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14/08/2015

Carton rouge

 

 

                                 

 

 Longtemps les sorties intempestives et la gouaille populaire de Nadine Morano ont fait les choux gras des humoristes. Avec la défaite de son parti en 2012, elle s’était faite plus discrète, se recentrant sur ses mandats politiques. Et puis, la maturité aidant, on voulait croire qu’elle pèserait davantage ses propos. Las ! Sa dernière intervention publique à propos des migrants a largement prouvé qu’il n’en était rien. Tout est parti d’une déclaration de Bruno Julliard, premier adjoint à la mairie de Paris, qui proposait de réquisitionner des bâtiments désaffectés pour y loger une prochaine vague de migrants subsahariens. Déchainement sur Facebook, dès le 4 août, de l’ex-secrétaire d’état – à la famille et à la solidarité ! -  de Nicolas Sarkozy. Pour elle, ce serait « un appel d’air des socialistes à l’immigration illégale », avec à la clé des avantages sociaux « payés par ceux qui travaillent ». Et d’enchainer sur la saleté des rues de Paris, pleines de SDF et de matelas qui s’étalent sur les trottoirs. Pour terminer par la proposition de « réquisitionner les avions d’Air-France pour expulser tous les déboutés du droit d’asile ». Le lendemain, sur Europe 1, elle brocardait les migrants qui fuient leurs pays, alors qu’ils feraient mieux d’y rester pour se battre. Et de conclure ainsi : « Heureusement qu’on n’a pas fait pareil, nous, en 39-45 ou en 14. ». On reste pantois devant de telles inepties, de telles comparaisons historiques sans fondement émanant d’une élue de la République. Ne sait-elle pas, étant députée européenne, que la France n’accueille pas autant de migrants qu’elle le devrait, eu égard à la taille de son territoire et à sa situation au sein de l’U E ? Veut-elle ignorer les analyses économiques sérieuses qui toutes démontrent que l’immigration clandestine rapporte plus qu’elle ne coûte aux pays d’accueil ? Au-delà des statistiques, au-delà des clivages politiques, il y a tout simplement le facteur humain au cœur de cette polémique et le moins qu’on puisse dire, c’est que le degré d’empathie de Nadine Morano est très proche de zéro. Que des milliers de gens risquent la mort pour tenter simplement de survivre ailleurs, abandonnant tout ce qui faisait leur identité derrière eux, ne l’émeut pas mais, manifestement, l’exaspère. Elle ne peut s’imaginer un seul instant être à leur place. Mieux! Elle voit des envahisseurs et des terroristes potentiels là où il n’y a que des victimes de la misère et de la guerre, qui fuient pour la plupart les ravages causés par le fanatisme. Qu’on l’admette ou non, le monde ne cesse de changer sous nos yeux ébahis et les responsables politiques, de quelque bord qu’ils soient, doivent trouver des solutions pour des situations d’urgence. Sauf, sans doute, madame Morano dont l’indignité de ses récents propos montre bien qu’elle est mûre pour poursuivre sa carrière au Front National, comme l’avait pressenti dès 2012 cet imitateur audacieux qui l’avait piégée au téléphone.                       

 

                             Bruno DA CAPO

17/10/2011

Les larmes de Ségolène

 

             

 

 

 Parmi les petits dérapages qui ont émaillé cette campagne des primaires socialistes d’où François Hollande est sorti vainqueur, on retiendra sans doute les larmes de Ségolène Royal au lendemain de sa défaite du premier tour. Il est, en effet, inhabituel qu’un candidat malheureux – fut-il une candidate – laisse percer son émotion devant les caméras. La politique, à ce degré de professionnalisation, implique de savoir gérer la pression – énorme – qui pèse certains soirs sur vos épaules, de faire aussi contre mauvaise fortune bon cœur, autrement dit de ne pas (trop) lâcher la bride à sa subjectivité. Dans le cas de Ségolène Royal, les choses sont pourtant un peu différentes. Maintes fois, au cours de sa campagne de 2007, elle a répété qu’elle était une femme et une mère. Elle a avancé sa féminité comme un atout politique, misant plus que tout autre candidat sur l’empathie avec son public électoral. Cela relève, certes, de la stratégie mais n’exclut pas, pour autant, une forme de sincérité, un rapport plus affectif à la rès publica. Dans ces conditions, son bref sanglot médiatisé s’inscrit dans le prolongement de son attitude politique. Il dit sans détour sa tristesse de ne pas avoir été agréée « pour les électeurs qui lui ont fait confiance », mais aussi sa singularité de femme dans ce landernau où les hommes demeurent majoritaires. A ce moment précis, le masque politique a fugacement laissé entrevoir la personne qui le portait ; le cœur a bousculé la raison – comme aurait pu dire Pascal. Non, ses larmes n’en font pas une nouvelle tragédienne. Elles ne feront sans doute pas davantage remonter sa cote de popularité dans les sondages.  Mais elles auront eu quand même le mérite de rappeler l’humanité des perdants là où l’on ne voit, généralement, que la joie insolente des vainqueurs.

 

                                             Jacques LUCCHESI