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31/07/2015

Ce qu’il dit ou rien

 

                    

 

 

 Longtemps, Dominique Strauss-Kahn a été considéré comme l’un de nos meilleurs économistes. Professeur à l’université de Nanterre, ministre de l’économie et des finances sous le gouvernement Jospin puis directeur du FMI de 2007 à 2011, sa parole et ses avis étaient pris au sérieux par l’ensemble de la classe politique internationale. Puis il y eût ce coup fatal porté à sa carrière politique en mai 2011, avec l’affaire du Sofitel de New-York. Suivie rapidement par d’autres procès du même acabit, où sa vie privée fut étalée sur la place publique. Depuis, et même s’il a été chaque fois relaxé, son nom – ramené à ses trois initiales – n’est plus que synonyme de débauche et de libertinage, tout juste bon à faire rire avec son obscène marionnette des Guignols de l’info. Il s’inscrit dans une famille assez grande d’hommes politiques brisés ou salis par des scandales sexuels : André le Troquer, John Profumo, Bill Clinton ou Silvio Berlusconi.  

Cela signifie-t’il que Dominique Strauss-Kahn  n’a plus rien à dire sur l’actualité politique et économique ? Sûrement pas ! Pour preuve « Apprendre de ses erreurs », la longue lettre bilingue (Anglais-Français) sur la crise grecque qu’il a publiée le 27 juin dernier. Selon lui, la principale erreur du FMI est d’avoir considéré la situation de la Grèce comme un problème classique de crise budgétaire. En second lieu, il estime que les instances internationales ont sous-estimé la profondeur des faiblesses institutionnelles de ce pays. Mais ce qui lui semble le plus important, c’est sans doute le caractère inachevé de l’union monétaire européenne. En conclusion de son essai, il appelle à un changement de logique, proposant que la Grèce ne reçoive plus de nouveaux financements de l’UE et du FMI si, en contrepartie, elle bénéficiait d’une réduction massive de sa dette.

On sait depuis quel choix a fait le gouvernement grec sous la pression internationale, ce qui n’invalide en rien la pertinence de son analyse. Mais voilà, les scandales de ces récentes années ont dévalué sa crédibilité politique. Certes, DSK intéresse encore les médias mais pas pour de bonnes raisons. Et c’est par un haussement d’épaules que Manuel Valls a accueilli ses thèses sur la crise grecque. Ce qu’il dit ou rien…La roue tourne et c’est tellement jouissif, quand on a été le dernier de la classe, de pouvoir mépriser celui qui en fut le premier. 

 

                                          

                       Bruno DA CAPO

14:05 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dsk, guignols, grèce, fmi

20/02/2015

Bruissements (46)

 

 

Copenhague : stupéfaction au Danemark ou un pseudo djihadiste de 22 ans a ouvert le feu, samedi 14 février, sur un centre culturel, à l’occasion d’une conférence sur la liberté d’expression à laquelle participait Lars Vilks, l’auteur des caricatures de Mahomet en 2005. Un réalisateur de 55 ans a ainsi été tué. Un peu plus tard, le tueur présumé s’en est pris à une synagogue, blessant mortellement son gardien de 37 ans avant d’être lui-même abattu par la police devant son domicile, dimanche au petit matin. L’enquête, depuis, suit son cours et deux complices du meurtrier ont été arrêtés. Un mois après les attentats de Paris, le scénario du loup solitaire se répète dans un pays européen. Nous connaissons maintenant leurs cibles potentielles : les intellectuels et artistes laïques, les israélites et les musulmans modérés (requalifiés d’ «apostats » par ces fanatiques). Ce nouvel attentat vient nous rappeler le caractère épars et imprévisible de cette guerre que l’obscurantisme le plus sinistre a déclaré aux valeurs occidentales. Nous sommes tous concernés.

 

Profanation : on peut également se demander comment l’antisémitisme le plus sordide peut trouver un tel écho, avoir de tels relais dans notre pays en 2015. Tout se mélange dans la tête de certains jeunes pour qui l’histoire n’est plus que la servante d’une classe politique abhorrée. Les cinq jeunes imbéciles qui ont profanés 250 tombes du cimetière juif de Sarre-Union (Alsace), dimanche dernier, en sont, hélas, la preuve vivante. Qu’est-ce que peut signifier la Shoah, le respect de l’autre, le sens du sacré pour eux ? Rien du tout, à l’évidence. Avec un peu plus d’éducation, ils n’auraient sans doute jamais pu commettre un acte aussi ignoble. Il est vrai que ce type de vandalisme s’est banalisé depuis quelques temps. Et il n’épargne pas les cimetières chrétiens qui sont de loin les plus nombreux à subir ce genre de dégradations. Pauvre France.

 

Chine : que se passe-t’il, actuellement, en Chine ? Il semble que son président Xi-JinPing a décrété une lutte sans merci contre la corruption. Et comme ici, on aime bien les métaphores, on désigne les réprouvés par les doux noms de « tigres » et de « mouches ». Les « tigres », ce sont les hauts dirigeants qui se sont enrichis sans scrupules sur le dos du peuple; les « mouches », ce sont tous les subalternes qui encaissent des pots-de-vin pour attribuer un emploi, une place dans une école ou permettre la réalisation d’un projet. Même à l’échelle de la Chine, ça représente pas mal de monde : ainsi, 68 cadres du parti, 15 généraux et 68 000 lampistes ont été arrêtés ces derniers mois. La semaine dernière, cinq d’entre eux ont été exécutés, dont le milliardaire de l’industrie minière Liu Han. Comment ne pas songer aux vieilles méthodes maoïstes qui aboutirent, en 1966, à la tristement célèbre « révolution culturelle » ? Car le libéralisme n’a jamais été, en Chine, synonyme de démocratie.

Ukraine : la situation n’est pas plus réjouissante dans l’est de l’Ukraine, où les combats entre l’armée régulière et les séparatistes pro-russes n’en finissent pas. On croyait pourtant à la force de la diplomatie et au cessez-le feu bilatéral au lendemain des accords de Minsk 2. Il n’en est rien, tout au contraire, puisque les affrontements se sont intensifiés depuis ce 15 février - qui devait pourtant  marquer le début de la trêve. Pris dans une spirale infernale, les rebelles (avec l’aide militaire de  Moscou) n’ont pas cessé de bombarder la ville de  Debatseve, au point d’en faire fuir les troupes ukrainiennes. Donetsk et surtout le port de Marioupol pourraient être leurs prochaines prises. D’ores et déjà, Petro Porochenko a demandé à l’ONU l’envoi d’une force  internationale pour assurer la surveillance des frontières russo-ukrainiennes. Si le double-jeu de Poutine se poursuit, on ne voit pas comment le président ukrainien pourrait repousser la proposition de soutien logistique émise par Washington voici une quinzaine de jours. Dans ce cas, le pire deviendrait possible.

 

Marseille : à Marseille aussi les armes ont parlé, quoique d’une façon beaucoup plus limitée. Sans doute pour saluer la venue de Manuel Valls, les 9 et 10 février, d’autres insurgés s’en sont pris, à coups de kalachnikov, aux policiers qui surveillaient la cité de la Castellane. Pas de blessé, heureusement, puisque leurs tirs visaient surtout les nuages. Une façon de dire que le premier ministre – qui devait faire une halte ici - n’était pas le bienvenu,  tout comme les autres représentants de la république. Que veulent ces nouveaux pistoleros ? Simplement continuer à faire leurs petits trafics et, dans ce cas, tout ira bien. Tant pis pour les 6000 habitants honnêtes de la cité que la pauvreté condamne à rester ici et qui subissent leurs pressions. Une enquête, évidemment, a été diligentée. Du reste, Manuel Valls a pu tester ailleurs sa côte d’impopularité, puisqu’il s’est fait copieusement houspillé au lycée Victor Hugo. Il est vrai qu’il commence à en avoir l’habitude.

 

DSK : qui veut la peau de Dominique Strauss-Kahn ? On peut se poser la question quand on voit les mascarades qui ont entouré son procès, à Lille, pour « l’affaire du Carlton ». Une prostituée qui joue les saintes nitouches éplorées à la barre du tribunal ; des Femens qui vandalisent la voiture de l’ex-directeur du FMI : tout cela sent la vengeance mesquine. Quant au principal chef d’accusation – proxénétisme en bande organisée – qui pèse sur l’économiste partouzeur, on peut dire qu’il est particulièrement boursouflé, au vu des faits avérés. Car enfin, pourquoi des adultes consentants, rétribués ou pas, n’auraient-ils pas le droit de s’enfermer dans une chambre pour se livrer à une partie de jambes en l’air ? Face à cet acharnement, un contre-procès s’impose : celui du néo-puritanisme en France. Depuis, le procureur général a demandé la relaxe de DSK : il a bien fait. Reste la blessure de ce grand déballage et sa médiatisation, plus obscène encore que les agissements reprochés. La sexualité des puissants de ce monde – et DSK a été l’un de ceux-là -  n’a pas fini de faire saliver le bon peuple.

 

                       Erik PANIZZA

  

08/03/2013

Bruissements (18)

 

 

 

Hessel: sa voix douce et trainante de nonagénaire nous était devenue familière à force d’être médiatisée. Depuis le succès vertigineux de son libelle « Indignez-vous ! » (4 millions d’exemplaires vendus et des traductions  dans une centaine de langues), Stéphane Hessel était régulièrement invité dans les débats d’idées, tant radiophoniques que télévisés, où il faisait un peu figure de vieux sage. N’avait-il pas été de tous les combats du XXeme siècle ? Résistant, déporté, défenseur passionné des Droits de l’Homme, des immigrés et des sans-papiers, cet ancien diplomate portait parfois le fer là où l’on ne l’attendait pas. Ce fut le cas lorsqu’il prit énergiquement position contre les colons israéliens dans la bande de Gaza et appela au boycott de leurs produits. La mort l’a saisi dans  son sommeil durant la nuit du 26 au 27 février derniers : il avait 95 ans. Dès l’annonce de sa disparition, la presse française lui a rendu un hommage quasi unanime – certains, comme France-Culture, n’hésitant pas à bouleverser leur grille de programmes pour saluer sa mémoire. Et ses funérailles, le 7 mars, n’ont pas été moins suivies que celles d’un chef d’état. Pourquoi une telle popularité ? Peut-être parce que Stéphane Hessel avait encore des convictions, quelques idées simples mais justes qu’il proposait clairement à notre époque passablement déboussolée. Moins maître à penser que maître à vivre et à agir, l’éthique moderne n’a pas fini de compter avec lui.  

 

Chavez : président du Venezuela depuis 1998, Hugo Chavez n’aura pas eu la chance de vivre aussi vieux. Le cancer l’a finalement emporté à 58 ans, le 5 mars dernier, soit exactement soixante ans après la mort de Staline. Ce détail vaut son pesant d’or pour celui qui rêvait d’initier une fédération des états d’Amérique du Sud. Le pouvoir, ce fils d’enseignants devenu  militaire l’aimait passionnément, ce qui ne l’empêchait pas de vouloir le bonheur et la liberté de son peuple, sous les auspices de son maitre en révolution, Simon Bolivar. On sait que cette double aspiration ne produit pas toujours les meilleurs effets dans la réalité. Auteur d’un coup d’état raté en 1992, emprisonné durant deux ans,  ce seront finalement les urnes qui  combleront ses ambitions. Dès lors, Chavez  se vivra comme l’héritier de Fidel Castro, stigmatisant l’impérialisme des USA – pourtant son meilleur client -, multipliant les amitiés douteuses avec de grands démocrates comme Vladimir Poutine, Mahmoud Ahmadinejad ou Bachar El Assad. Sept jours de deuil national ont été depuis décrétés au Venezuela et les écoles ont été fermées en hommage au héros de la nation. Mais en France, malgré les communiqués diplomatiques d’usage, il n’y aura guère que Jean-Luc Mélenchon pour être sincèrement attristé de cette disparition.

 

Italie : est-ce que l’Italie en fera autant pour Silvio Berlusconi – 76 ans – lorsqu’il cassera sa pipe ? J’en doute. L’homme reste, en tous les cas, d’une vitalité étonnante, s’affairant sans cesse pour occuper le devant de la scène, malgré – ou à cause – des « casseroles » judiciaires qui tintent derrière lui. Son retour en politique – après seulement deux années d’absence – a confirmé qu’il garde encore bien des sympathies dans la Botte, même si son parti – la coalition du Centre Droit- a fait un score légèrement inférieur à celui de son rival de gauche, Pier-Luigi Bersani (30, 7 contre 31,6 %). Au terme de ces élections législatives et sénatoriales du 24 février dernier, aucune majorité ne s’étant nettement dégagé, le Parlement reste divisé et le gouvernement du pays plus que jamais bloqué. Finalement, le vrai vainqueur de ces élections est l’humoriste Beppe Grillo qui, avec son mouvement 5 étoiles – populiste et farouchement anti-européen –  culmine à prés de 25% des suffrages. Du reste, il n’est pas impossible qu’une telle situation  survienne en France, à l’occasion de prochaines élections. Coluche, réveille-toi, ils sont devenus fous !

 

Sarkozy : le cas Sarkozy n’est pas moins intéressant. D’une discrétion surprenante depuis sa défaite à la récente présidentielle, il se contentait de régner sur une petite chapelle, ne communiquant plus – tel un chef de secte – que par la voix de ses thuriféraires. Las ! Voilà qu’il sort à nouveau du bois, mais avec des réticences, presque contraint et forcé. Car, figurez  vous, le monde de la politique l’ennuie prodigieusement, comme il le déclare à « Valeurs actuelles » (il est vrai qu’il en sait quelque chose). Mais les circonstances sont telles que, par amour pour la France, il pourrait, lui aussi, faire le don de son admirable personne… Pourquoi pas en 2017 ? Il est vrai que François Fillon manifeste depuis quelques jours les mêmes velléités oblatives. Et Copé, dans l’ombre, à quoi rêve-t’il ? S’immoler sur l’autel de la France, bien sûr. M’est d’avis que les humoristes ne vont pas chômer avec le rififi qui se prépare à l’UMP.

 

DSK : quoiqu’il soit désormais dans une semi-retraite, DSK fait toujours vendre les tabloïds. N’est-il pas devenu une sorte d’antonomase de la luxure et du libertinage moderne ? On l’a vue encore récemment, quand le Nouvel Observateur a fait sa une sur le « roman » de Marcela Iacub, « Belle et bête » - dont DSK serait le personnage principal. La juriste argentine n’a pas, nous le savons, la langue dans sa poche. Mais jusqu’à présent elle s’attachait – tâche ô combien estimable ! -  à pourfendre les idées reçues, notamment celles véhiculées par les féministes françaises. A quel vertige a-t’elle cédé pour s’embarquer dans une telle aventure ? Si elle n’en sort pas intellectuellement grandie, elle n’en aura pas moins le bénéfice du scandale. Car il y a gros à parier que la condamnation-éclair de son livre va aussitôt en doper les ventes. Finalement, c’est encore DSK qui s’en sort le moins bien, n’obtenant pour tout cela que 50 000 euros de dommages et intérêts. Mais, bon, son honneur est lavé et, notez-le bien, ce n’est pas lui, cette fois, qui débourse. Comme quoi, il y a un début à tout.  

                                             

                                   Erik PANIZZA