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21/06/2012

Piégée

 

      

 

 

« Allo, madame Morano ? C’est Louis Aliot à l’appareil… »

A la voix rondement méridionale fait bientôt écho une voix féminine plus haut perchée : celle de la députée de Meurthe et Moselle, ex-ministre de Sarkozy. Celle-ci semble tout d’abord surprise que son interlocuteur ait pu se procurer son numéro personnel. Mais elle prend le temps d’écouter ses arguments :

« Je voulais savoir si on pouvait trouver un accord…Je pense que nous avons des intérêts communs…N’est-ce pas que Marine Le Pen a beaucoup de talent ? »

A chacune de ses affirmations, Nadine Morano acquiesce poliment. On la sent sur la même ligne politique que le leader lepéniste. A ceci près – car elle finit par réagir – qu’elle a envie d’une France ouverte, même protégée. Elle n’oublie pas, en effet, ses origines italiennes ni la volonté d’intégration républicaine de son grand-père maternel. Alors oui, un échange de points de vues avec le FN dans quelques temps, pourquoi pas ? Ce petit dialogue amical et instructif prend fin au bout de quelques minutes, la députée UMP devant poursuivre sa tournée de campagne : nous sommes à trois jours du second tour des législatives. Le hic, c’est que – Nadine Morano va vite l’apprendre -, ce n’était pas  Louis Aliot qui l’appelait et l’invitait à pactiser avec le FN, mais l’humoriste Gérald Dahan – lequel a plus d’une voix d’homme politique à ses cordes (vocales). Fureur de l’ex-ministre lorsqu’elle réalise qu’elle a été piégée. Certainement, selon elle, un coup des socialistes. Et de déclarer sur le champ porter plainte contre l’habile imitateur. L’affaire ne manque pas de saveur. Elle dit en substance que le vieux proverbe « prêcher le faux pour savoir le vrai » n’a rien perdu de sa pertinence. Mais elle pose aussi des problèmes éthiques : jusqu’où les humoristes peuvent-ils aller pour faire rire ? Peut-on susciter ou capter  une conversation privée pour la diffuser dans les médias ? Car un canular n’est pas innocent ; il peut sérieusement effriter une réputation, surtout quand celle-ci est déjà vacillante. Cette façon de rire aux dépens d’autrui n’est certes pas nouvelle. Les époques passées ne manquaient pas d’imagination en ce domaine. Mais cette drôle d’histoire n’en est pas moins révélatrice de la dérive, de plus en plus accélérée, entre le showbiz et la politique. Laquelle a bien plus à perdre que le premier dans cette tectonique  des talents. Sous cet angle-là, la réaction de Nadine Morano est parfaitement compréhensible et justifiée. Mais il est vrai aussi qu’elle a, par ses outrances verbales passées, fourni elle-même les verges pour se faire battre.

 

                                Erik PANIZZA

17:25 Publié dans numéro 10 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : morano, aliot, dahan, canular

18/06/2012

La vague rose

 

                   

 

 

 

 Ainsi ces élections législatives ont confirmé, malgré un taux d’abstention élevé (41%), la victoire de la gauche dans les urnes. Confirmé et même étonné par l’ampleur de cette déferlante. Avec 314 sièges, le Parti Socialiste se taille la part du lion, laissant loin derrière une UMP passablement sonnée (214 sièges), même si ses principaux ténors (Jean-François Copé, François Fillon, François Baroin, Laurent Wauquiez, Nathalie Kosciusko-Morizet) ont été réélus. Quant aux ministres de l’actuel gouvernement Ayraud, ils n’ont pas failli à leurs défis électoraux puisqu’ils ont été tous élus, certains dans des circonscriptions difficiles comme Marie-Arlette Carlotti face à Renaud Muselier à Marseille. Dans la nouvelle assemblée nationale, il y aura, bien sûr, quelques absents considérables : Ségolène Royal battue à La Rochelle, sans doute à cause d’ambitions trop manifestes, François Bayrou qui n’a pas pu s’imposer chez lui, dans les Pyrénées Atlantiques et qui semble à présent très isolé ou Jack Lang, revenu trop tardivement dans ses Vosges natales. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, les deux médiatiques adversaires d’Hénin-Beaumont, auront finalement laissé la victoire s’échapper au profit du socialiste Philippe Kemel : de quoi méditer la fable de La Fontaine, « L’âne et les trois voleurs ».  Du reste, avec 12 députés, il est injuste que le Front de Gauche ne puisse bénéficier, à l’instar des écologistes (17 députés) d’un groupe parlementaire à l’Assemblée, surtout si l’on tient compte du travail fait par Mélenchon en faveur des socialistes durant la campagne présidentielle. La proportionnelle est un octroi que réclame aussi le Front National qui devra se contenter de deux députés au Palais Bourbon, dont la plus jeune de l’Assemblée, Marion Maréchal-Le Pen et ses 22 printemps. D’une manière générale la représentation paritaire est en progression chez les députés, même si elles ne seront que 155 femmes sur les 577 fauteuils à pourvoir. Avec désormais tous les pouvoirs dans sa manche (gouvernement, Assemblée Nationale, Sénat, régions), le Parti Socialiste se retrouve dans une situation absolument inédite de domination de la vie politique française. En fera-t’il le meilleur usage ? Répondra-t’il aux attentes des Français ? Ce sont d’autres questions qu’appelle cet état de grâce et c’est peu dire que les premières mesures gouvernementales sont attendues par l’opinion publique. Le balancier politique est naturellement instable. Cinq années de sarkozysme ont fait qu’il favorise aujourd’hui la gauche, mais ça pourrait vite changer si elle n’est pas à la hauteur des responsabilités confiées.

 

 

                             Bruno DA CAPO   

14/06/2012

Du royalisme républicain

 

                       

 

 Rarement quelques mots auront fait autant de « buzz » dans la médiasphère. Mais nous sommes dans l’ère des mini-messages et ceux-ci circulent presque à la vitesse de la lumière. Le mal qu’ils peuvent faire est, bien entendu, proportionnel à la notoriété de celui ou celle qui les émet. En l’occurrence, le tweet qu’a adressé, lundi, Valérie Trierweiler à Olivier Falorni ne pouvait rester ignoré (nul besoin de le reproduire ici). Non que l’actuelle « première dame » puisse être considérée comme une autorité morale. Mais, par son statut de conjointe du président, elle gravite dans les plus hautes sphères du pouvoir et tout ce qu’elle peut dire prend, dès lors, une valeur d’indice, sinon d’oracle. Mais qu’est-ce qui a vraiment motivé ce message d’encouragement au candidat PS dissident, adversaire de Ségolène Royal dans la première circonscription de Charente-Maritime ? Une rivalité de femmes ? Une dispute entre conjoints ? Y a-t-il eu un réel piratage informatique ou la volonté délibérée de faire entrer dans la sphère publique un message privé, quitte à le maquiller en « fuite » ? Quoiqu’il en soit de ces hypothèses, on pourra peut-être reprocher à Valérie Trierweiler d’avoir manqué de discrétion mais pas de pertinence. Car la candidature d’Olivier Falorni à la députation de la Rochelle est certainement plus fondée, plus légitime que celle de Ségolène Royal. Adjoint au maire de la Rochelle, président de la section PS de Charente-Maritime, il a une expérience et un engagement, au niveau local, que la présidente du Poitou-Charente n’a pas. Pour elle, cette députation ne serait qu’un marchepied vers la fonction autrement plus prestigieuse de présidente de l’Assemblée Nationale. C’est un peu sa revanche et le cadeau attendu pour sa campagne malheureuse de 2007. Autant dire que ses électeurs ne risquent guère que de la voir dans les pages des journaux et à la télévision. Or, quel est le sens de la fonction de député(e), sinon d’être un médiateur entre les citoyens et le pouvoir étatique ? Sinon de faire entendre la parole populaire aux plus hautes instances de l’Etat ? Cette vicariance, on ne le sait que trop, est viciée par l’indifférence et l’abstentionnisme – dans l’hémicycle du palais Bourbon, celui-là. En l’occurrence, celle convoitée par Royal est tellement grevée par l’opportunisme et l’ambition personnelle que ses chances de séduire un électorat local ne reposent guère que sur le soutien insistant de son parti. Quid, dès lors, de la voix du peuple, la seule qui est censée faire et défaire les gouvernants dans notre république ? La seule qui est censée assurer la probité de notre système ? On ne peut pas reprocher à la droite son immoralisme politique et reprendre, à gauche, ses bonnes vieilles méthodes que sont la préséance et le népotisme. Ségolène Royal a une carrière qui incline au respect. Elle joue sans doute son destin politique à La Rochelle. Mais nul ne peut exiger qu’on lui déroule le tapis rouge, sous peine de nier les valeurs mêmes de la gauche dont elle n’a cessé de se réclamer.

                              

                             Bruno DA CAPO