Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/12/2015

Des régionales sous haute tension

 


Quoique l’on s’y attendît un peu, le premier tour de ces élections régionales a fait l’effet d’un coup de semonce. Un Front National qui plafonnait à 28%, devant les Républicains et le Parti Socialiste. Deux régions – le Nord-Pas-de-Calais et la PACA – où les deux candidates frontistes dépassaient les 40%, loin devant leurs principaux adversaires. On avait l’impression, dimanche 6 décembre, d’un rouleau compresseur bleu-marine. En tous les cas, ces résultats nous disaient clairement que l’on était sorti des affrontements binaires chers à la Veme République. Et qu’il fallait désormais se résoudre à l’idée d’un schéma électoral tripartite.
La semaine de l’entre-deux tours fut riche en débats et en concertations tacticiennes. Dans les partis anciennement majoritaires, un objectif fut clairement défini : barrer la route des régions au FN, quitte à favoriser le choix d’un candidat adverse. Du moins dans le camp du PS, car le patron des Républicains préféra se cantonner dans une orgueilleuse neutralité. Tout cela devait entrainer pas mal de déceptions et une triangulaire remarquée en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine où le candidat socialiste, Jean-Pierre Masseret, brava l’exclusion de son parti pour affronter jusqu’au bout Florian Philippot. De jour en jour, on sentait bien que les choses étaient loin d’être « pliées » pour un FN confiant – en apparence – dans sa capacité à rallier une majorité de Français à ses thèses. Dans les coulisses, c’était une toute autre affaire. Car il savait bien qu’il ne pouvait compter, contrairement à ses adversaires, sur aucune réserve de voix. D’où ses appels insistants à l’armée des abstentionnistes du premier tour (49% des électeurs inscrits).
Ont-ils été entendus ? Il faut croire que non puisque, malgré une participation en hausse (+ 8%) au second tour, le report des voix s’est fait principalement sur les candidats de la droite républicaine. Ce sont quand même eux les vainqueurs de ces élections régionales, avec 7 régions dans leur escarcelle, dont le Nord, la PACA, l’Ile-de-France et le Rhône. 5 régions restent ou reviennent aux socialistes – ce qui n’est pas, non plus, la débâcle annoncée -, tandis que la Corse échoit à une formation indépendantiste (ce qui laisse augurer d’autres problèmes). Adieu veaux, vaches et cochons pour le FN qui se retrouve, une nouvelle fois, sans la moindre présidence régionale mais avec une augmentation sensible de ses conseillers dans les assemblées de région. Ils ne se priveront pas de faire le travail de blocage que leur direction nationale attend d’eux. Elle pourra ainsi continuer à dénoncer la similitude et la collusion de l’ « UMPS ». En attendant les élections présidentielles de 2017 où il faut espérer que le même scénario se reproduira au deuxième tour ; y compris si c’est un candidat de gauche qui se retrouve face à Marine Le Pen.

 

                            Jacques LUCCHESI

11/12/2015

Vers la délation fiscale ?

 

Même dans le contexte politique extrêmement chargé de cette fin d’année (COP 21, élections régionales, menace terroriste), la récente annonce de Bercy n’est pas passée inaperçue. Michel Sapin, ministre des finances, envisagerait de rémunérer officiellement des aviseurs fiscaux, autrement dit des gens qui, tout en ne faisant pas partie de l’administration fiscale, se feraient un devoir de dénoncer les fraudeurs du fisc. Voilà une proposition surprenante, de la part d’un gouvernement initialement de gauche. Une proposition qui a de quoi déranger même les contribuables honnêtes, car elle tend à légaliser une pratique moralement condamnable : la délation. Beaucoup de Français se souviennent encore des ravages qu’elle a produits à une autre époque – sous l’Occupation -, quand une partie de la population faisait la chasse à une autre, extrêmement fragilisée, souvent pour des motifs bassement personnels. Car l’essence de la délation, ce n’est pas l’argent mais la vengeance lâche et mesquine. Et rien ne nous dit que, plus de soixante-dix ans après, les mêmes causes ne produiraient pas les mêmes effets. On voit d’ici l’inflation de dossiers et d’enquêtes qui pourrait s’ensuivre, le plus souvent en pure perte.
Doit-on, pour lutter contre un phénomène en soi immoral – la fraude - favoriser un phénomène qui l’est sans doute davantage – la délation ? Jusqu’où peut aller, en démocratie, la gestion de la dette- voire de l’état d’urgence et de ses dépenses supplémentaires? Ce sont les deux grandes questions qui sont posées avec ce projet de loi qui pourrait être voté au printemps prochain. Conscient de la confusion générée par sa proposition, Michel Sapin a rectifié le tir, précisant que sa mesure visait surtout les gros fraudeurs, ceux qui sont notamment des adeptes endurcis de l’évasion fiscale (un manque à gagner pour l’état qui avoisinerait les vingt milliards d’euros annuels). Le modèle de ces supplétifs zélés est ici Hervé Falciani - l’homme du Swissleaks – qui d’ailleurs s’est toujours considéré comme un lanceur d’alerte.
Les fiscalistes ont beau jeu de souligner qu’il existe des inspecteurs des impôts pour faire ce travail en toute légalité. Et que leur adjoindre des indics stipendiés reviendrait à créer une sorte de police parallèle. Que d’autre part, cette pratique existe déjà mais en sous-main, sans en faire un devoir civique. Sous un angle plus philosophique, on peut rappeler qu’une société a besoin, pour sa viabilité, d’un socle de confiance. Et que cette mesure ne ferait que la saper davantage, portant la défiance mutuelle à un degré rarement atteint en démocratie. Elle est en soi révélatrice des glissements douteux qui sont en train de s’opérer au motif de l’état d’urgence proclamé. Les citoyens français doivent être conscients des risques liés à la menace que fait peser sur nous une organisation criminelle d’envergure internationale. Mais ils doivent aussi rester vigilants vis-à-vis de leurs gouvernants.

 

                                Bruno DA CAPO

04/12/2015

Et pour quelques degrés de plus

 

Le scénario est maintenant bien connu. L’humanité, depuis l’entrée dans l’ère industrielle (vers 1850) a déjà envoyé plus de 500 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, accroissant en cent cinquante ans le réchauffement climatique plus qu’elle ne l’avait fait durant les cinq mille années précédentes. Les scientifiques sont formels : à ce stade-là, la terre ne peut plus supporter que 500 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires. Or, à l’allure où nous produisons et consommons, ce plafond pourrait être atteint d’ici la fin de ce siècle, ce qui réchaufferait la température du globe de cinq degrés. Que se passerait-il si nous ne savions pas rester en dessous de ce seuil fatidique ? Eh bien, en été, la température moyenne dans l’hémisphère nord avoisinerait les 45 degrés. Un peu partout les climatiseurs tourneraient à plein régime (ce qui accroîtrait la dépense énergétique) ; la banquise fondrait complètement et le niveau des mers remonterait de plusieurs centimètres ; les maladies tropicales s’abattraient sur l’Europe et l’eau viendrait même à manquer dans nos contrées. Si, au contraire, nous parvenons à limiter le réchauffement climatique à environ 2 degrés, nous pourrons continuer à jouir d’un climat tempéré et des conditions de vie qui l’accompagnent. N’en déplaise aux climato-sceptiques (qui ont intérêt à ce que rien ne change), cette alternative dépend essentiellement de nous. Il faut, dès maintenant, changer nos habitudes consuméristes et miser davantage sur les énergies renouvelables.

Cette urgence et la recherche de solutions qu’elle appelle sont au cœur de cette fameuse COP 21, commencée lundi 30 novembre au Bourget dans les conditions difficiles que l’on sait. Car une telle manifestation (186 millions d’euros de budget, 190 pays participants et 350 conférences programmées) n’implique pas seulement un dispositif de sécurité extrême mais retentit aussi sur la vie des habitants de Paris et de sa périphérie. Le but affiché est de parvenir à réduire de 70 à 40% les émissions mondiales de gaz à effet de serre, et cela d’ici seulement 2050. Reste qu’au-delà des dîners de gala entre chefs d’états et des déclarations vertueuses, cette conférence ne cesse d’achopper sur des questions beaucoup plus matérielles. Car, évidemment, les petits états ne veulent pas être imposés à hauteur des plus grands pays pollueurs (comme la Chine et les USA, 40% d’émissions à eux deux). Ils sont, d’autre part, les plus touchés par les catastrophes naturelles induites par le réchauffement climatique. Conscients de leur responsabilité envers eux, les états occidentaux envisagent de débloquer 100 milliards d’euros pour leurs permettre de soutenir les efforts nécessaires à cette régulation planétaire. C’est beaucoup et c’est peu à la fois ; c’est surtout incertain avec une échéance fixée à 2020. D’où des déceptions et des blocages. Il ne faudrait pas, cette fois, que l’unanimisme et l’enthousiasme des premières journées ne soient pas transformés en mesures concrètes à l’heure du bilan, le 11 décembre prochain. Pour la santé de notre vieille planète.

 

                                    Bruno DA CAPO