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22/09/2017

  Adversaires mais pas trop

                     

 

 Il y a des rendez-vous qu’un président de la république ne saurait laisser à son ministre des affaires étrangères. Des rendez-vous internationaux, devant les caméras du monde entier, où se joue une réputation planétaire. Le prestige d’un leadership mondial est à ce prix – d’où l’importance de bien soigner sa posture. Monsieur Macron sait parfaitement tout cela. En allant, mardi dernier, à l’assemblée générale de l’ONU à New-York, porter la bonne parole de la France dans le monde, il était difficile de ne pas entendre qu’il parlait aussi de son propre rayonnement. Ce faisant, il a opportunément délaissé les problèmes inhérents à sa politique intérieure et les manifestations qu’elle a générées cette semaine.

On le sait : la France, puissance économique et militaire moyenne, est néanmoins dotée d’un capital symbolique important. Elle reste, malgré bien des entorses à son propre credo, le pays de la liberté et des droits de l’homme. Il s’agit périodiquement de le réaffirmer sur la scène internationale et, depuis De Gaulle, les présidents successifs de la Cinquième République ne s’en sortent pas trop mal dans cet exercice. Mais cette rhétorique-là, pour ne pas être purement idéaliste, a besoin d’adversaires idéologiques réels contre lesquels argumenter. Pour Emmanuel Macron, ce fut naturellement Donald Trump, lequel avait ouvert le bal un peu avant avec un discours particulièrement virulent contre la Corée du nord et l’Iran. Cependant, pas question de nommer ouvertement le président des Etats-Unis et de gâcher ainsi les bonnes relations personnelles qu’il entretient avec lui. Aussi a-t’il pris, tout au long, de son discours, le contre-pied de son discours brutal. A sa politique de préférence nationale, il a opposé une vision ouverte et généreuse vis-à-vis des pauvres et des opprimés, particulièrement envers le migrant, « ce symbole de notre époque ». A la stratégie unilatérale et martiale de l’Amérique « trumpienne », une diplomatie multilatérale et une recherche des solutions pacifiques par le dialogue et la main tendue.

Qui, ayant un peu de bon sens, ne serait pas d’accord avec ces arguments ? Reste qu’amener un Kim Jong Un à la table des négociations n’est pas une mince affaire – sauf à compter avec la versatilité de ce type de dictateurs. Si Emmanuel Macron parvenait à lui faire entendre raison ; s’il parvenait à convaincre Trump de respecter les accords de la COP 21, nul doute alors qu’il serait élu homme de l’année et qu’il deviendrait, de fait, le dirigeant politique le plus en vue de la planète. Mais ne rêvons pas trop…

 

Jacques LUCCHESI

08/09/2017

Bruissements (76)

 

 

Lucet : l’Azerbaïdjan, vous connaissez ? C’est une petite contrée hospitalière du Caucase, coincée entre la Turquie et la Russie, où le pouvoir est détenu par un certain Ilham Aliyev, président démocratiquement élu en 2003…Celui-ci compte d’ailleurs pas mal d’ « amis » dans la classe politique française ; des « amis » généreusement subventionnés et qui sont ainsi toujours prêts à rappeler publiquement les avancées de la démocratie et des droits de l’homme dans ce pays. Mais voilà, Elise Lucet, journaliste et productrice de Cash investigation n’a pas voulu manger de ce pain-là. Dans un numéro de son émission, voici deux ans, elle est même allée à qualifier l’état Azéri de « dictature, l’un des plus féroces au monde ». Du coup, le président courroucé a porté plainte contre France 2 et la présentatrice – ce qui est en soi une hérésie juridique. « Non, mais des fois ! On ne va pas se laisser diffamer comme ça. Ce n’est pas parce qu’il y a à peine cinq cents opposants politiques dans nos prisons que notre douce république doit être considérée comme une dictature.». Hier c’était la Turquie d’Erdogan qui réclamait à l’Espagne la remise d’un opposant (rappelons qu’un reporter français, Lou Bureau, croupit toujours dans ses geôles). Aujourd’hui, c’est Ilham Aliyev qui se drape de lin blanc et de probité candide. Et demain, ce sera peut-être le sympathique Ramzan Kadyrov, président de la Tchétchénie, qui portera plainte contre une association homosexuelle accusée de répandre des horreurs sur son compte. C’est quand même inquiétant comme les dictateurs, depuis quelques années, ont pris de l’assurance vis-à-vis des démocraties, et jusqu’à leur en remontrer sur leurs principes. Heureusement qu’ici la liberté d’expression, qu’ils pourchassent maintenant hors de leurs frontières, a encore une réalité. Verdict du tribunal de Nanterre en novembre prochain.

 

Corée : nouvel essai nucléaire, en sous-sol, dimanche 3 septembre en Corée du nord. La déflagration de cette bombe à hydrogène – d’une puissance quinze fois supérieure à celle d’Hiroshima – a été ressenti en Chine et jusqu’en Russie. Kim Jong Un jubile. Qu’importe s’il passe pour un fou aux yeux des occidentaux ! Qu’importe si la communauté internationale – Chine comprise – est contre lui ou si le blocus économique va un peu plus affamer son peuple ! Lui, en bon dictateur, sait que son joujou atomique est encore sa meilleure assurance pour se cramponner au pouvoir. Une assurance sur la mort, bien sûr.

 

Macron : « Les propriétaires devraient baisser leurs loyers de cinq euros. ». Voilà le dernier vœu pieu de notre télégénique président. Je suppose que, certains jours, il doit croire à la performativité de sa parole (je parle donc je fais). Cinq euros, c’est exactement le montant de la baisse des APL voulue par son gouvernement. Ce serait une compensation parfaitement équilibrée  si nous  vivions dans une société vertueuse, où le sens du profit serait tempéré par la raison. Mais, malheureusement, les choses ne se passent pas comme ça en France. Et il faudra sans doute attendre une nouvelle loi pour que les propriétaires consentent à lâcher un peu de lest.

 

Wauquiez : Il s’est teint les cheveux en blanc pour faire plus mature. Il a vitupéré contre l’assistanat et les classes populaires accusées de ruiner la France, quitte à diviser dans son propre camp. Le plus droitiste des Républicains a néanmoins réussi à conquérir la Région Auvergne-Rhône-Alpes et, à 42 ans, il espère bien devenir le prochain président de son parti : « pour que la droite soit vraiment de droite et ne pas laisser le monopole de l’opposition à Mélenchon. ». Tous les espoirs lui sont permis car il n’y a pas de personnalité marquante face à lui. S’il est élu en décembre prochain, il pourra même proposer la vice-présidence, à Marion Maréchal Le Pen – puisqu’elle est en vacance de sa famille politique. Car, avec Wauquiez à leur tête, les Républicains n’auront plus rien pour les différencier du Front National.

 

Erik PANIZZA

01/09/2017

     Vous avez dit: réformes

                   

 

 

 Au cours de son périple en Europe de l’est, la semaine dernière, Emmanuel Macron s’est laissé aller à exprimer un jugement personnel sur le peuple qu’il préside pour cinq ans : « les Français n’aiment pas les réformes. ». Cette assertion a suscité presqu’autant de remous en France que ses remontrances sur le travail – sous-payé – des Polonais en Pologne. Elle a certainement un fond de vérité. Oui les Français, tout en attendant beaucoup de l’état, n’aiment  que rarement les réformes qu’il lui impose. Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « réformes ».

Longtemps, on s’en souvient, il a été associé au progressisme. Ainsi le PS se voulait un parti réformiste, par opposition avec son rejeton communiste, d’obédience révolutionnaire. Au grand chamboulement, violent et sanglant, il préférait négocier avec les forces du capital pour l’obtention de mesures propres à améliorer le vécu des classes populaires. Il était, en cela, l’allié consubstantiel des syndicats dont ce fut toujours l’objectif au sein du monde du travail. Cela a donné, en 1936, la semaine de quarante heures et les premiers congés payés, la retraite à soixante ans en 1981 et la semaine de 35 heures en 1997. Ces réformes-là étaient désirées par le plus grand nombre parce qu’elles allaient dans le sens d’une émancipation, certes relative, des individus.

Mais à présent le mot « réformes » a pris une toute autre tournure. Par une de ces dérives dont le langage est coutumier, il en est venu à signifier le contraire de son sens premier, à savoir la suppression planifiée des avantages acquis. La réforme du code du travail est significative de ce mouvement  avec, notamment, le plafonnement des indemnités prud’hômales et les accords d’entreprise primant sur les accords de branche. Valeur jusqu’ici de la gauche, les réformes – toujours au pluriel – sont entrées peu à peu dans le vocabulaire de la droite pour déterminer son action de déconstruction sociale, fut-elle présentée comme un mal nécessaire.

Force est hélas de constater que c’est aussi dans ce sens que monsieur Macron entend  le mot « réformes ». Dans ce cas, quoi de moins étonnant que les Français  y soient globalement réfractaires ? C’est que, malgré toutes les arguties dont on les abreuve, ils ne sont pas devenus masochistes au point d’aimer la main qui les fouette. Monsieur Macron devrait en tirer les conséquences logiques s’il espère voir un jour remonter sa cote de popularité.

 

Jacques LUCCHESI