17/08/2015
Les touristes
Parfois dans le midi on se laisse aller à des commentaires plutôt acides. Regarde moi les ces parigots. Après les juilletistes voici les aoûtiens et des kilomètres de bouchons. Ils sont là pare choc contre pare choc à rouler au pas, ça va faire un an qu’ils attendent ça, voir la mer, la méditerranée et les bateaux. Nous, on ne prête pas cas, attablés que nous sommes face à la Bonne-Mère à siroter tranquillement notre pastaga ou alors, quelquefois, à se payer un peu d’exotisme en faisant nos courses aux Capucins ; ça crie, ça piaille, même la poissonnière ne hèle plus le chaland, juste quelques clandos qui veulent vous fourguer leur camelote. Ici c’est John, John, Malboro.
Après ça je rentre chez moi, je regarde les infos, ça coince encore quelque part : ils sont pas arrivés, les pauvres.
Quand je pense que nous, en Provence, on passe notre vie en vacances. Allez, ils peuvent nous prendre en photo, les touristes, ou rire de notre accent : en fait c’est nous qui nous moquons du leur.
Mais après tout, on ne leur en veut pas. Ils ont mis tellement de temps pour y arriver qu’il faut déjà penser au retour.
Puis, après tout, “Bonnes vacances ». Alors, elle est pas belle la vie ?
Rachid
15:26 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : touristes, aoûtiens, pastaga, malboro
20/03/2015
Pour Tunis
C’était le 9 novembre 2011. Un mercredi, aussi. Avec ma compagne, nous nous étions offert une croisière en Méditerranée. A prix bradé. Tunis était une de nos escales et, malgré les formalités supplémentaires de séjour, nous avions tenu à découvrir cette ville-phare du « Printemps arabe ». La matinée était agréable. Il faisait beau, mais dans le souk labyrinthique où nous avait entrainé notre guide, la lumière solaire ne perçait guère. Un peu partout, des marchands de souvenirs nous alpaguaient avec le sourire pour nous vendre de petits objets exotiques. Les touristes, c’est bien connu, ne sont là que pour dépenser leur argent. Plus loin, nous avions visité un centre de production de tapis artisanaux. On nous avait fait la démonstration d’un vieux métier à tisser, puis présenté et commenté de magnifiques pièces textiles. L’accueil avait été aussi chaleureux qu’instructif. Sur les toits plats de ce bâtiment, la vision de la capitale tunisienne était panoramique. La blancheur des maisons, des coupoles et des minarets se fondait dans le bleu du ciel. Ici et là, on pouvait distinguer de nombreux chantiers en attente d’achèvement. Après quoi, nous nous étions acheminés vers la place du Parlement et l’Assemblée Nationale. Le dispositif de sécurité (voitures de police, fils de fer barbelés) y était particulièrement visible. Le soulèvement populaire qui avait abouti à un changement de régime, en janvier, était encore dans tous les esprits. Le musée du Bardo n’était pas loin, mais nous n’avions pas eu le temps de le découvrir. Une voiture nous attendait pour la suite de l’excursion : direction Carthage, ses palmiers et son site archéologique.
D’autres touristes, mercredi matin 18 mars, étaient venus ici, poussés par une naturelle curiosité pour la culture de ce pays et son patrimoine historique. Des hommes et des femmes venus de France, d’Allemagne, de Pologne, d’Espagne ou du Japon, respectueux et pacifiques. Hélas d'autres hommes, ne connaissant pour tout espéranto que le langage de la kalachnikov, les attendaient en embuscade. De jeunes tueurs, faux djihadistes mais vrais psychopathes, qui les ont soudain pris pour cibles, tuant vingt deux d’entre eux, faisant des dizaines de blessés. Au nom de quoi ? D’une idéologie délirante et perverse, qui annihile en ses adeptes toute idée d’humanité, toute vraie religiosité. Ces assassins – qui ne seront jamais des martyrs de l’Islam – se sont arrogés le droit de tuer des innocents et c’est en soi impardonnable. Mais ils ne pourront pas – ni eux ni les autres – empêcher la démocratie de s’installer durablement dans leur pays. Cette Tunisie, fière, généreuse et riche d’une tradition millénaire d’accueil qu’ils ont humiliée et trahie. Et qui les a d’ores et déjà voués à une damnation éternelle.
Jacques LUCCHESI
13:48 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tunis, touristes, souk, bardo