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12/12/2010

DE LA VERSATILITE DES PEUPLES





Qu’on se souvienne : il y a deux ans, Obama était élu triomphalement président des Etats Unis. Il était le premier Noir métis dans l’histoire américaine à occuper la fonction suprême. La liesse était à son comble. On ne tarissait pas d’éloges sur la démocratie américaine. Deux ans plus tard, à la suite des élections pour le Congrès, Obama est descendu d’un coup de son piédestal. Du pinacle où les Américains l’avaient hissé, le voilà voué aux gémonies. Les Républicains l’ont emporté ; ils vont donc chercher à tout bloquer. Et peut-être revenir sur des réformes, dont celle de la Sécurité sociale arrachée de haute lutte par le camp démocrate. Pour Obama, triste constat à mi-mandat. Ses marges de manœuvre vont devenir étroites. Au plan international, il n’aura plus tout à fait les coudées franches. Et l’on peut penser que la diplomatie américaine peut se durcir dangereusement... D’une certaine manière et dans une autre mesure, Sarkozy affronte le même problème qu’Obama. Porté par une bonne majorité, le voilà impopulaire en l’espace de deux ans. Mouvements sociaux, grèves, déception fondée d’une majorité de nos concitoyens, révolte qui gronde, tout laisse penser que Sarkozy a quelque part raté le coche. J’en parle d’ailleurs tranquillement puisque je n’ai pas voté pour lui. Quoique les situations soient différentes, on ne peut néanmoins que souligner l’inconstance des peuples américain et français. Je savais déjà que gouverner la France n’était pas une chose aisée. Mais je vois que les Américains s’y mettent aussi ! Est-ce à dire que l’inconstance est l’apanage des peuples ? Oui, sans doute. Pourtant, il m’apparaît qu’il n’y a pas meilleur exemple pour la santé de nos démocraties que de pouvoir dire oui un jour et non un autre jour. Les peuples le savent. Ils en usent, en abusent : c’est à eux seuls qu’il appartient de redistribuer les cartes.


                                                 Yves Carchon

 
Yves Carchon est écrivain. Derniers titres parus, "Conversations à deux" (2009), "Un fiéffé mentor" (2010).On peut également consulter son site internet: theatre-yvescarchon.e-monsite.com


23:07 Publié dans numéro 6 | Lien permanent | Commentaires (0)

12/11/2010

Pitié pour nos députés




                         


 La nouvelle est arrivée avec les  premiers jours de novembre : l’indemnité retraite de nos députés va être réduite de 8% dès janvier 2011, réduction qui atteindra les 30% en 2012. Temps funestes, vous n’épargnerez donc rien ni personne ? Passe encore que la crise touche les retraites des ouvriers et des fonctionnaires : ça s’est toujours fait sous tous les régimes. Les classes moyennes, c’est entendu, ne doivent rien emporter au paradis. Il faut les ponctionner jusqu’à la moelle, ne laisser à leurs héritiers que la portion congrue - et encore. Quant aux pauvres, les vraiment pauvres, n’en parlons même pas. De toutes les façons, comme dit ma concierge, ils sont aidés de tous côtés. Mais les députés, l’élite politique de notre nation…Méritaient-ils une coupe aussi drastique dans leurs pensions retraites ? Certes non ! Se dévouer une vie durant pour le peuple français (qui est, comme on le sait, le plus ingouvernable au monde) ; passer ses jours ouvrables à parcourir des dossiers arides et à inaugurer des crèches ou des équipements sportifs; s’ennuyer à mourir sur les bancs de l’Assemblée Nationale avec, pour seules détentes, de faire des bons mots sur ses collègues de l’autre bord et – bienheureuse parité ! - de lorgner les jambes de sa voisine; faire la tournée des marchés en période électorale, manger n’importe quoi, serrer des mains sales et faire semblant d’être intelligent, généreux, soucieux de ses concitoyens (dont on n’a rien à foutre le reste de l’année). Bref, passer sa vie à des futilités, mêmes publiques, quand on aurait pu être médecin, enseignant, chercheur, artiste et se voir, sur le tard, amputer d’une partie de ses revenus au motif galvaudé d’équité sociale, il y a vraiment de quoi descendre dans la rue et crier sa rage au législateur.
Mais voilà, nos députés sont des sages. Contrairement aux autres corporations, ils acceptent stoïquement les coups du sort. Ils ne veulent rien réclamer pour eux-mêmes. Qu’importe, semblent-ils nous dire, ce que l’Etat nous versera à la retraite. Nous avons fait notre devoir jusqu’au bout. Nous avons servi la nation et partons la tête haute. Au fait, quel est le montant moyen d’une retraite de député ? 
Une fois déduites les contributions sociales et les diverses cotisations (20% de leur indemnité mensuelle sont affectés à leur retraite), un député français en exercice perçoit environ 5500 euros mensuels – et je passe sous silence tous les privilèges afférant à leur charge. Or, pour bénéficier de cette somme à la retraite, il lui faut seulement vingt années de versement - car les années passées à l’Assemblée Nationale comptent double. Quatre mandats de cinq années suffisent donc pour cela. Quand bien même il ne serait élu qu’une fois, il percevrait quand même le quart de cette somme, soit environ 1400 euros par mois. Précisons que cette retraite est cumulable avec d’autres pensions, qu’elles proviennent d’un emploi dans le secteur civil ou d’une autre charge politique (maire, voire ministre). Alors, même si le régime de retraite des parlementaires doit être aligné sur celui du régime général, il y a gros à parier que ce n’est pas demain que l’on verra un ancien député aller frapper à la porte des Restos du Cœur pour subsister. N’est-ce pas au moins, par ces temps incertains, une bonne nouvelle ?



                                          Erik PANIZZA

20/10/2010

Allez les jeunes!




Dans « la Provence » du samedi 16 octobre, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, donnait son opinion sur les conflits sociaux actuels. Interrogé à  propos de l’engagement des lycéens aux côtés des manifestants, voici quelle fut sa réponse : « Les jeunes doivent d’abord et avant tout penser à leurs études. Les retraites, c’est à nous d’y penser. »
On imagine aisément le ton péremptoire avec lequel il a dû lâcher cette réponse au journaliste qui l’interviewait. Elle reflète assez parfaitement la conception fermée du pouvoir  propre aux caciques de la Droite. Que le peuple se contente de travailler, qu’il laisse à ceux qui « savent » - ses élus – le soin de gouverner  et tout ira bien dans notre beau pays. Pas de vision plus cloisonnée et plus hiérarchique de la politique. Par sa bouche, c’est la « France d’en haut » - chère à Raffarin – qui décrète. L’ennui pour ces gens-là, c’est que de moins en moins de Français acceptent cette forme de ségrégation. Ils ne supportent plus la suffisance de nos actuels dirigeants ; ils ne croient plus en leur prétendue sagesse quand elle rogne sans cesse leur pouvoir d’achat et qu’elle détricote insidieusement des droits qu’ils pensaient acquis. La réforme du régime des retraites aura été la goutte d’eau faisant déborder le vase de leur amertume. Et quoi de plus compréhensible que, dans ce concert de protestations automnal, les jeunes veulent aussi faire entendre leur voix ? Ne sont-ils pas aussi des citoyens français, même si une partie d’entre eux ne votera que dans quelques années ? Ne sont-ils pas concernés par le chapitre des retraites, eux qui vont bientôt entrer sur le marché du travail et constituer le fer de lance économique du pays ? Eux qu’on avait cru résignés ou indifférents aux affaires de la cité, tout juste bons à consommer béatement, quel beau démenti ils apportent à tous ceux qui misaient sur leur passivité. Cela s’appelle, ni plus ni moins, que l’éclosion de la conscience politique (et l’on sait quelles vocations elle peut déterminer). Les 15-20 ans, que l’on croyait dépolitisés, sont en train de redécouvrir la notion d’engagement chère à leurs aînés ; et cela est formateur de leurs esprits au moins autant que les cours séchés. Qu’importe, après cela, si leurs motivations sont teintées d’égoïsme ! Y a-t-il jamais eu des révoltes pures de tout intérêt individuel ? Qu’importe si on les dénigre en répétant un peu partout qu’ils sont manipulés par d’autres factions politiques ! Qui peut prétendre n’avoir jamais été manipulé, quelque soit le bord où il se situe ? Qu’importe s’ils le font sur leurs modes à eux, timides, ludiques ou excessifs ! L’important est qu’ils puissent donner à leurs protestations une forme collective, par là d’accéder à une vision plus vaste, plus généreuse de la vie en société. Encore faut-il que l’on ne brise pas cet élan républicain avec des matraques et des fusils à flash ball.

Bruno DA CAPO