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11/12/2015

Vers la délation fiscale ?

 

Même dans le contexte politique extrêmement chargé de cette fin d’année (COP 21, élections régionales, menace terroriste), la récente annonce de Bercy n’est pas passée inaperçue. Michel Sapin, ministre des finances, envisagerait de rémunérer officiellement des aviseurs fiscaux, autrement dit des gens qui, tout en ne faisant pas partie de l’administration fiscale, se feraient un devoir de dénoncer les fraudeurs du fisc. Voilà une proposition surprenante, de la part d’un gouvernement initialement de gauche. Une proposition qui a de quoi déranger même les contribuables honnêtes, car elle tend à légaliser une pratique moralement condamnable : la délation. Beaucoup de Français se souviennent encore des ravages qu’elle a produits à une autre époque – sous l’Occupation -, quand une partie de la population faisait la chasse à une autre, extrêmement fragilisée, souvent pour des motifs bassement personnels. Car l’essence de la délation, ce n’est pas l’argent mais la vengeance lâche et mesquine. Et rien ne nous dit que, plus de soixante-dix ans après, les mêmes causes ne produiraient pas les mêmes effets. On voit d’ici l’inflation de dossiers et d’enquêtes qui pourrait s’ensuivre, le plus souvent en pure perte.
Doit-on, pour lutter contre un phénomène en soi immoral – la fraude - favoriser un phénomène qui l’est sans doute davantage – la délation ? Jusqu’où peut aller, en démocratie, la gestion de la dette- voire de l’état d’urgence et de ses dépenses supplémentaires? Ce sont les deux grandes questions qui sont posées avec ce projet de loi qui pourrait être voté au printemps prochain. Conscient de la confusion générée par sa proposition, Michel Sapin a rectifié le tir, précisant que sa mesure visait surtout les gros fraudeurs, ceux qui sont notamment des adeptes endurcis de l’évasion fiscale (un manque à gagner pour l’état qui avoisinerait les vingt milliards d’euros annuels). Le modèle de ces supplétifs zélés est ici Hervé Falciani - l’homme du Swissleaks – qui d’ailleurs s’est toujours considéré comme un lanceur d’alerte.
Les fiscalistes ont beau jeu de souligner qu’il existe des inspecteurs des impôts pour faire ce travail en toute légalité. Et que leur adjoindre des indics stipendiés reviendrait à créer une sorte de police parallèle. Que d’autre part, cette pratique existe déjà mais en sous-main, sans en faire un devoir civique. Sous un angle plus philosophique, on peut rappeler qu’une société a besoin, pour sa viabilité, d’un socle de confiance. Et que cette mesure ne ferait que la saper davantage, portant la défiance mutuelle à un degré rarement atteint en démocratie. Elle est en soi révélatrice des glissements douteux qui sont en train de s’opérer au motif de l’état d’urgence proclamé. Les citoyens français doivent être conscients des risques liés à la menace que fait peser sur nous une organisation criminelle d’envergure internationale. Mais ils doivent aussi rester vigilants vis-à-vis de leurs gouvernants.

 

                                Bruno DA CAPO

23/11/2011

Bruissements

 

 

                          

 

 

DSK : après le sofitel de New-York et son procès mondialisé, après l’affaire Tristane Banon et son non-lieu, voilà que DSK revient dans l’actualité avec l’affaire du Carlton de Lille. On le soupçonne d’avoir loué les services sexuels de filles qui tapinaient discrètement ici. On exhibe ses SMS adressés à des amis pour les inviter à des parties fines. Vraiment, ce déballage intime commence à devenir odieux. Bien entendu  il est l’occasion, pour la Droite et ses roquets, d’accabler un peu plus un homme que la justice a pourtant blanchi. Un homme qui a – pour son malheur – le défaut d’aimer un peu trop les femmes. Est-ce un crime, désormais ? Le problème, à présent, est bien que ses adversaires politiques se servent de  ses frasques pour essayer de salir les socialistes. Eh, qui s’assemble se ressemble et vice-versa. DSK a décidé de porter plainte contre ses calomniateurs : il a raison et pas qu’une fois.

 

Salaires : bonne nouvelle – une, enfin – puisque le SMIC, malgré la crise, sera quand même revalorisé de 2,1% à partir du 1er décembre prochain. Ce qui devrait le porter à 1393,82 euros brut – soit 1094,72 euros net -, toujours pour 35 heures de travail hebdomadaire. A propos, saviez-vous que le salaire de nos ministres était, lui aussi, indexé sur l’évolution du coût de la vie (et augmenté en conséquence) ? Cette juste et nécessaire  majoration  sera néanmoins suspendue pour les deux prochaines années. Comme l’a annoncé solennellement  le premier d’entre eux – rigueur budgétaire oblige -, leur traitement sera bloqué durant cette période  à  son taux actuel. Voilà un excellent exemple adressé au peuple français si enclin à dénoncer les inégalités. Une question me taraude pourtant: vont-ils pouvoir continuer à vivre décemment avec un salaire moyen de 14 000 euros mensuels ? D’ici que Bernadette Chirac ne soit obligée de faire la quête pour les membres du gouvernement, il n’y a pas loin…. 

 

Dégraissage : toujours opportuniste, François Hollande a annoncé que, dans le cas où il serait élu président de la république, il diminuerait son salaire – mais aussi celui de ses ministres – de 30%. Si je ne m’abuse, -30% de 21 000 euros, ça fait quand même environ 147000 euros mensuels, non ? Voilà quand même une annonce  bien venue dans le contexte actuel de restrictions tous azimuts. Saura-t’il s’en souvenir au moment voulu ? Nous, en tous cas, nous le lui rappellerons.

 

Duel: le même François Hollande a dû ferrailler dur sur son aile gauche avec ses alliés écologistes, partisans de longue date de la sortie du nucléaire. Finalement, ils se sont entendus sur une réduction progressive de 25%, ce qui abaisserait à 50% le parc des réacteurs en activité sous sa (possible) présidence. Ces chiffres-là sont assez fidèles aux propositions qu’il a faites avant les primaires. Il ne faut pas se voiler la face : cette question-là est loin d’être secondaire pour l’avenir de notre pays. Bon gré mal gré, les restructurations accroissant la part des énergies renouvelables se feront inévitablement. Et il faudra fermer des centrales devenues trop vieilles et trop peu sûres. La Droite, Sarkozy en tête, ne veut pas en entendre parler. Pour elle, c’est une atteinte à l’autonomie de la France. Hors de nos choix, point de salut. Là aussi, il s’agirait de prendre exemple sur l’Allemagne.

 

Amnésie: dix ans après il récidive. La leçon du 21 avril 2002 ne lui servira donc à rien ! Jean-Pierre Chevènement, le mauvais génie de la Gauche. 

 

Fraude : à Bordeaux, mardi 15 novembre, Nicolas Sarkozy a remis sa casquette de père-fouettard, avec ce qui fut l’un de ses thèmes de campagne favoris : la dénonciation des mauvais Français, ceux qui fraudent le système social. Là encore il visait les plus modestes d’entre eux, ceux qui sont dans la nécessité de survivre et dont les détournements ne représentent que 20% de la fraude globale. Les 80% restants sont, en effet, constitués par les cotisations patronales non versées à la sécurité Sociale, mais il vaut mieux encore, pour l’économie générale, ne pas taper sur ces chefs d’entreprises peu scrupuleux. Du reste, notre cher président s’est-il jamais demandé si la fraude n’était pas une conséquence logique du libéralisme dont il fut et reste l’un des meilleurs garants politiques ? Toutes ses objurgations ont finalement abouti à un projet de loi visant à sanctionner un peu plus les salariés en arrêt de maladie, leur retirant une journée supplémentaire de remboursement. De quoi, au moins, accroître l’amertume – sinon le désespoir – des Français qui travaillent toujours plus pour gagner moins.

 

Pouvoir : « débarqué » par les marchés financiers pour sa gestion calamiteuse de l’Italie, Silvio Berlusconi, 75 ans, a quitté son poste de Président du Conseil sous les lazzis, à Rome le 12 novembre dernier. Certains opposants allaient jusqu’à comparer cette date au 28 avril 1945 – jour de l’exécution de Mussolini -, ce qui était légèrement exagéré. Qu’allait donc faire Berlusconi de ses vacances d’hiver anticipées ? Partir en Sardaigne, avec quelques jeunes hétaïres, pour profiter d’une retraite peu honorable mais justifiée, tout de même, par son âge? Point du tout ! Dès le lendemain matin, il était au siège de son parti pour envisager une riposte politique. Si le pouvoir n’est pas une drogue….

 

 

 

                     Erik PANIZZA