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02/10/2012

Parias

 

                             

 

 

 

 Les Roms seraient-ils devenus en France les nouveaux parias, ces indésirables absolus ? Que faire de cette ethnie fondamentalement nomade et réfractaire à toute intégration ? La Gauche, comme la Droite précédemment, continue à les déloger et les expulser. Partout où ils s’installent, les riverains ne tardent pas à les accuser de tous les maux : mais quelle est la part du vrai et du faux dans leurs accusations ? Progressivement, ils deviennent les nouveaux bouc-émissaires d’une société en perte de repères. Ce qui s’est passé à Marseille, jeudi 27 septembre, confirme cet inquiétant processus. Là, ce sont les résidents d’une cité des quartiers nord qui ont pris la décision  - avec l’assentiment tacite de la police – de chasser quelques dizaines de Roms avant d’incendier leur campement. Par chance, la violence a été contenue et les dégâts n’ont été que matériels. Mais cette action -  que d’aucuns mettent sur le compte de l’exaspération - en dit long sur le climat social qui règne actuellement dans cette ville. Comment, en effet, réfuter l’opinion de Jean-Claude Gaudin quand il met en avant l’illégalité d’une telle initiative ? Le retour au système des milices marque indéniablement une régression de l’état de droit. Le problème n’est pas nouveau ici ; c’est même au nom de ce désengagement que d’autres, comme Samia Ghali, justifient ces bouffées de colère. D’autre part, cette affaire nous rappelle que les pauvres sont toujours les premières victimes des pauvres. Face aux Roms, les habitants (d’origine maghrébine pour la plupart) oublient volontiers les attitudes de rejet qu’eux et leurs familles ont pu essuyer en des temps pas si lointains. Ainsi ils reproduisent sur d’autres « étrangers » les mêmes manifestations d’ostracisme qu’ils reprochaient naguère à la société française. Car il y a toujours plus pauvre que soi, il y a toujours un être complètement démuni et sans droits qui menace de tirer vers le bas ceux dont le niveau de vie est en voie d’amélioration. Ce degré zéro de la misère, c’est le Rom qui l’incarne aujourd’hui. Il faut prendre très au sérieux le caractère socialement indéfini dont il est porteur ; car rien n’est plus anxiogène pour les populations fraîchement intégrées  qui peinent à trouver dignité et reconnaissance dans ce pays.

 

 

                                              Bruno DA CAPO

19:50 Publié dans numéro 10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roms, parias, milices, gaudin

13/08/2012

La Gauche face au réel

 

            

 

 

 De toute évidence la Gauche française a un problème avec le réel. Son discours, qu’il soit celui de ses candidats ou de ses dirigeants, est en général résolument optimiste. C’est à peine si demain, on ne rase pas gratis. Les conditions de vie des Français et leurs justes doléances, les mauvais chiffres de l’économie : tout cela peut être amélioré, nous avons nos méthodes. Las ! Cet état de grâce ne dure jamais longtemps lorsqu’elle arrive au pouvoir. Car il s’agit, dès lors, de regarder le monde en face et d’en prendre l’exacte mesure. Sous le premier septennat de François Mitterrand, il a duré à peu près deux ans – de 81 à 83 – avant que les premiers bouleversements ne le ternissent. Avec François Hollande, cela ne durera même pas le temps d’un été, tellement les faits sont têtus et résistent aux meilleures intentions, tellement les théories généreuses sont battues en brèche par les choix dictés par l’urgence.

J’en veux pour preuves deux faits dans la récente actualité : l’adoption en catimini de la règle d’or budgétaire, le 9 août dernier, et l’évacuation d’un campement de Roms près de Lille.  

La première a été l’un des chevaux de bataille de la Droite. Pour Sarkozy, il s’agissait de faire inscrire dans la Constitution un déficit public limité à 0,5%, ce qui était une concession supplémentaire accordée à l’Union Européenne. Le candidat Hollande y était, à priori, réfractaire, ce qui allait dans le sens de son aile gauche la plus extrême. Et voilà que trois mois plus tard, son gouvernement décide de la prendre en compte, non pas par une complexe révision de la Constitution mais simplement par l’ajout d’une loi organique, mesure inclue dans le Pacte Budgétaire Européen. Ce n’était donc pas à la règle d’or  mais à la révision de la Constitution sur ce sujet qu’était hostile François Hollande : il fallait simplement le comprendre. Défaite pour les uns, sagesse pour les autres. Quoiqu’il en soit, on ne manquera pas de le lui reprocher, surtout dans son propre camp.

Quant au démantèlement du campement de Roms près de Lille décidé par Manuel Valls, il pose à la Gauche un problème encore plus délicat à gérer. Car  celle-ci est associée depuis des lustres à la défense des Droits de l’Homme et ne s’est pas privé de critiquer l’inhumanité de Sarkozy et de ses sbires sur ce point. Certes, les justifications de l’actuel Ministre de l’Intérieur sont moins agressives que les propos de ses prédécesseurs vis-à-vis des « gens du voyage ». Il parle de risque sanitaire et de « défi au vivre-ensemble » mais, concrètement, il continue d’affréter des charters pour eux. Derrière tout cela, il y a les plaintes des riverains contre cette population qu’on aurait quand même tort de tenir pour angélique. Qu’ils votent à droite ou à gauche, les Français sont comme ça : ils ne sont pas xénophobes et encore moins racistes, mais ils n’aiment guère que des étrangers – surtout aussi instables que les Roms – vivent trop près de leurs propriétés. Leurs dirigeants doivent en tenir compte, ne fut-ce qu’à toute fin de stratégie électorale. A gauche, on s’indigne, à droite, on ricane mais c’est ainsi : le réel n’est pas, n’a jamais été, soluble dans les idées. Il faut sans cesse l’interroger, quitte à revoir les fondements conceptuels qui préparent à l’action.

Doit-on ainsi rejeter toute espérance, toute foi dans un monde meilleur, au bénéfice du pragmatisme le plus éhonté ? Non, mais il faut sans doute revoir ses attentes à la baisse. Et se rappeler que « gouverner c’est toujours trahir », selon le mot de Simone de Beauvoir.  

 

 

                       Bruno DA CAPO

16/09/2010

Europe : tous les chemins ramènent aux Roms









Et ce qui devait arriver est enfin arrivé. Après un été de circulaires douteuses et d’expulsions arbitraires, le gouvernement français s’est fait tancé – et en quels termes ! – par la commissaire européenne à la justice et à la citoyenneté Viviane Reding. Qualifiant de « honteuse » l’attitude de la France vis-à-vis des Roms, celle-ci a même osé un parallèle avec les déportations organisées durant la deuxième guerre mondiale ; parallèle pour lequel elle s’est diplomatiquement excusée peu après. Il n’empêche : ses propos, excessifs mais sincères, ont le mérite d’avoir été prononcés et de dénoncer un glissement anti-démocratique, tout de même inquiétant, de l’Etat Français. Pour qui a assisté, comme moi, à un rapatriement forcé de Roms, femmes et enfants trainant de lourds bagages vers un car spécialement affrété et encadrés par des policiers en armes, il est difficile de ne pas songer aux pires heures de Vichy, tellement ce spectacle faisait froid dans le dos. Certes, ils ne s’en allaient pas vers des camps d’extermination, mais vers la Roumanie et la Bulgarie avec quelques centaines d’euros en poche – presque un pactole.  Beaucoup, néanmoins, n’ont pas dû comprendre la sanction qui les frappait ni ce qu’on leur reprochait exactement. Après tout, ils ont toujours été marginalisés, sinon stigmatisés, où qu’ils aillent en Europe. Mais si, jusqu’à présent, un gouvernement républicain pouvait toujours expulser des individus jugés malfaisants, jamais encore il n’avait procédé à des démantèlements de campements et des renvois de masse, au motif bien léger de situation irrégulière. Jamais encore l’appartenance à une ethnie, comme celle des Roms, n’avait été aussi ouvertement pointée comme indésirable sur le sol français. Outre que ces mesures nient leur droit de libre-circulation à l’intérieur du territoire européen, elles s’opposent, par leur caractère discriminatoire, aux fondements mêmes de la fédération européenne qui s’est construite, rappelons-le, sur le rejet absolu des vieux démons xénophobes. Peut-être est-ce un effet de la politique de rupture prônée, voici trois ans, par le candidat Sarkozy ? On en voit ici les fruits amers, elle qui mène la France au tableau du déshonneur européen (même si Sarkozy peut compter sur le soutien de l’inénarrable Silvio Berlusconi). A moins que ce ne soit une énième manœuvre électoraliste et, dans ce cas, qu’importe les critiques ! Car l’intérêt européen comptera toujours  moins que la conservation du pouvoir personnel. Comme disait un certain Goebbels : « Charbonnier est maître chez soi. »


Bruno DA CAPO

16:34 Publié dans numéro 6 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roms, reding, vichy, expulsions