16/09/2010
Europe : tous les chemins ramènent aux Roms
Et ce qui devait arriver est enfin arrivé. Après un été de circulaires douteuses et d’expulsions arbitraires, le gouvernement français s’est fait tancé – et en quels termes ! – par la commissaire européenne à la justice et à la citoyenneté Viviane Reding. Qualifiant de « honteuse » l’attitude de la France vis-à-vis des Roms, celle-ci a même osé un parallèle avec les déportations organisées durant la deuxième guerre mondiale ; parallèle pour lequel elle s’est diplomatiquement excusée peu après. Il n’empêche : ses propos, excessifs mais sincères, ont le mérite d’avoir été prononcés et de dénoncer un glissement anti-démocratique, tout de même inquiétant, de l’Etat Français. Pour qui a assisté, comme moi, à un rapatriement forcé de Roms, femmes et enfants trainant de lourds bagages vers un car spécialement affrété et encadrés par des policiers en armes, il est difficile de ne pas songer aux pires heures de Vichy, tellement ce spectacle faisait froid dans le dos. Certes, ils ne s’en allaient pas vers des camps d’extermination, mais vers la Roumanie et la Bulgarie avec quelques centaines d’euros en poche – presque un pactole. Beaucoup, néanmoins, n’ont pas dû comprendre la sanction qui les frappait ni ce qu’on leur reprochait exactement. Après tout, ils ont toujours été marginalisés, sinon stigmatisés, où qu’ils aillent en Europe. Mais si, jusqu’à présent, un gouvernement républicain pouvait toujours expulser des individus jugés malfaisants, jamais encore il n’avait procédé à des démantèlements de campements et des renvois de masse, au motif bien léger de situation irrégulière. Jamais encore l’appartenance à une ethnie, comme celle des Roms, n’avait été aussi ouvertement pointée comme indésirable sur le sol français. Outre que ces mesures nient leur droit de libre-circulation à l’intérieur du territoire européen, elles s’opposent, par leur caractère discriminatoire, aux fondements mêmes de la fédération européenne qui s’est construite, rappelons-le, sur le rejet absolu des vieux démons xénophobes. Peut-être est-ce un effet de la politique de rupture prônée, voici trois ans, par le candidat Sarkozy ? On en voit ici les fruits amers, elle qui mène la France au tableau du déshonneur européen (même si Sarkozy peut compter sur le soutien de l’inénarrable Silvio Berlusconi). A moins que ce ne soit une énième manœuvre électoraliste et, dans ce cas, qu’importe les critiques ! Car l’intérêt européen comptera toujours moins que la conservation du pouvoir personnel. Comme disait un certain Goebbels : « Charbonnier est maître chez soi. »
Bruno DA CAPO
16:34 Publié dans numéro 6 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roms, reding, vichy, expulsions