Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/01/2011

La pudeur offensée de Roselyne Bachelot


     


 Sexualité et handicap : voilà plusieurs années que l’idée fait son chemin dans les mentalités. En Europe, les exemples encourageants ne manquent pas. La Suisse, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark ont ainsi légalisé la délicate profession d’assistant(e) sexuel(le), laquelle consiste, comme on le sait peut-être, à visiter des personnes lourdement handicapées  - hommes et femmes – pour leur réapprendre les gestes conduisant au plaisir, cas échéant en y participant soi-même. Ces prestations, évidemment tarifiées, sont prises en charge, comme des actes médicaux ordinaires, par la sécurité sociale des pays concernés. Cette progressive reconnaissance d’un droit à la sexualité a même forcé l’attention de François Fillon, lequel retrouvant la fibre sociale de sa jeunesse a ainsi chargé l’un de ses députés, Jean-François Chossy, de plancher sur une proposition de loi visant à introduire ces soins d’un genre nouveau en France.
Mais, comme il est de règle dans le monde politique, les meilleures intentions se heurtent, sitôt qu’elles pointent le bout du nez, au tollé de tous les conservatismes. La réaction, en l’occurrence, est venue de son propre camp, par la bouche de sa ministre de la solidarité et de la cohésion sociale – passez-moi du peu ! -, madame Roselyne Bachelot. Interrogée sur le sujet le 6 janvier dernier, au cours d’une conférence de presse, elle a rejeté sans ambages cette idée pourtant généreuse, l’assimilant ni plus ni moins à de la prostitution, donc à une pratique dégradante pour les femmes. La réaction épidermique et partisane de notre ministre saute aux yeux et aux oreilles. Elle est étayée, du reste, par les termes inhabituellement méprisants (« un truc pareil ») avec lesquels elle a qualifié le projet, pourtant fort sérieux, de M. Chossy. Loin de réagir à cette question avec la relative impartialité et la réserve que l’on est en droit d’attendre d’un ministre, loin de s’interroger un peu sur le vécu calamiteux de cette population dont elle a pourtant la charge, Roselyne Bachelot a d’abord réagi en femme et en féministe, c'est-à-dire de façon vulgairement partisane. Belle leçon de solidarité ! On voit ici, non seulement les failles de la parité en politique, mais encore sa méconnaissance flagrante de ce sujet sensible. Car associer cette thérapie humaniste et innovante à de la prostitution relève du plus plat puritanisme – celui-ci étant, du reste, une constante de l’idéologie féministe la plus active, en France. C’est ignorer délibérément que la véritable prostitution se situe moralement aux antipodes des soins sexuels ainsi définis et de ceux qui ont la force d’âme de les prodiguer à des personnes grabataires. Encore qu’en ce domaine, il y ait aussi des exceptions et que certaines prostituées, nous le savons, acceptent sans en abuser les handicapés qui recourent à elles.
Détourner toujours le regard de cette réalité douloureuse, offrir la dignité comme remède à ces souffrances courageusement exprimées, c’est pécher par idéalisme et manquer à sa mission quand on a des responsabilités politiques. C’est la mesquine  attitude, hélas, de Roselyne Bachelot qui justifie, une nouvelle fois, la piètre opinion que se font d’elle la plupart de nos concitoyens depuis la risible affaire des vaccins H1N1. Non, ce n’est pas en elle que les handicapés français trouveront leur Simone Weil. Au moins sauront-ils à qui ils doivent, présentement,  une partie de leurs frustrations.

                                    Jeanne LIBERT

07/01/2011

Il a bien fait !









Traditionnellement, le mois de janvier est celui des avalanches de vœux. Tout le monde y va des siens : à ses proches et à ses amis, dans la sphère privée, à ses administrés et à ses concitoyens dans la sphère publique. Sous cet angle-là, les politiques, barons locaux ou monarque républicain, ne sont jamais en reste. Il est vrai que rien ne coûte moins cher et qu’il n’y a aucune obligation sur les résultats. Les vœux du président de la république aux syndicats relèvent de ce protocole hypocrite. Rien ne sonne plus faux. Après avoir ferraillé tout l’automne sur la question des retraites et de leur réforme ; après être resté sourd au mugissement de l’opinion publique, ne voilà t’il pas que notre bon président voudrait serrer chaleureusement la paluche de ses principaux adversaires sociaux ?
« Il est bon, Jean-Claude, ce Dom Pérignon, n’est-ce pas ? Prenez encore un petit-four, cher François. »
Comme si, de la sorte, on pouvait passer l’éponge sur tous les griefs accumulés au cours de l’année passée.
Il y a des accolades qui démangent ; il y a surtout des rituels qui se sont progressivement vidés de leur sens. C’est ce que Bernard Thibault, leader de la CGT a sans doute voulu exprimer en boycottant cette invitation annuelle. Quand on méprise autant « la France d’en bas » que Nicolas Sarkozy ; quand, comme lui, on cherche à noyauter tous les centres de pouvoir politiques et  publics, on ne peut pas espérer faire croire que l’on accepte le dissensus démocratique incarné par les forces syndicales. Bernard Thibault a ainsi fait un acte courageux et exemplaire. Un acte qui fera date. Il a bien fait !


                                                   Erik PANIZZA

15:41 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : janvier, voeux, protocole, cgt

06/01/2011

Logement : l’autre face de la crise




 Ça se passe à Marseille, rue de la République, où une famille de Marseillais d’origine vietnamienne est expulsée manu militari de l’appartement qu’elle occupait pourtant en toute légalité. Motif de cette intervention de la force publique : la société américaine de fonds de pensions  Atemi/Lehman Brothers – ça devrait vous remémorer quelque chose -, qui est propriétaire de l’immeuble, voulait le récupérer pour le rénover et augmenter en conséquence ses loyers.
Ça se passe à Paris, place des Vosges, où un groupe d’étudiants pauvres a squatté un immeuble inoccupé depuis des années. Sa propriétaire, une octogénaire fortunée, finit par en être informée et réclame aux étudiants, par l’entremise de ses avocats, une somme de rappel exorbitante, (alors même que les jeunes gens lui proposaient un dédommagement à la mesure de leurs moyens). Depuis cette affaire, soutenue et médiatisée par le collectif Jeudi Noir, fait l’objet d’une procédure judiciaire.
Ces deux exemples, parmi des dizaines d’autres, illustrent les difficultés à se loger décemment que connaissent actuellement de très nombreux Français. Non seulement ils ne peuvent pas accéder à la propriété – ce qui était, rappelons-le, une mesure phare du candidat Sarkozy en 2007 -, mais ils n’arrivent même pas à trouver, en tant que locataires, des appartements salubres et pas trop chers. Le problème est particulièrement aigu en Ile-de –France et en PACA, régions à fortes demandes parce que bénéficiant des meilleures infrastructures. D’où la pénurie de logements disponibles. D’où le marché scandaleux des caves et des chambres de bonnes. D’où l’augmentation vertigineuse des prix de l’immobilier - 20% de plus à Paris, en 2010 !-. Pourtant, un simple coup d’œil sur les listes des agences suffit pour juger de la disproportion entre les tarifs affichés et les produits proposés.
La spéculation inquiétante que connaît ce secteur depuis une dizaine d’années – conséquence de l’éclatement de la bulle boursière – est renforcée par la trop faible construction de logements sociaux en France. Sans même parler que bon  nombre d’entre eux sont loués à des ménages aisés, dont les revenus devraient pourtant les exclure de cette alternative. Là non plus l’Etat ne remplit plus sa mission, laissant aux municipalités le bon soin de ces chantiers pourtant urgents.  Certaines, comme Neuilly, sont particulièrement habiles pour contourner la législation, préférant payer avec l’argent public des pénalités  de retard, ce qui leur revient  moins cher que de satisfaire à leurs obligations.
Il n’empêche : le droit au logement reste pourtant fondamental dans notre république. Il ne suffit pas que les journaux en parlent  lorsque reviennent les premiers froids. Il ne suffit pas de se satisfaire de la trêve hivernale des expulsions. Il faut que ce secteur incontournable du bien public devienne une priorité dans les programmes de tous les prochains candidats.  

                                                Bruno DA CAPO