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30/03/2018

      Sur une autre garde à vue

                    

 

 Au départ, il y a le geste admirable d’un homme de 45 ans, Arnaud Beltrame, officier de gendarmerie de son état, qui s’offre en otage  à la place d’une caissière effarée par la soudaineté de cette nouvelle attaque terroriste. En face de lui, dans ce supermarché, il y a un homme jeune, déterminé, violent, aux marges de la raison. Un de ces êtres immatures qui semblent n’être venus au monde que pour causer la souffrance et la mort des autres, gens de peu n’aspirant qu’à une vie simple et tranquille. Un candidat déclaré au martyre et un fonctionnaire généreux, qui va pousser le sens du devoir jusqu’au sacrifice, deux heures plus tard, de sa propre vie - pas de définition plus juste de l’héroïsme. Son assassin sera abattu, guère après : gageons que s’il y a un paradis au-delà de cette vie, ce n’est pas lui qui y entrera le premier. Ici bas, dans cette paisible commune du Sud-ouest  puis dans tout le pays, c’est la consternation. Encore des morts et des blessés qui s’ajoutent à la liste déjà longue des victimes du terrorisme depuis six ans maintenant. Des vies fauchées pour rien dans cette guerre asymétrique contre l’ordre du monde ; une lutte du passé contre le présent – de la transcendance contre l’immanence, dirait Georges Bataille –, une lutte  perdue d’avance pour ceux qui nous l’ont déclarée.

 Le lendemain, alors que la France entière est sous le coup de l’émotion, c’est un tweet – odieux – d’un homme – un Français bon teint – qui fait polémique sur le Net, ajoutant de l’indignation à la colère. Comment, en effet, peut-on se réjouir de la mort d’un homme au motif qu’il était gendarme et que certains de ses collègues ont commis l’irréparable, voici quelques années à Sivens, contre Rémi Fraisse, un jeune militant écologiste de 21 ans ? L’amalgame est grossier, stupide, ignoble. Il appelle sans nul doute une réfutation énergique sur ces mêmes réseaux sociaux qui l’ont véhiculé. Mais une arrestation et une garde à vue ? C’est pourtant ce qui va arriver, quelques heures plus tard, à l’auteur de cette parole provocatrice – par ailleurs militant d’une formation politique de gauche. Du coup, la perplexité et l’indignation changent de camp. 

Le motif invoqué par les autorités est « apologie du terrorisme ». Ce tweet, nous l’avons lu et, sincèrement, nous n’y avons trouvé que de la haine pour les gendarmes, pas de la sympathie pour le terroriste ou la justification idéologique de son crime. Ce serait pourtant ce genre de propos qui pourrait tomber sous ce chef d’accusation. Là, on a simplement affaire à un rebelle, quelqu’un qui ne s’aligne pas sur l’opinion partagée par l’immense majorité des Français, mélange d’admiration et de compassion pour le gendarme assassiné; quelqu’un dont la parole fait dissensus mais qui n’est pas impliqué, de près ou de loin, dans cet horrible attentat. Depuis quand est-ce condamnable en démocratie? Et quid de la liberté d’expression si chère aux fondateurs de notre république ? Tout se passe comme si un processus de sacralisation de l’état s’opérait à travers la personne d’un de ses représentants. Dans une troublante mise en abîme avec ceux qui, sur notre territoire, réclament la condamnation de tel ou tel dessinateur pour blasphème envers leur prophète, au mépris du principe de laïcité, pourtant l’un des piliers de notre république.

Cette affaire et ses conséquences méritent d’être sérieusement méditées. Elle confirme l’inquiétante régression des libertés publiques à laquelle nous assistons depuis quelques années, sous couvert de l’état d’urgence et autres mesures de coercition. Elle confirme le contrôle et l’emprise, de plus en plus grands, de l’état sur les propos des simples citoyens au motif de la sécurité générale. N’est-ce pas les méthodes de ces états autoritaires – de plus en plus nombreux autour de nous – que nos dirigeants reprennent progressivement  à leur compte ?

 

Jacques LUCCHESI

14/06/2012

Du royalisme républicain

 

                       

 

 Rarement quelques mots auront fait autant de « buzz » dans la médiasphère. Mais nous sommes dans l’ère des mini-messages et ceux-ci circulent presque à la vitesse de la lumière. Le mal qu’ils peuvent faire est, bien entendu, proportionnel à la notoriété de celui ou celle qui les émet. En l’occurrence, le tweet qu’a adressé, lundi, Valérie Trierweiler à Olivier Falorni ne pouvait rester ignoré (nul besoin de le reproduire ici). Non que l’actuelle « première dame » puisse être considérée comme une autorité morale. Mais, par son statut de conjointe du président, elle gravite dans les plus hautes sphères du pouvoir et tout ce qu’elle peut dire prend, dès lors, une valeur d’indice, sinon d’oracle. Mais qu’est-ce qui a vraiment motivé ce message d’encouragement au candidat PS dissident, adversaire de Ségolène Royal dans la première circonscription de Charente-Maritime ? Une rivalité de femmes ? Une dispute entre conjoints ? Y a-t-il eu un réel piratage informatique ou la volonté délibérée de faire entrer dans la sphère publique un message privé, quitte à le maquiller en « fuite » ? Quoiqu’il en soit de ces hypothèses, on pourra peut-être reprocher à Valérie Trierweiler d’avoir manqué de discrétion mais pas de pertinence. Car la candidature d’Olivier Falorni à la députation de la Rochelle est certainement plus fondée, plus légitime que celle de Ségolène Royal. Adjoint au maire de la Rochelle, président de la section PS de Charente-Maritime, il a une expérience et un engagement, au niveau local, que la présidente du Poitou-Charente n’a pas. Pour elle, cette députation ne serait qu’un marchepied vers la fonction autrement plus prestigieuse de présidente de l’Assemblée Nationale. C’est un peu sa revanche et le cadeau attendu pour sa campagne malheureuse de 2007. Autant dire que ses électeurs ne risquent guère que de la voir dans les pages des journaux et à la télévision. Or, quel est le sens de la fonction de député(e), sinon d’être un médiateur entre les citoyens et le pouvoir étatique ? Sinon de faire entendre la parole populaire aux plus hautes instances de l’Etat ? Cette vicariance, on ne le sait que trop, est viciée par l’indifférence et l’abstentionnisme – dans l’hémicycle du palais Bourbon, celui-là. En l’occurrence, celle convoitée par Royal est tellement grevée par l’opportunisme et l’ambition personnelle que ses chances de séduire un électorat local ne reposent guère que sur le soutien insistant de son parti. Quid, dès lors, de la voix du peuple, la seule qui est censée faire et défaire les gouvernants dans notre république ? La seule qui est censée assurer la probité de notre système ? On ne peut pas reprocher à la droite son immoralisme politique et reprendre, à gauche, ses bonnes vieilles méthodes que sont la préséance et le népotisme. Ségolène Royal a une carrière qui incline au respect. Elle joue sans doute son destin politique à La Rochelle. Mais nul ne peut exiger qu’on lui déroule le tapis rouge, sous peine de nier les valeurs mêmes de la gauche dont elle n’a cessé de se réclamer.

                              

                             Bruno DA CAPO