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13/08/2012

La Gauche face au réel

 

            

 

 

 De toute évidence la Gauche française a un problème avec le réel. Son discours, qu’il soit celui de ses candidats ou de ses dirigeants, est en général résolument optimiste. C’est à peine si demain, on ne rase pas gratis. Les conditions de vie des Français et leurs justes doléances, les mauvais chiffres de l’économie : tout cela peut être amélioré, nous avons nos méthodes. Las ! Cet état de grâce ne dure jamais longtemps lorsqu’elle arrive au pouvoir. Car il s’agit, dès lors, de regarder le monde en face et d’en prendre l’exacte mesure. Sous le premier septennat de François Mitterrand, il a duré à peu près deux ans – de 81 à 83 – avant que les premiers bouleversements ne le ternissent. Avec François Hollande, cela ne durera même pas le temps d’un été, tellement les faits sont têtus et résistent aux meilleures intentions, tellement les théories généreuses sont battues en brèche par les choix dictés par l’urgence.

J’en veux pour preuves deux faits dans la récente actualité : l’adoption en catimini de la règle d’or budgétaire, le 9 août dernier, et l’évacuation d’un campement de Roms près de Lille.  

La première a été l’un des chevaux de bataille de la Droite. Pour Sarkozy, il s’agissait de faire inscrire dans la Constitution un déficit public limité à 0,5%, ce qui était une concession supplémentaire accordée à l’Union Européenne. Le candidat Hollande y était, à priori, réfractaire, ce qui allait dans le sens de son aile gauche la plus extrême. Et voilà que trois mois plus tard, son gouvernement décide de la prendre en compte, non pas par une complexe révision de la Constitution mais simplement par l’ajout d’une loi organique, mesure inclue dans le Pacte Budgétaire Européen. Ce n’était donc pas à la règle d’or  mais à la révision de la Constitution sur ce sujet qu’était hostile François Hollande : il fallait simplement le comprendre. Défaite pour les uns, sagesse pour les autres. Quoiqu’il en soit, on ne manquera pas de le lui reprocher, surtout dans son propre camp.

Quant au démantèlement du campement de Roms près de Lille décidé par Manuel Valls, il pose à la Gauche un problème encore plus délicat à gérer. Car  celle-ci est associée depuis des lustres à la défense des Droits de l’Homme et ne s’est pas privé de critiquer l’inhumanité de Sarkozy et de ses sbires sur ce point. Certes, les justifications de l’actuel Ministre de l’Intérieur sont moins agressives que les propos de ses prédécesseurs vis-à-vis des « gens du voyage ». Il parle de risque sanitaire et de « défi au vivre-ensemble » mais, concrètement, il continue d’affréter des charters pour eux. Derrière tout cela, il y a les plaintes des riverains contre cette population qu’on aurait quand même tort de tenir pour angélique. Qu’ils votent à droite ou à gauche, les Français sont comme ça : ils ne sont pas xénophobes et encore moins racistes, mais ils n’aiment guère que des étrangers – surtout aussi instables que les Roms – vivent trop près de leurs propriétés. Leurs dirigeants doivent en tenir compte, ne fut-ce qu’à toute fin de stratégie électorale. A gauche, on s’indigne, à droite, on ricane mais c’est ainsi : le réel n’est pas, n’a jamais été, soluble dans les idées. Il faut sans cesse l’interroger, quitte à revoir les fondements conceptuels qui préparent à l’action.

Doit-on ainsi rejeter toute espérance, toute foi dans un monde meilleur, au bénéfice du pragmatisme le plus éhonté ? Non, mais il faut sans doute revoir ses attentes à la baisse. Et se rappeler que « gouverner c’est toujours trahir », selon le mot de Simone de Beauvoir.  

 

 

                       Bruno DA CAPO