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18/10/2012

Bruissements (12)

 

 


 

 

 Europe : en décernant, jeudi 11 octobre, le Prix Nobel de la Paix à l’Union Européenne, le comité norvégien a créé la surprise, mais une surprise quand même attendue depuis longtemps. Par cette distinction hautement symbolique, il a voulu récompenser la paix durable que la construction fédérale (initiée par Robert Schuman dès 1950) a établie dans cette partie du monde si souvent mise à feu et à sang. C’est aussi, bien sûr, un encouragement à ce grand projet transnational que la crise économique met à rude épreuve depuis quelques années. Car l’Europe des 27 – en attendant de nouveaux entrants – peine à trouver sa cohésion. Malgré une législation censée assurer à tous ses ressortissants les mêmes  droits, des disparités considérables subsistent entre les états membres : mieux vaut, par exemple, si l’on est homosexuel vivre aux Pays-Bas plutôt qu’en Roumanie. Ces inégalités touchent aussi les salaires, là encore selon un axe nord-sud. Et l’euro, sa monnaie commune, si pratique pour les échanges à l’intérieur de l’espace fédéral, est perçue comme une entrave économique  par tous ceux qu’un déficit abyssal accable. D’où de plus en plus de velléités séparatistes d’états, voire de régions relativement prospères (comme la Catalogne ou l’Ecosse) qui voudraient bien continuer à bénéficier de la couverture européenne sans en avoir les contraintes. Car l’égoïsme, lui aussi, ignore les frontières et la solidarité est sans nul doute le maillon faible de l’actuelle Union Européenne. Que l’on vive en Allemagne ou en Grèce, on a encore beaucoup de mal à élever sa pensée jusqu’au niveau européen. Le vécu quotidien des gens ne peut pas se satisfaire de traités et de décrets élaborés  en des sphères néo-olympiennes, que celles-ci soient à Strasbourg ou à Bruxelles. Cet attachement naturel au local et les conflits internes qu’il entretient (ou prépare) feront-ils éclater cette ambitieuse construction ? Ce serait quand même dommage, eu égards aux enjeux et aux efforts déjà accomplis. A propos, quand donc la Norvège – pays du comité Nobel – compte-t’elle devenir membre à part entière de cette Union Européenne qu’elle encourage  de ses voeux?   

 

 

Courrier : ceux qui, comme moi, ont des correspondants en Europe l’auront sans doute constaté. Alors que les tarifs postaux étaient harmonisés pour la zone euro, ils sont repassés à une tarification pays par pays, proportionnelle à sa localisation géographique. Autrement dit, une lettre pour l’Estonie coute désormais plus cher, à poids égal, qu’une lettre pour la Belgique. C’est à ce genre de mesures que l’on voit aussi les failles d’un système.

 

 

Food to share : c’est l’invitation que l’on trouve au dessus des plants de légumes qui ont surgi un peu partout dans Todmorden, (Yorkshire). Frappée par la crise, cette petite ville anglaise au passé industriel se mourrait quand ses habitants ont décidé de prendre leurs vies en mains. C’est ainsi qu’ils ont commencé en 2008 à planter et à cultiver tous les terrains disponibles – y compris ceux en bordure du cimetière – pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Tout était en libre accès et manger n’a dès lors plus couté que l’effort de se baisser. L’expérience a tellement porté ses fruits que la population de Todmorden est maintenant auto-suffisante à 80%. Et qu’elle intéresse de plus en plus d’autres pays et d’autres villes en Europe. Ici, chacun travaille et consomme selon ses besoins sans chercher à voler son voisin. Car cette heureuse initiative a, de surcroît, recréé du lien social là où il s’était délité. Bel exemple d’une autonomie reconquise par le peuple contre les puissances coercitives de l’économie et de la politique. Sans violence ni effets d’annonce idéologiques : c’est peut-être cela, la vraie révolution.

 

BAC : la dissolution de la BAC nord de Marseille n’a pas fini de provoquer des remous. Fallait-il envoyer en prison la moitié de ses hommes - soit 15 policiers - pour des faits, certes répréhensibles, mais qui n’ont rien d’exceptionnel dans ce contexte (après tout, ils n’ont fait que voler des délinquants) ? Fallait-il jouer la carte de l’exemple contre celle de la sécurité, quitte à laisser le champ libre aux trafiquants ? A l’heure où la police se plaint avec raison d’un manque d’effectifs, on aurait pu trouver une autre alternative et ne pas ainsi se priver d’une expérience professionnelle que leurs remplaçants plus intègres peineront à acquérir. Cette affaire illustre assez parfaitement le décalage qui existe entre le discours officiel et la réalité pratique, entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. Dans la lutte contre le crime, les résultats ne sont pas l’œuvre des politiques qui décrètent mais bien des hommes qui prennent des risques sur le terrain. Et risquer sa peau pour seulement 2000 euros mensuels peut inciter certains policiers à glisser dans l’illégalité pour améliorer leur ordinaire. Il y a, là aussi, un facteur économique qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, prendre en compte.

 

Reculades : ratification du traité budgétaire européen limitant le déficit structurel à 0,5% du PIB, retrait du projet de loi sur la fiscalité des entreprises suite à la fronde d’une trentaine de patrons « pigeons », opposition au projet d’intégrer les œuvres d’art (de plus de 50 000 euros) dans le calcul de l’ISF : est-on sûr, avec François Hollande, d’être sorti de « l’ère Sarkozy » ?

 

 

                             Erik PANIZZA