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16/12/2021

             Retour au père

                         

 

 

  Eric Zemmour a mis fin au faux suspense qui entourait sa candidature à l’élection présidentielle et est entré officiellement en campagne. Si, la semaine précédente, son déplacement à Marseille avait été pour le moins houleux, son premier meeting, dimanche à Villepinte, a viré à l’affrontement ouvert. On sait depuis longtemps que la politique est un sport de combat, qu’elle entraîne souvent la violence verbale, mais aussi physique, dans son sillage. Les candidats et les élus, malgré l’important dispositif de sécurité qui les entoure, ne sont jamais à l’abri d’un attentat incontrôlable sur leur personne. François Hollande, enfariné en janvier 2012 à la Porte de Versailles, ou Emmanuel Macron, giflé cette année par un militant royaliste lors d’un déplacement dans la Drôme, en savent quelque chose. Mais là aussi il y a des degrés et ce qu’on a vu à Villepinte était d’un autre ordre : c’était une violence destinée à tuer Eric Zemmour – qui s’en tire avec une blessure au poignet.

 

Cette agression, qui fait suite à des menaces de mort déjà proférées à l’encontre du leader d’extrême-droite, devrait interroger tout observateur de la vie politique. Elle est l’expression d’une haine individuelle, profonde, passionnelle, spéculaire. D’une certaine façon, elle constitue un choc en retour à la haine verbale – et maintenant programmatique – que le polémiste distille depuis de nombreuses années dans les médias et dans ses livres. En se faisant l’avocat d’un régime autocratique et raciste comme le fut l’état de Vichy, en s’en prenant ouvertement aux femmes et aux « racisés » (accusés de ne pas suffisamment s’assimiler), en faisant des amalgames grossiers entre étrangers et immigrés clandestins, entre l’Islam et le terrorisme, il ne pouvait que s’attendre à des réactions violentes – et il y en aura d’autres, certainement, d’ici la fin de cette campagne présidentielle. Tant que ses thèses restaient dans l’aire médiatique, elles pouvaient être seulement contestées par des arguments rationnels. Mais lorsqu’elles deviennent les éléments d’un projet politique, on peut comprendre qu’elles hérissent et provoquent une partie de la population française.

 

Pourtant, ce qui s’est passé dimanche dans son meeting (expulsion des journalistes, tabassage des militants de SOS racisme venus manifester leur hostilité, attaque physique sur le candidat)  a comme un air de déjà-vu. Cela rappelle l’ambiance qui régnait dans les réunions du Front National première manière. Car, dans les années 80-90, les échauffourées entre partisans du FN et militants de gauche n’étaient pas rares. Elles valurent quelques procès à son chef historique qui, d’ailleurs, n’hésitait pas à se jeter dans la bagarre – comme en 1997 à Mantes- la- Jolie -. C’est tout ce qu’a voulu gommer Marine Le Pen depuis son accession à la tête du parti et sa requalification en Rassemblement National. C’est tout ce que fait ressurgir Eric Zemmour avec ses thèmes de campagne sans filtre et son arrogance machiste. A tel point que l’on peut parler d’un retour au père avec lui. Mais il n’est pas certain qu’il soit le fils naturel rêvé par Jean-Marie Le Pen.

                                                

 Jacques LUCCHESI

 

26/12/2014

Faut-il brûler Eric Zemmour ?

           

 

  Depuis le succès colossal de son « Suicide français » (Près de 500 000 exemplaires vendus à ce jour), Eric Zemmour vit en permanence sous le regard des médias. Ce n’est d’ailleurs plus en tant que journaliste qu’il fait la tournée des plateaux de télévision mais en tant que « penseur » de son époque et, à ce titre-là, il multiplie les déclarations alarmistes. A ce jeu-là, il y a forcément des glissements dangereux. Le dernier en date fut au cours de cet entretien donné au « Corriere Della Sera », le 30 octobre dernier, où il évoquait à mots couverts la possibilité d’un rapatriement massif de tous les étrangers excédentaires en France. Le spectre de la déportation a aussitôt ressurgi dans les esprits et – quoique de l’aveu même du journaliste italien Stefan Montefiori, Zemmour n’ait jamais prononcé ce mot durant leur conversation -, il a entrainé une levée de boucliers contre le polémiste. Pas en Italie mais en France où des associations antiracistes – la LICRA en tête – lui sont tombées dessus, demandant son éviction pure et simple de la sphère publique. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a pris cette demande au sérieux et envisage des sanctions contre le réactionnaire le plus médiatisé du moment. Zemmour dérange et c’est sans doute   la clé de son succès actuel.  Est-ce une raison valable pour le censurer ? Sûrement pas ! Car, dans ce cas, notre démocratie nierait ses valeurs de pluralité et de tolérance, tombant ainsi dans le piège de ses détracteurs. S’il faut combattre Eric Zemmour, ce n’est pas en lui confisquant la parole mais en l’affrontant sur son propre terrain : celui des idées. Les siennes, on le sait bien, relèvent moins de la raison que de l’affectivité et de la nostalgie pour une époque qu’il n’a pas vécue ; une époque qui aurait d’ailleurs pu lui être fatale, vu ses origines juives. Ce sont les idées d’un homme en recherche de repères, qui a développé une vision figée de l’histoire. Autrement dit, un examen approfondi de ses thèses devrait permettre assez facilement de les déconstruire une à une. Encore faut-il faire ce travail et oser le débat public avec lui. Et c’est bien ce que n’ont pas fait, jusqu’à présent, tous ceux qui le vouent aux gémonies un peu trop arbitrairement.

 

 

                      Bruno DA CAPO