entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. Dans la lutte contre le crime, les résultats ne sont pas l’œuvre des politiques qui décrètent mais bien des hommes qui prennent des risques sur le terrain. Et risquer sa peau pour seulement 2000 euros mensuels peut inciter certains policiers à glisser dans l’illégalité pour améliorer leur ordinaire. Il y a, là aussi, un facteur économique qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, prendre en compte.

 

Reculades : ratification du traité budgétaire européen limitant le déficit structurel à 0,5% du PIB, retrait du projet de loi sur la fiscalité des entreprises suite à la fronde d’une trentaine de patrons « pigeons », opposition au projet d’intégrer les œuvres d’art (de plus de 50 000 euros) dans le calcul de l’ISF : est-on sûr, avec François Hollande, d’être sorti de « l’ère Sarkozy » ?

 

 

                             Erik PANIZZA

15/10/2012

Petit tour en Françafrique

 


 

Un article, dans Le Monde du 5 octobre, titrant « Prison Break à Kinshasa » a attiré mon attention. Il y était question de l’évasion spectaculaire d’Antoine Vumilia, prisonnier politique à la prison de Makala de Kinshasa. Le même Vumilia qui, pensant s’engager derrière Kabila père dans une révolution quasi-marxiste, avait abandonné sa formation d’acteur pour instaurer un nouvel ordre démocratique...Las ! On sait comment Kabila père a usé du pouvoir ! Quand on l’a liquidé, un procès collectif ubuesque a eu lieu pour chercher les coupables au terme duquel Vumilia a été condamné à mort, puis condamné à vie si l’on peut dire. De sa prison, la plus sordide de toute l’Afrique, Vumilia a écrit de courts textes théâtraux qu’il passe sous le manteau. Il va même jusqu’à filmer avec une caméra cachée la vie de la prison, les gangs qui font la loi et sa rocambolesque cavale, fardé et déguisé en femme ! Aujourd’hui, après être passé au Congo-Brazzaville et avoir obtenu un visa pour quitter ce pays, il vit en Suède et est remonté sur les planches. La réalité d’Antoine Vumilia luttant dans sa prison pourrie de Makala avec pour seules armes ses mots, ses textes rejoint la fiction d’une de mes pièces, La cage, montée en 2010 et 2011 à... Kinshasa dans le même temps où Vumilia purgeait sa peine ! Hier, grâce à facebook, j’ai pu échanger quelques mots avec Antoine Vumilia... Grand et beau moment ! Intrigué par mon aventure congolaise, il est impatient de lire ma pièce et qui sait de la monter ! Tout ça, quand Hollande s’apprête à devoir serrer la paluche à l’autre Kabila, fils celui-là ! Si ce n’est pas misère...

 

PS : Dernière minute, Hollande s’est montré glacial avec Kabila et ne lui pas serré la main. Mea culpa ! Néanmoins, il aurait pu se montrer à la hauteur des propos du Canadien qui, lui, n’a pas mâché ses mots !

 

 

 

 

                                                  Yves CARCHON