19/05/2014
Sous les jupes des garçons
Même si, en Europe, les mâles écossais arborent toujours le kilt bariolé, peu de vêtements comme la jupe sont autant associés à la féminité et à son image. Ne met-elle pas en valeur l’un des attributs sexuels principaux des femmes: leurs jambes. Voilà de quoi déplaire aux rigoristes de tout poil. C’est d’ailleurs contre ceux-là que des jeunes filles - issues de l’immigration maghrébine - l’ont remise à l’honneur, voici quelques années, dans les cités de la région parisienne. Ainsi, elles voulaient signifier leur refus d’abdiquer leur féminité face aux pressions pseudo-religieuses qu’elles subissaient quotidiennement. Avec elle le féminisme semblait trouver un souffle nouveau, plus vivant et plus sensuel que celui qui s’est depuis institutionnalisé. En 2009 un film, « La journée de la jupe » de Jean-Paul Lilienfeld (avec Isabelle Adjani dans le rôle principal) vint faire écho à leur juste protestation avec le succès que l’on sait. Est-ce par émulation que des lycéennes de la région nantaise ont eu l’idée de créer une journée « tous en jupe » le vendredi 16 mai ? Avalisée par leur académie, cette initiative visait à brocarder les discriminations dont les filles seraient encore victimes. La nouveauté, c’est que les garçons de ces établissements ont joué le jeu jusqu’au bout. Pour manifester leur solidarité avec leurs camarades féminines, ils ont momentanément délaissé le pantalon au profit de la scandaleuse jupe. De quoi leur faire une belle jambe ! C’était sans compter avec les questions liées aux genres qui agitent la société française depuis l’automne dernier. Et ce qui n’aurait dû être qu’un carnaval hors-saison a relancé la polémique, du moins dans les milieux traditionalistes. L’occasion était trop belle pour ne pas critiquer les décrispations identitaires portées par de récentes mesures éducatives. Voyez, braves gens, ce que ces théories absurdes nous préparent. Tous nos repères foutent le camp. Bientôt il n’y aura plus d’hommes dans ce pays. On connaît leur triste rengaine. Faut-il dire que ces militants alarmistes étaient encore à côté de la plaque ? Car, évidemment, les lycéens travestis voulaient exprimer tout autre chose qu’un désir de changement de sexe. Est-ce que, néanmoins, la cause qu’ils voulaient servir avait besoin d’une telle mascarade ? Ce n’est pas si certain, du moins sous l’angle théorique. On doit pouvoir encore protester contre les discriminations faites aux afro-descendants sans, pour autant se peinturlurer le visage en noir (si l’on est de race blanche). Et il en va de même pour défendre les droits des femmes si l’on est un homme. Autrement, la morale se ramène à du mimétisme. Du reste, le recours à l’imitation physique de l’autre est symptomatique, moins d’une tendance à l’indistinction des sexes (ou des races) qu’à une déperdition du logos face à l’image. Pour comprendre – et faire comprendre-, il faut montrer. C’est ce que nous disent ces sympathiques lycéens nantais qui ont remplacé le débat d’idées par le happening.
Jacques LUCCHESI
17:49 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kilt, jupe, genres, mimétisme