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24/12/2015

Tapie le joueur

 

C’était dans les années 80. Bernard Tapie était encore jeune et fringant. Il était alors sur tous les fronts et tout lui souriait : affaires, sport, politique. Il ne se passait pas une semaine sans qu’un média ne parlât de lui et de ses coups d’éclat. A tel point qu’il était devenu la personnalité emblématique de cette décennie « frime et fric », aux antipodes des idéaux et des révoltes de la précédente. Puis vinrent les années 90 et les premiers revers : la vente d’Adidas et la chute du Crédit Lyonnais, les enquêtes sur son « système », les procès, les saisies de biens et la prison…Mais Tapie encaissait les coups comme un boxeur chevronné, sûr de se relever et de reprendre le combat. Il le reprit, en effet, mais du côté des arts, du théâtre et de la télévision en particulier. Une sorte de retour aux sources pour lui qui se rêvait chanteur à vingt ans. Et là encore il enchaîna les succès populaires. Malgré tout l’âge venait, pour lui aussi, à pas de loup. Le radical socialiste qu’il avait été naguère lorgnait maintenant du côté de la droite libérale et de son leader Nicolas Sarkozy. Les visites officieuses à l’Elysée étaient fréquentes. Et puis il y eût, en 2008, ce banco de 400 millions d’euros, conséquence d’un jugement complaisant dans l’interminable affaire Adidas.

Alors que le spectre de la crise financière s’étendait sur l’Europe, lui redevenait soudainement richissime, comme par un coup de baguette magique. Et, fidèle à sa nature, il se lança dans de nouveaux projets, notamment en rachetant au groupe Lagardère le quotidien La Provence. La fête aura pour lui duré sept ans, avant qu’un nouveau jugement ne rende caduc le précédent et ne l’oblige à rembourser l’intégralité du pactole perçu. 404 millions d’euros ! Une dette inimaginable pour un particulier, fut-il Bernard Tapie. Imagine-t’on le choc qu’une telle décision de justice peut représenter pour celui sur qui elle s’abat ? « Je suis ruiné. » Lâcha-t’il devant les caméras avec une sincérité que personne ne songerait à mettre en doute. A y réfléchir, un tel revers de fortune a quelque chose de logique pour un homme qui a mené sa vie comme une partie de Monopoly. Il y a eu les multiples rachats, la case prison, l’erreur de la banque en sa faveur et maintenant la liquidation des biens avant la fin de la partie. Mais Tapie, même humilié et ruiné, reste Tapie et a plus d’un tour dans son sac. Sa dernière volte-face, la semaine dernière, a pris le Front National et le chômage pour cibles (deux vieilles rengaines chez lui). Tapie voudrait-il revenir en politique et prendre à bras-le-corps ces deux problèmes pour lesquels aucun politicien confirmé n’a jusqu’à présent apporté une solution ? C’est Napoléon échappé de l’Île d’Elbe. Personne n’y croit, évidemment, à part quelques supporteurs de l’OM dans ses grands jours. Mais c’est quand même une façon flamboyante de détourner momentanément l’opinion publique de son problème majeur : rendre l’argent de la France aux Français.

Jacques LUCCHESI