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31/10/2014

La Gauche passéiste

 

                       

 

 

  En politique, il ya des expressions qui font mouche, des expressions appelées à faire trace dans la mémoire collective. Celle de « Gauche passéiste », prononcée par Manuel Valls devant la presse voici huit jours, est sans doute de celles-là. Elle tombe dans un contexte d’opposition intérieure rarement atteinte sous la Veme République. Une fronde de députés socialiste (avec, parmi eux, d’anciens ministres de Hollande) et une figure historique du PS, Martine Aubry, ne cessent de dénoncer le virage social-libéral pris par la politique de l’actuel premier ministre. Auraient-ils tort ? Sûrement pas de là où ils parlent, c'est-à-dire d’une position ancrée dans la tradition socialiste, où l’on a toujours accordé plus d’intérêt à l’amélioration du sort des classes populaires qu’à celui des patrons. Où la fiscalité n’est pas synonyme de pression mais de redistribution. Si ce n’est pas la Gauche qui porte ces exigences-là, quelle autre formation politique le fera ? Mais Manuel Valls, tout à sa mission réformatrice, n’a cure de ces objections. Depuis longtemps il n’entend plus les soupirs exaspérés de tous ces Français qui ont porté son camp politique au pouvoir, en 2012. Et pourquoi l’ont-ils plébiscité ? Parce que, précisément, ils croyaient aux valeurs de la Gauche dénoncées aujourd’hui comme « passéistes » par celui-là même qui devrait en être le garant. Cette Gauche-là, c’est celle de Jaurès, de Blum, de Mendès-France, de Mitterrand. C’est celle qui a permis les réformes dont le plus grand nombre profite encore aujourd’hui (les congés payés, l’abaissement du temps hebdomadaire de travail, le RMI). Des réformes véritablement de gauche, aux antipodes de celles que préconise l’actuel chef du gouvernement. Pense-t’il sincèrement favoriser l’émancipation de l’individu en le soumettant à la flexibilité patronale ? En donnant aux patrons une visibilité et des prérogatives qu’ils n’ont  même pas eus sous les trois derniers gouvernements de droite ? Croit-il que la transition énergétique soit une mesure spécifiquement de gauche, quand tous les dirigeants politiques du moment sont sommés de s’en préoccuper urgemment ? Il est possible qu’un gouvernement de gauche ne soit pas, à l’heure actuelle, le plus adapté pour mener une politique de sortie de crise. Mais ce n’est pas pour autant qu’un tel gouvernement doive copier les solutions proposées par la Droite, car il n’a pas été élu pour ça. Il y a des valeurs qui constituent l’identité profonde d’un parti et qu’on ne peut pas rayer en quelques coups de plume au nom du pragmatisme, voire du progressisme. C’est une question de fidélité, pas une crispation idéologique. Quoique venu de la Gauche, Manuel Valls – avec le soutien bienveillant de François Hollande – ne cesse de trahir ces valeurs-là. Le temps n’est pas loin où ils en paieront le prix. Car mieux vaut encore une Gauche passéiste qu’une Gauche dévoyée.

 

                              Bruno DA CAPO

23/10/2014

Bruissements (42)

 

 

Genre : longtemps la langue française a connu l’emploi du neutre en matière de nomination officielle. Un préfet pouvait être une femme. On l’appelait alors « madame le préfet», mais le nom de sa charge ne s’accordait pas pour autant au féminin : normal, puisque c’était la fonction qui primait sur la personne. Mais voilà, des féministes à l’esprit chagrin ont un jour remarqué que le neutre en Français se déclinait – presque -toujours au masculin. Cette particularité – vite transformée en inégalité – devait longtemps les empêcher de  dormir paisiblement. Jusqu’à ce que leurs protestations entrainent, en 1998, la rédaction d’une circulaire « ordonnant de recourir aux appellations féminines pour les noms de métier, de fonction, de grade ou de titre ». C’est ainsi qu’on vit bientôt des préfètes, des députées, des doctoresses en droit attendant de devenir peut-être des jugesses.  Est-ce que Julien Aubert, jeune député UMP du Vaucluse, ignorait cette évolution linguistique lorsqu’il s’est adressé, dans le Palais Bourbon, à Sandrine Mazetier, vice-présidente socialiste de l’Assemblée Nationale, en lui donnant du « madame le président » ? Certes non puisque, rappelé une première fois à l’ordre par son interlocutrice, il a récidivé et écopé, cette fois d’un procès-verbal assorti d’une amende de 1378 euros. Provocateur, Julien Aubert ? Sans doute, même si cette féminisation des titres n’a toujours pas reçu l’aval de l’Académie Française. Et que cette injonction ne concerne que les rédacteurs de textes parlementaires. Deux arguments qu’il fera valoir pour sa défense en appel. Mais – diantre ! – que les femmes de pouvoir sont devenues susceptibles aujourd’hui !

 

Nobel : de véritables inégalités entre les hommes et les femmes, nous le savons bien, il n’y en a encore que trop dans le monde. Et celles-là méritent qu’on leur apporte notre soutien. L’académie Nobel s’en est souvenue puisqu’elle a jugé bon de décerner son prix annuel de la paix à Malala Youzafsai, petite Pakistanaise de 17 ans, dont le blog consacré à l’émancipation des femmes lui a valu, voici deux ans, une tentative d’assassinat orchestrée par les Talibans. Revenue par miracle à la vie elle n’en poursuit que plus passionnément son combat, parallèlement à sa scolarité dans une école londonienne. Gageons que cette prestigieuse distinction va donner à sa voix une audience planétaire.

 

Vaccin : en matière de vaccins, il y a de plus en plus de Français qui confondent l’exception avec la règle. Sous prétexte que certains sujets réagissent négativement à un vaccin – ce qui est rare -, des parents bien intentionnés jouent la carte du risque zéro en refusant de faire vacciner leurs enfants contre la diphtérie, le tétanos  et la poliomyélite – le célèbre DTP. Or, ce vaccin est le seul à l’heure actuelle qui soit obligatoire : quiconque a vu des photos de victimes du tétanos comprend pourquoi. Pas cette famille de l’Yonne, sans doute, puisque c’est à ses dépens qu’elle l’a appris le 9 octobre dernier au tribunal correctionnel d’Auxerre. Depuis, l’affaire a été portée devant le Conseil Constitutionnel qui devrait statuer d’ici quatre mois. Un beau débat de société en perspective. Avec, pour enjeu, la liberté individuelle face aux institutions médicales.

 

Ebola : Si depuis six mois maintenant, l’épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest alimente les pires craintes, elle suscite à présent des canulars douteux. Rire de ce qui nous effraie est une vieille méthode pour apprivoiser la menace. Mais ça peut être aussi une manière de tester son pouvoir de persuasion sur son entourage. En l’occurrence le terrain est tellement sensible qu’il n’y a pas beaucoup d’efforts à faire pour que ça marche. Le 10 octobre dernier, en hurlant « J’ai Ebola. Vous êtes foutus. », ce passager du vol Philadelphie-Punta-Cana était assuré de produire son effet. Après une brève panique, les services de sécurité de l’aéroport déboulèrent dans l’avion - qui venait d’atterrir - pour emmener le fauteur de trouble. Par chance les nombreux tests qu’il dut subir ne révélèrent aucune trace du terrible virus. Mais on imagine aisément la colère des autres passagers contre lui lorsqu’ils apprirent les résultats, après deux heures d’immobilisation forcée sur le tarmac.

 

Djihad : on se demande parfois ce qui peut bien se passer dans la tête de nos contemporains. Certes, Le Net sert de vecteur à une propagande islamiste nauséeuse qui peut troubler des esprits peu formés ou en manque de repères. Mais de là à séduire une famille entière… C’est ce qui est pourtant arrivé à Nice, le 26 septembre dernier. Onze membres d’une même famille – la grand-mère, ses trois enfants, leurs conjoints et quatre petits-enfants – sont partis à bord de deux voitures vers la Turquie en vue de passer la frontière syrienne et d’aller faire leur djihad avec les troupes de Daesh. On voudrait en rire si on pouvait oublier les horreurs qui se commettent là bas chaque jour. Une équipée tragi-comique qui révèle, encore une fois, les failles du dispositif de contrôle français.

 

 

                        Erik PANIZZA

14:18 Publié dans numéro 13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : genre, nobel, vaccin, ebola

17/10/2014

Ô Kobani !

 

 

Kobani est donc destinée à devenir une ville martyre. Une de plus, pourrait-on dire désabusé. Malgré les déclarations révoltées des puissants, malgré le feu nourri tombant du ciel, les combattants de l’Etat islamique encerclent, pour ne pas dire enserrent la ville. Face à eux de courageux combattants Kurdes (hommes et femmes confondus), prêts à défendre plus que leurs terres : l’aspiration à vivre enfin dans un pays démocratique. Hélas, ils sont bien seuls ! Pas question pour les Turcs d’intervenir, Erdogan refusant de susciter dans son propre pays des velléités irrédentistes kurdes... Mieux vaut laisser assassiner un peuple et s’en remettre à la real politique. Apparemment, la compassion n’est pas dans ses priorités ! Certes les Américains sont là avec leur force et la finesse diplomatique qu’on leur connaît... Sans eux, ce serait sans doute pire. Et engager des troupes serait ajouter à la confusion pour un résultat, on le sait, contre-productif (voir interventions en Irak, Lybie...). Alors, sans pour autant intervenir directement sur le terrain, peut-on au moins armer les Kurdes. Qu’attend-on ? La victoire de Daesh, en laissant s’installer un fascisme religieux intraitable, prêt à persécuter qui s’oppose à sa barbarie ? Il n’est pas loin le temps où on laissa mourir l’Espagne républicaine sans même lever le petit doigt. Je crains que Kobani ne soit le Madrid de 36, mais cette fois-là avec la honte d’avoir laissé se perpétrer cette infamie alors que nous avions encore en tête les lâchetés d’hier.

 

                                                             Yves CARCHON