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28/04/2017

    Un premier tour très attendu

           

 

  Ce ne fut pas un raz-de-marée vers les urnes mais quand même une très honnête participation, avec 77% de votants. Dimanche soir, vers 20 heures, la tension était à son comble devant les écrans de télé. Allions-nous avoir le scénario catastrophe d’un deuxième tour Fillon-Le Pen ? Eh bien non ! Le pire fut évité puisque ce fut le portrait d’Emmanuel Macron qui s’afficha à côté de celui de la présidente du FN. Il arrivait même en tête des suffrages exprimés avec 23,5%, contre 21,5% à sa concurrente immédiate (ces chiffres devaient, par la suite, légèrement évoluer). Derrière eux, on découvrait que Fillon et Mélenchon étaient ironiquement à égalité, avec 19,5% - même si, plus tard, Fillon devait atteindre la troisième marche. Bien formatés par les médias, les électeurs n’ont pas fait mentir les sondages qui, depuis plusieurs semaines, plaçaient en tête ces quatre-là. Néanmoins, la déception était sensible, tant dans le camp des Républicains, avec un candidat qui assumait pleinement sa défaite, que dans les rangs du Front de Gauche, puisque leur leader, contrairement à 2012, préférait ne donner aucune consigne de vote au second tour. Quant au PS, avec les petits 6,2% réalisés par Benoît Hamon, on se préparait d’ores et déjà à entrer dans une zone de turbulences. Bref : la révolution dans le paysage politique français était en marche…

Lors de son allocution devant les militants réunis dans son QG de campagne, porte de Versailles, Emmanuel Macron est apparu grave et confiant à la fois, déjà moulé dans son rôle présidentiel. Il est vrai qu’il bénéficie d’une dynamique exceptionnelle depuis un an, engrangeant des soutiens et des appels en sa faveur de tous côtés, ou presque, pour le second tour. Même si les sondages le donnent vainqueur à 62%, il aurait cependant tort de croire que cette élection est gagnée d’avance. Car il est loin de faire l’unanimité dans l’électorat populaire et l’alliance républicaine contre le Front National n’a plus la détermination qu’elle avait en 2002. Il va devoir plus que jamais aller à la rencontre des Français, face à une Marine Le Pen qui laboure depuis plus longtemps que lui le pré carré du patriotisme. Dans ce pays aux divisions de plus en plus accentuées, s’achemine t’on, après le Brexit anglais et l’élection de Donald Trump aux USA, vers un troisième grand moment populiste ? On ne peut pas complètement écarter cette inquiétante possibilité. Du reste, même si elle échoue devant les marches de l’Elysée au soir du 7 mai prochain, Marine Le Pen aura quand même remporté son pari : rendre son parti acceptable pour des millions de Français moyens.  

 

                           Jacques LUCCHESI

21/04/2017

De l'arithmétique électorale

 Qu’il était simple le temps où la vie politique française et ses échéances électorales se ramenaient à un affrontement droite-gauche ! Certes, de septennat en quinquennat, l’alternance espérée n’était pas toujours au rendez-vous. Mais, au moins, cette polarisation était claire pour les électeurs, même au risque de tomber dans la monotonie. Ce système bipartite, qui a prévalu depuis la création de la Cinquième République, n’est manifestement plus à l’ordre du jour. Ce n’est plus deux mais quatre propositions bien distinctes qui se précisent à l’orée du premier tour de ces présidentielles : l’extrême droite, la droite libérale, la gauche libérale et la gauche populiste. Quatre visions de la société française et de son devenir qui sont maintenant au coude à coude dans les sondages. Et si la prudence exige de  ne  pas prendre pour argent comptant les pourcentages affichés, force est quand même de constater que rien n’est vraiment joué. Ainsi, la perspective d’un duel Macron-Le Pen au second tour – le favori des pronostiqueurs de la vie publique –  est plus que jamais une hypothèse. Tout autant,  d’ailleurs,  que celui opposant Fillon à Le Pen. Et si au soir du 23 avril, c’était la combinaison Fillon-Mélenchon qui sortait ? Ou Mélenchon-Le Pen, ou Fillon-Macron ? Aucune de ces possibilités n’est à exclure désormais.

A vrai dire, le problème n’est pas là. Le vrai problème, au-delà des surprises du premier tour, c’est de savoir comment s’effectuera l’incontournable report des voix au second. C’est de savoir si le consensus républicain tant de fois agité sera observé par les électeurs qui verront chuter leur champion le 23 avril prochain. Car ce qui était à peu près acquis dans un schéma triangulaire (gauche-droite-extrême-droite) est devenu plus incertain dans le cadre quadripartite qui est celui de ces élections. Imagine-t’on les partisans de François Fillon donner mécaniquement leurs voix à Emmanuel Macron s’il affrontait Marine Le Pen le 7 mai ? Bien sûr que non ! Et encore moins si c’était Jean-Luc Mélenchon qui lui était opposé. Ou, à l’inverse, que les supporteurs du leader de la France Insoumise voteraient comme un seul homme pour l’ultra-libéral député sarthois s’il se colletait, au second tour, à la présidente du Front National ?

Que signifie tout cela au bout du compte ? Que le vainqueur de cette présidentielle risque fort d’avoir une légitimité électorale encore plus réduite que celle de ses récents prédécesseurs à l’Elysée. Il sera moins que jamais le président de tous les Français. Et, dans ces conditions, il lui sera difficile d’obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale pour gouverner sereinement, c'est-à-dire sans recourir à l’arbitraire républicain des ordonnances et du 49-3. N’en déplaise à Jacques Chirac, cette élection présidentielle ne sera pas celle d’une personnalité mais bien celle d’une arithmétique électorale.         

 

Jacques Lucchesi

14:34 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0)

14/04/2017

Le lion Mélenchon

                                        

 

 Il est peut-être celui qui aura fait le plus beau parcours de cette campagne présidentielle si surprenante, si âpre, si incertaine. Celui qui aura su exploiter à son compte les acquis de la modernité technologique, avec ses nombreuses vidéos sur You Tube et sa capacité à l’ubiquité grâce au procédé holographique. Car ce n’est pas un mince avantage que de pouvoir parler simultanément à plusieurs auditoires différents. Autant d’atouts qui ont fait, peu à peu, décoller sa cote de popularité dans les sondages : il voisine à présent les 20% d’intentions de vote, à égalité avec François Fillon et juste derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon va-t-il créer la surprise de ce premier tour? Bien malin celui qui pourrait l’affirmer avec certitude. Mais on comprend qu’il puisse inquiéter ses adversaires immédiats, au point qu’ils tirent tous sur lui à boulets rouges, bien sûr.

A Marseille, le dimanche 9 avril, il était bien là, en chair et en os, porté par l’enthousiasme d’un public chauffé à blanc, tant par le soleil printanier que par l’attente prolongée de son apparition sur le podium. Oui, les leaders politiques sont devenus les égaux des rock-stars en cette époque gangrénée par l’angoisse et la violence. Rarement, on aura vu le Vieux Port et les rues avoisinantes aussi saturés de gens (et de policiers, aussi). Combien étaient-ils ? On a avancé le chiffre de 70 000 personnes. Moi, en tous les cas, je n’avais plus rencontré  une telle concentration humaine depuis la Marcéleste en 1999, pour le 26eme centenaire de la fondation de Marseille. Un grand tribun, assurément, que celui qui s’est campé dans le rôle de porte-parole du peuple de gauche. Lyrique à souhait lorsqu’il parle de Marseille et de la Méditerranée, citant Homère et Paul Valéry. Sa voix est grave, profonde, chaude, bien posée. On sent que ce sexagénaire fringant et cultivé a décidé de mettre toute son énergie dans cette bataille présidentielle – qui sera peut-être la dernière pour lui. Qui dira, après l’avoir vu et entendu, que la politique est une sinécure ?

Le show est bien rodé et ses thèmes bien connus : la volonté d’une France plurielle, l’acceptation de l’immigration comme une chance nouvelle, la valorisation  de l’intelligence et de la créativité individuelles, la mise au pas de la finance et de ses serviteurs. Et ses diatribes contre le parasitisme de la classe politique recueillent toujours beaucoup de vivats. Pour autant  Mélenchon, en vrai faux modeste, refuse les applaudissements qui s’adressent à sa personne : car, dit-il, « ce n’est pas moi mais vous qui avez entre vos mains les moyens de votre émancipation.».

Il y a aussi la paix, son nouveau cheval de bataille, qu’il entend imposer dans les négociations internationales. L’intention est en soi louable ; reste à savoir par quels moyens on y parvient quand, de tous côtés, on affûte les poignards. La France a-t-elle les moyens d’assurer seule sa défense hors de l’OTAN, et – pour quoi pas ? - hors de l’Europe ? Et quid de la sécurité intérieure dans un contexte social où plane toujours la menace terroriste ?  On aimerait que Jean-Luc Mélenchon s’exprime plus souvent et plus clairement sur ces questions-là d’ici la fin de la campagne. Car elles entrent aussi dans les attentes des Français.   

 

Jacques LUCCHESI