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17/02/2017

      Anti-système

                               

 

 Quel est le point commun entre Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et François Fillon (outre qu’ils sont tous quatre candidats à l’élection présidentielle) ? Ils ont tous quelque chose à reprocher au système politique actuel et, de fait, ils ne cessent de le vilipender. Ils sont donc tous anti-système, même si on ne se sait pas trop ce que ça signifie pour chacun. Passe encore pour Jean-Luc Mélenchon, même s’il est député européen et qu’il a, par le passé, exercé des fonctions ministérielles. Passe aussi pour Marine Le Pen, même si elle est aussi députée européenne et qu’elle est la fille d’un leader politique français, aussi contesté soit-il : c’est quand même à lui qu’elle doit son ascension fulgurante au FN. C’est plus douteux pour l’extravagant Emmanuel Macron, ex-banquier chez Rothschild, ex-ministre de l’économie et qui, à défaut d’un programme cohérent, s’affiche volontiers comme un rebelle au dessus des partis. Quant à l’ex-premier ministre François Fillon (qui, décidément, ose tout cette année), c’est quasiment risible quand on l’entend parler de « complot institutionnel » contre lui.

Plus qu’un effet de mode, ces exercices de récusation et d’anathèmes relèvent, évidemment, d’une stratégie bien rodée. Car ces candidats ont pris le pouls de l’époque et orientent leur campagne dans le sens du vent. Ces derniers temps, force est de constater qu’il est franchement défavorable aux élites en place. Le populisme, un peu partout, se porte bien, comme l’a confirmé l’élection – décoiffante – de Donald Trump aux USA. Il s’agit donc, pour ces politiciens plus ou moins confirmés, d’adopter le profil de l’outsider et d’espérer ainsi bénéficier de la sympathie populaire qui va au petit Poucet  face à l’ogre, à David contre Goliath. A l’examen, c’est différent car, quelle que soit la place qu’ils occupent sur l’échiquier politique, ils sont tous des produits du système qu’ils ont contribué à perpétuer et qu’ils contestent maintenant. Il n’y a pas, en France, l’équivalent d’un Beppe Grillo en Italie – même si cet humoriste est bel et bien devenu un politicien redoutable à présent. Quant à nos quatre cavaliers de l’Apocalypse, ils représentent tous un courant majoritaire de longue date ; la nouveauté c’est qu’il  cherche à se présenter comme minoritaire face à un supposé sérail, par nature hostile aux nouveaux prétendants. Bel exercice d’illusionnisme politique, comme les renards d’hier et d’aujourd’hui en sont toujours capables lorsqu’ il s’agit de s’introduire dans le poulailler. Reste que la poudre aux yeux est maintenant bien éventée. Il faut espérer qu’à l’heure du choix, les français s’en souviendront et qu’ils voteront davantage avec leur raison que leurs émotions.  

Jacques Lucchesi

30/05/2014

L’Europe face aux populismes

 

                

 

 

 Le rejet des élites n’est pas un phénomène nouveau en Europe. Périodiquement, des mouvements populaires se sont élevés contre des structures étatiques – monarchiques ou républicaines – jugées trop arbitraires ou trop corrompues. Il s’agit ainsi d’exprimer toutes sortes de doléances à caractère économique, mais surtout sa méfiance vis-à-vis des institutions. Pour eux le peuple, ses coutumes et ses valeurs, sont au fondement de la légitimité politique et il faut donc leur redonner une parole vive - une parole jugée trahie par ses propres représentants. Cette crise de la confiance est le point de départ de tous les populismes et, en France comme ailleurs, il ne manque jamais d’habiles politiciens pour exploiter électoralement cette scission. Le populisme n’est pas le fascisme, avec son aspiration à l’unité organique de la nation. Mais il lui prépare le terrain, d’autant qu’il ravive généralement de vieux préjugés xénophobes. En cela, il s’oppose à la philosophie politique des Lumières d’où est issue notre république. Cette alternative inquiétante qu’il porte en son sein implique néanmoins – c’est sans doute son paradoxe – de passer par un cadre politique qu’il conteste viscéralement. Nous l’avons encore constaté avec ces récentes élections européennes qui l’ont propulsé à des sommets jamais atteints. Avec 24 députés au Parlement Européen, un parti d’essence populiste comme le FN se retrouve en capacité d’influer négativement sur l’orientation de la politique fédérale ; position qu’il confortera en s’alliant aux représentants d’autres formations nationalistes et europhobes, qu’ils viennent de Belgique, de Hongrie ou du Danemark. Outre qu’ils pourront  saper du dedans une construction européenne jugée contraire à leurs mesquins idéaux, ces partis recevront en plus, de cette même Union Européenne abhorrée, de confortables subventions qui leur permettront de préparer leurs prochaines campagnes dans leurs pays respectifs. N’est-ce pas, là aussi, l’un des paradoxes de cette élection ? Ces électeurs eurosceptiques restent, malgré tout, très minoritaires par rapport à tous ceux qui ont, une nouvelle fois, boudé les bureaux de votes. C’est l’autre électrochoc de ces européennes : le parti – informel – des abstentionnistes n’en finit pas, lui aussi, de progresser, atteignant cette fois-ci le chiffre record de 65% en France. Ce désintérêt massif pour les questions européennes traduit, lui aussi, un sentiment populiste de méfiance envers la classe politique. « A quoi bon aller voter puisque, de toutes les façons, on ne prend pas en compte nos problèmes ni notre opinion ? ». Semblent dire ces millions d’électeurs absents parce que déçus. Des précédents aussi douteux que le traité de Lisbonne en 2007 pourraient presque leur donner raison. Mais c’est également le signe d’une pédagogie déficiente ou mal adaptée. Car rendre au plus grand nombre l’Europe désirable ne peut se faire seulement avec des chiffres et des quotas. Plus que jamais, il faudrait insister sur les échanges culturels et techniques ou les valeurs communes – telle la liberté – qui ont façonné, malgré les conflits, l’histoire des peuples de ce continent. Il faudrait insister davantage sur l’importance de l’immigration en France, ne fut-ce que pour mieux faire comprendre sa physionomie actuelle. Bref, il faudrait donner, à cette construction européenne, une chair, des couleurs et des saveurs qui pourraient constituer le socle d’une nouvelle tradition. Et ériger ainsi un rempart contre les vieux démons nationalistes.

 

 

                                  Bruno DA CAPO