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22/02/2011

Le syndrome tunisien



La Tunisie aujourd’hui a fait florès. Comment ne pas applaudir, vu l’état de la démocratie dans le Maghreb et sur tout le pourtour arabe méditerranéen. Comment ne pas s’en féliciter ? Mais aussi, surtout, comment ne pas être inquiet de l’embrasement qui a gagné Bahreïn, le Yémen, l’Algérie et la Lybie. Les Américains comme les Européens, débordés et dépassés par les événements, ne savent trop s’il faut en rire ou en pleurer. En Egypte, par exemple, l’armée semble avoir pris le relais de Moubarak. Mais pour quelle issue : assurer la transition ou mettre main basse sur le pouvoir ? On sait qu’en Egypte l’armée tient les rênes du pouvoir depuis des lustres. Les vieux démons ont hélas la vie dure. L’armée reste l’armée. La révolution égyptienne ne risque-t-elle pas d’être volée au peuple ? Des prémices nous le font penser mais prions Allah (pour ceux qui y croient) que cette transition ait vraiment lieu ! A Bahreïn comme au Yémen, on nous dit que la violence est à son comble et qu’il y a des morts. Et l’on s’en étonne ! Nos commentateurs croient-ils qu’une révolution se fait tranquillement de la même manière qu’à une époque la guerre en Irak se disait chirurgicale ? Dans la foulée, deux autres pays s’éveillent pour goûter au vent de liberté : l’Algérie et la Lybie. On peut craindre le pire dans ces deux derniers pays : une répression sanglante. Kadhafi sera impitoyable, s’il ne l’est déjà. Le peu que l’on sait déjà sur ce qui se passe à Bengazi et Tripoli donne la mesure hélas de massacres à venir. A Alger, même inquiétude. Bouteflika n’est pas un tendre, loin de là ! Dès lors, comment nos fluctuantes démocraties peuvent-elles accompagner ces lames de fond sans être tout aussitôt taxées d’ingérence scandaleuse ? Et d’ailleurs, le peut-on ? Certes, l’Occident croit dur comme fer avoir déposé une sorte de brevet ancien sur le vocable révolution, mais a-t-il les moyens d’infléchir le cours des choses ? Ca me semble difficile. Ce qu’on sait, les Américains en tête, c’est que cette partie du monde est en train de basculer sans qu’on sache la configuration nouvelle qu’elle prendra. Les Islamistes attendent-ils au coin du bois ? D’autres dictatures ont-elles des chances de s’imposer ? Et quelles seront les incidences sur le conflit israélo-palestinien ? Et le Canal de Suez où transitent nos tankers ? Et le pétrole ? Voilà bien des soucis, sujets de préoccupation en perspective. Quel historien américain avait prophétisé incongrument la fin de l’Histoire ?

 

                                             Yves CARCHON