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03/07/2015

La spirale terroriste

                       

 

 

 Le moins que l’on puisse dire, c’est que la langue de Manuel Valls fourche souvent lorsqu’il commente les drames qui secouent notre monde. Samedi dernier, en réaction aux attentats terroristes à Sousse et à Grenoble, le premier ministre a parlé « d’une guerre de civilisation », sans qu’on sache exactement s’il accordait ce dernier mot au pluriel ou au singulier. La question n’est pas anodine et plus d’un cacique socialiste est monté au créneau pour le lui rappeler. Car s’il y a présentement un combat de la civilisation contre la barbarie nihiliste  - quelles que soient les raisons dont elle se pare -, on ne saurait rationnellement parler d’une guerre des civilisations, par référence au traité de Samuel Huntington – que, d’ailleurs, très peu de politiques ont lu dans le détail. Reste qu’il y a quand même des causes objectives à cet affolement du langage. Car depuis plusieurs décennies, le monde n’avait pas connu une telle succession de massacres et d’attentats. Même le terrorisme d’inspiration révolutionnaire, extrêmement actif dans les années 70, ciblait mieux ses attaques, réclamait des rançons, versait le sang avec plus de parcimonie. Alors qu’avec Daech et ses affidés, toute forme de négociation est suspendue. La mort et la destruction, pour peu qu’elles soient filmées, semblent être leurs seules propositions face à l’ensemble des nations libres. Et là comme ailleurs, il s’agit de faire du chiffre. Les 37 tués de Sousse en sont la terrible évidence.   

Au delà des effets d’annonce et des déclarations martiales de nos dirigeants, la question est bien de savoir s’ils vont enfin tirer les conséquences juridiques qu’impose une telle menace. Par exemple la déchéance de nationalité pour les français qui vont rejoindre les rangs de l’état islamique et le rétablissement de tribunaux d’exception pour ceux reconnus coupables de crimes contre l’humanité. Aux grands maux, pas de grands mots, mais surtout de grands moyens. 

 

                       Bruno DA CAPO

04/01/2011

Cinéma: "We are four lions", de Chris Morris (2010)


  Souvent amplifiée à des fins politiques, la menace que fait peser le terrorisme islamiste sur l’Occident n’en demeure pas moins une triste réalité de notre temps. Et l’expliquer par tous les points d’entrée possibles ne la rend pas moins angoissante pour des populations déjà fragilisées par d’autres inquiétudes. Aussi, le parti-pris d’en rire peut apparaître, au cinéma, comme une dédramatisation salutaire, dans la lignée, finalement, du « Dictateur » de Chaplin.  C’est ce qu’a fait, non sans nuances, le jeune cinéaste anglais Chris Morris avec « We are four lions », qui raconte les tribulations grotesques d’une poignée d’apprentis djihadistes entre le Pakistan et l’Angleterre d’aujourd’hui. Ils sont, en effet, risibles de maladresse et de vanité, ces Anglo-Pakistanais qui ambitionnent de gagner le paradis (musulman) en propageant la terreur et la mort autour d’eux. Ridicules mais inquiétants, pas inoffensifs pour autant. Car ces Bouvard et Pécuchet du meurtre de masse finiront par mettre leur sinistre plan à exécution ; et même si ce ne sera pas un remake du 11 septembre 2001, ils entraineront dans la mort des innocents avec eux.  
 Quoique prenant l’angle de l’humour –  et quel humour !  – pour parler de ce sujet grave, Chris Morris n’en décrit pas moins les mécanismes sociaux et psychologiques qui conduisent à ces stratégies fatales. En cela, il pourrait être le fils spirituel de Ken Loach autant que de Terry Gilliam (ou le produit hybride des deux). Ses « quatre lions » - qui sont, en fait, cinq – constituent autant de personnalités nettement différenciées, dont la moins troublante n’est sûrement pas celle de Barry, le pseudo imam joué par Nigel Lindsay. Et  de leur réunion va naître et croître leur détermination commune à ce projet destructeur. Ce faisant, Morris montre bien les phases de doute et d’exaltation que connaissent tous ceux qui ont participé à ce genre d’entreprise. Il insiste particulièrement, à travers ses personnages, sur la dimension spectaculaire et la volonté narcissique de sortir du rang, fut-ce au prix de sa propre annihilation. Délire paranoïaque où le sentiment religieux tient bien peu de place, où la haine des « infidèles » n’a d’égale que le mépris pour les musulmans modérés – eux sur qui retombent finalement les conséquences de ces actes extrémistes. Oui, le film de Chris Morris est d’une actualité brulante et ne doit être ignoré sous aucun prétexte. S’il provoque aussi le rire, c’est, comme on dit, un rire jaune.   
(En salle depuis le 8 décembre)                                

                                                    Serge DANON