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30/05/2014

L’Europe face aux populismes

 

                

 

 

 Le rejet des élites n’est pas un phénomène nouveau en Europe. Périodiquement, des mouvements populaires se sont élevés contre des structures étatiques – monarchiques ou républicaines – jugées trop arbitraires ou trop corrompues. Il s’agit ainsi d’exprimer toutes sortes de doléances à caractère économique, mais surtout sa méfiance vis-à-vis des institutions. Pour eux le peuple, ses coutumes et ses valeurs, sont au fondement de la légitimité politique et il faut donc leur redonner une parole vive - une parole jugée trahie par ses propres représentants. Cette crise de la confiance est le point de départ de tous les populismes et, en France comme ailleurs, il ne manque jamais d’habiles politiciens pour exploiter électoralement cette scission. Le populisme n’est pas le fascisme, avec son aspiration à l’unité organique de la nation. Mais il lui prépare le terrain, d’autant qu’il ravive généralement de vieux préjugés xénophobes. En cela, il s’oppose à la philosophie politique des Lumières d’où est issue notre république. Cette alternative inquiétante qu’il porte en son sein implique néanmoins – c’est sans doute son paradoxe – de passer par un cadre politique qu’il conteste viscéralement. Nous l’avons encore constaté avec ces récentes élections européennes qui l’ont propulsé à des sommets jamais atteints. Avec 24 députés au Parlement Européen, un parti d’essence populiste comme le FN se retrouve en capacité d’influer négativement sur l’orientation de la politique fédérale ; position qu’il confortera en s’alliant aux représentants d’autres formations nationalistes et europhobes, qu’ils viennent de Belgique, de Hongrie ou du Danemark. Outre qu’ils pourront  saper du dedans une construction européenne jugée contraire à leurs mesquins idéaux, ces partis recevront en plus, de cette même Union Européenne abhorrée, de confortables subventions qui leur permettront de préparer leurs prochaines campagnes dans leurs pays respectifs. N’est-ce pas, là aussi, l’un des paradoxes de cette élection ? Ces électeurs eurosceptiques restent, malgré tout, très minoritaires par rapport à tous ceux qui ont, une nouvelle fois, boudé les bureaux de votes. C’est l’autre électrochoc de ces européennes : le parti – informel – des abstentionnistes n’en finit pas, lui aussi, de progresser, atteignant cette fois-ci le chiffre record de 65% en France. Ce désintérêt massif pour les questions européennes traduit, lui aussi, un sentiment populiste de méfiance envers la classe politique. « A quoi bon aller voter puisque, de toutes les façons, on ne prend pas en compte nos problèmes ni notre opinion ? ». Semblent dire ces millions d’électeurs absents parce que déçus. Des précédents aussi douteux que le traité de Lisbonne en 2007 pourraient presque leur donner raison. Mais c’est également le signe d’une pédagogie déficiente ou mal adaptée. Car rendre au plus grand nombre l’Europe désirable ne peut se faire seulement avec des chiffres et des quotas. Plus que jamais, il faudrait insister sur les échanges culturels et techniques ou les valeurs communes – telle la liberté – qui ont façonné, malgré les conflits, l’histoire des peuples de ce continent. Il faudrait insister davantage sur l’importance de l’immigration en France, ne fut-ce que pour mieux faire comprendre sa physionomie actuelle. Bref, il faudrait donner, à cette construction européenne, une chair, des couleurs et des saveurs qui pourraient constituer le socle d’une nouvelle tradition. Et ériger ainsi un rempart contre les vieux démons nationalistes.

 

 

                                  Bruno DA CAPO