Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/10/2012

Mort d’un fantasme

 

                           

Dans les années 60 et au début des années 70, on s’arrachait - quoique sous le manteau - un roman érotique signé Emmanuelle Arsan. C’était ce qu’aujourd’hui on nommerait du « porno-chic », récit narrant l’initiation d’une jeune bourgeoise désœuvrée aux mille façons de faire l’amour. Ce petit livre venait un peu heurter, pour ne pas dire décomplexer, les convenances et la raideur d’une France pompidolienne guindée et prude ; il attira un lectorat nombreux grâce à la séduction de l’érotisme littéraire osé (en tout cas pour l’époque) et sans manières qu’il instillait. Le film qu’on en tira fit un triomphe. Et l’interprète qui incarna Emmanuelle, Sylvia Kristel, devint du jour au lendemain une nouvelle déesse. Qui n’a encore en tête cette madone dénudée, installée savamment dans un siège en rotin, aux cheveux courts comme ceux de Jean Seberg et aux seins fermes et accomplis comme les plus beaux des Caravage ? Mais le succès fut tel que l’actrice Kristel dut s’effacer derrière Emmanuelle et qu’elle devint malheureusement l’actrice d’un seul rôle. Elle fut conviée bien sûr de renouveler son exploit dans un « Emmanuelle 2 » plutôt médiocre, pour ne pas dire plus. Le premier n’était pas un chef-d’œuvre, mais il avait donné un coup de pied dans la pudibonderie et donc l’hypocrisie ambiante. Film identique à celui de Vadim (Et Dieu créa la femme) qui n’était pas non plus un très grand film mais dont l’impact marqua l’époque. Le reste de la filmographie de Kristel Sylvia ne vaut pas qu’on en parle, à part peut-être Alice ou la dernière fugue de Claude Chabrol. Puis son nom tomba dans l’oubli. Enfin non, pas vraiment : le simple nom d’Emmanuelle évoqué ça et là nous renvoyait à l’âge où le fantasme règne en maître. A cette France aussi qui sortait des ténèbres et qui jetait déjà les bases d’une société aux mœurs libres et sans pathos. On apprend aujourd’hui qu’Emmanuelle nous a quittés. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Et, en songeant au frais minois de notre icône, nous devons bien nous incliner devant cette évidence aussi cruelle qu’imparable : même les fantasmes les plus sophistiqués ont aussi une fin !

 

 

                                                Yves CARCHON