Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/08/2015

Les humains de la misère

 

Le torchon brûle entre le gouvernement et Eurotunnel concernant l’épineux problème des migrants tentant de gagner la Grande-Bretagne, qui empruntent clandestinement le tunnel sous la Manche. Neuf décès ont déjà été recensés depuis début juin. 37 000 déjà auraient été interceptés en l’espace de sept mois, des travaux de sécurisation du port de Calais avec « fils barbelés et barricades » ayant dissuadé les migrants à s’embarquer dans les camions montant sur les ferries... Vous dites : « fils barbelés » ? Voilà qui glace déjà le sang. Poursuivons. Ces passages se font souvent de nuit et le PDG d’Eurotunnel parle d’une « pression insupportable » que ne peut admettre un concessionnaire sérieux. Toujours selon l’éminent concessionnaire, 13 millions d’euros ont été investis « dans des moyens physiques (clôtures, éclairages, caméras, barrières infrarouge) » et « humains de protection du Terminal de Coquelles ». Le terme « humains de protection » fait déjà froid dans le dos. Il s’agit en fait « d’effectifs de gardiennage » que le pauvre PDG a dû doubler. Il en appelle donc aux responsabilités de l’Etat qui rechigne à employer des CRS. M. Cazeneuve, notre bon ministre de l’Intérieur, se rebiffe, tape du poing sur la table. Faux, dit-il. Et de  nous donner ses chiffres. Du coup, le pugnace PDG réclame près de 10 millions d’euros aux Etats français et britannique qui, selon lui, compenseraient un manque à gagner liés à l’afflux des clandestins. J’arrête là et je demande : dans quel monde vivons-nous ? Doit-on enrôler encore plus « d’humains de protection » ou dresser plus de barrières et autres tonnes de barbelés pour bouter tous ces humains de la misère ? Qui ose parler dans pareilles conditions de « manque à gagner » ? Avons-nous perdu la tête ? Car en acceptant clôtures, caméras et barrières infrarouge, c’est beaucoup de notre liberté que nous perdons !

                 Yves Carchon

31/07/2015

Ce qu’il dit ou rien

 

                    

 

 

 Longtemps, Dominique Strauss-Kahn a été considéré comme l’un de nos meilleurs économistes. Professeur à l’université de Nanterre, ministre de l’économie et des finances sous le gouvernement Jospin puis directeur du FMI de 2007 à 2011, sa parole et ses avis étaient pris au sérieux par l’ensemble de la classe politique internationale. Puis il y eût ce coup fatal porté à sa carrière politique en mai 2011, avec l’affaire du Sofitel de New-York. Suivie rapidement par d’autres procès du même acabit, où sa vie privée fut étalée sur la place publique. Depuis, et même s’il a été chaque fois relaxé, son nom – ramené à ses trois initiales – n’est plus que synonyme de débauche et de libertinage, tout juste bon à faire rire avec son obscène marionnette des Guignols de l’info. Il s’inscrit dans une famille assez grande d’hommes politiques brisés ou salis par des scandales sexuels : André le Troquer, John Profumo, Bill Clinton ou Silvio Berlusconi.  

Cela signifie-t’il que Dominique Strauss-Kahn  n’a plus rien à dire sur l’actualité politique et économique ? Sûrement pas ! Pour preuve « Apprendre de ses erreurs », la longue lettre bilingue (Anglais-Français) sur la crise grecque qu’il a publiée le 27 juin dernier. Selon lui, la principale erreur du FMI est d’avoir considéré la situation de la Grèce comme un problème classique de crise budgétaire. En second lieu, il estime que les instances internationales ont sous-estimé la profondeur des faiblesses institutionnelles de ce pays. Mais ce qui lui semble le plus important, c’est sans doute le caractère inachevé de l’union monétaire européenne. En conclusion de son essai, il appelle à un changement de logique, proposant que la Grèce ne reçoive plus de nouveaux financements de l’UE et du FMI si, en contrepartie, elle bénéficiait d’une réduction massive de sa dette.

On sait depuis quel choix a fait le gouvernement grec sous la pression internationale, ce qui n’invalide en rien la pertinence de son analyse. Mais voilà, les scandales de ces récentes années ont dévalué sa crédibilité politique. Certes, DSK intéresse encore les médias mais pas pour de bonnes raisons. Et c’est par un haussement d’épaules que Manuel Valls a accueilli ses thèses sur la crise grecque. Ce qu’il dit ou rien…La roue tourne et c’est tellement jouissif, quand on a été le dernier de la classe, de pouvoir mépriser celui qui en fut le premier. 

 

                                          

                       Bruno DA CAPO

14:05 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dsk, guignols, grèce, fmi

24/07/2015

Mozart revisité

 

                            

 

 

 Dans l’actualité de ces dernières années, on a souvent vu des œuvres d’art ou des spectacles retirés prématurément de l’affiche parce que susceptibles de choquer l’opinion musulmane. Ce fut, notamment, le cas pour « Le fanatisme ou Mahomet le Prophète», pièce de Voltaire montée en Suisse et en France en 2005. Cette auto-censure des créateurs artistiques est plus que jamais au cœur des débats qui agitent la médiasphère depuis un certain 7 janvier 2015. Ce qui s’est passé récemment au Festival d’Art Lyrique d’Aix est cependant différent. On y programmait « L’enlèvement au sérail », l’un des opéras les plus connus de Mozart. Comme ne le cache pas son titre, il y est question d’un rapt : celui d’une aristocrate et de sa servante par des pirates levantins en vue de les vendre à un sultan libidineux. D’où la quête éperdue de son fiancé pour les arracher à cet univers oppressant. De quiproquos en tractations, la conclusion sera heureuse et tout ce petit monde retrouvera, bien sûr, la liberté et l’amour. L’opéra fut créé à Vienne en 1782 et son canevas épouse assez bien l’esprit des Lumières, mélange d’optimisme et de fascination pour la culture de l’autre, surtout en matière de mœurs sexuelles. Cette lecture était sans doute trop simpliste pour Martin Kusej, metteur en scène du dit opéra. Car avec lui, le sérail de tous nos fantasmes est devenu un camp retranché de djihadistes  enturbannés, kalachnikovs en bandoulière. Il  a même inséré dans le décor une vidéo de décapitation et un drapeau de Daesh, des fois où le public n’aurait pas bien compris sa géniale vision de l’opéra mozartien. Je veux bien qu’un metteur en scène exerce son droit de relecture d’une œuvre du répertoire classique. Je veux bien qu’il la réactualise avec, par exemple, des artefacts et des costumes modernes. C’est que fit, entre autres, Jean-Pierre Vincent dans un mémorable « Lorenzaccio » donné en 2000 à Marseille (rappelons que l’action de la pièce de Musset est censée se dérouler au XVI eme siècle). Mais avec les choix de Martin Kusej, on n’est plus dans l’allégorie mais dans un lourd et insistant rappel de l’actualité la plus sordide. A-t-il pensé que le spectateur d’un opéra ou d’une pièce de théâtre peut chercher à fuir, le temps d’une représentation, une réalité médiatique un peu trop déprimante ? N’a-t’il pas entrevu que son parti-pris esthétique faisait un surcroît de publicité à une organisation terroriste qui ne recherche que ça à travers toutes ses abominations ? Le public ne s’y est pas trompé, lui qui a copieusement hué sa mise en scène. Au point que Bernard Foccroule, directeur du festival d’Aix, a exigé et obtenu la suppression de la séquence de décapitation et du drapeau incriminé. Rarement censure aura été plus justifiée. Devant quoi  il se trouvera sans doute quelques belles âmes pour clamer qu’il n’y a plus de liberté dans ce pays.

 

                     Jacques LUCCHESI

14:53 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aix, mozart, rapt, sérail