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30/09/2016

La question harki

                          

 

 

Dans l’histoire tumultueuse des rapports entre la France et l’Algérie, la question des harkis demeure vive et ouverte. Elle montre que les lignes n’étaient pas inamovibles et que, si une majorité d’algériens souhaitait l’indépendance de leur pays, d’autres qui croyaient aux valeurs de la France firent le choix inverse et se retrouvèrent ainsi du côté des oppresseurs. Supplétifs aux forces militaires françaises entre 1957 et 1962, les harkis vécurent les Accords d’Evian comme une tragédie totale. Et si environ quarante deux mille, parmi eux, parvinrent à s’embarquer pour la France avec les pieds-noirs et les juifs rapatriés, beaucoup d’autres furent abandonnés par les autorités françaises à la vindicte des algériens qui les tenaient pour des traitres. Combien de harkis furent ainsi massacrés ? Peut-être cent mille, malgré l’obligation faite au gouvernement algérien de les protéger. Les représailles accompagnent toujours les grands changements politiques au sein d’une nation ; ils accroissent aussi les divisions et les haines durables entre ses enfants.

A l’heure où d’autres tensions affectent la communauté musulmane française, où de jeunes français issus de l’immigration algérienne rejettent les lois de la république, François Hollande a choisi, dimanche dernier, de saluer ces algériens qui avaient fait le choix de la France jusqu’à la déchirure et l’exil. La France les a pourtant trahis, ne leur offrant sur son territoire qu’une existence misérable dans des camps de transit et des hameaux forestiers. Son discours fait écho à celui du 19 mars dernier qui commémorait les Accords d’Evian et entérinait le caractère colonialiste de la guerre d’Algérie. Néanmoins, le chef de l’état n’innove pas sur ce point, car Chirac - en 2001- et Sarkozy  - en 2012 - avaient fait, eux aussi, acte de repentance vis-à-vis des harkis. On peut, dès lors, se demander pourquoi il a choisi, à ce moment précis, de remettre ce sujet à l’ordre du jour. La réponse est peut-être dans le nombre – 500 000 à 800 000 personnes – des enfants de harkis qui vivent aujourd’hui en France. Une belle réserve de voix en perspective qu’un président sur la sellette aurait tort de négliger en cette période pré-électorale.

 

               Jacques LUCCHESI

23/09/2016

Sarkozy le gaulois

                          

 

 

 Si la science se reconnaît à son sens de la complexité et à son exigence de vérification, la politique, en revanche, pêche souvent par son art de la simplification extrême. Certes, il s’agit d’être audible par tous, quitte à faire tenir une vision de la société dans un slogan. A ce jeu-là, Nicolas Sarkozy est sans doute le champion. Rien ne l’arrête quand il est en campagne et surtout pas ses propres contradictions. Voici quelques semaines, il suggérait que c’était le droit qui devait s’adapter à la société et pas le contraire. Ce n’est pas faux au regard du droit positif ; ce n’est pas vrai, non plus, sous l’angle des principes constitutionnels de notre république. Mardi dernier, à Franconville – la bien nommée -, il a pris la posture du grand prêtre de l’Histoire pour justifier la nécessité de l’assimilation. Selon lui, quand on a choisi d’être Français, on doit abandonner ses référents ethniques et se déclarer descendant des Gaulois – pas besoin de préciser pour qui il parle. A l’entendre on se croirait revenu cent vingt ans en arrière, au bon vieux temps de la troisième République. Lavisse n’eût pas rêvé meilleur ambassadeur pour la postérité de ses lieux communs. Evidemment, personne n’est dupe du caractère conventionnel de son affirmation. Mais c’est dire, en filigrane, que le mythe doit prévaloir sur la réalité empirique. A sa façon, Sarkozy oppose l’intégrisme républicain à l’intégrisme islamique. Mais de cette confrontation mimétique – René Girard nous l’a appris- ne peut sortir que la guerre.

Alain Juppé, son principal concurrent dans la prochaine primaire à droite, a lui aussi une conception, certes plus souple et plus moderne, de l’Histoire. Selon lui la France est une nation composite, faite de groupes ayant des origines et des cultures diverses. Mais, dans cette mosaïque,  ils partagent tous le fait de vivre sur le même territoire, par là d’être Français. Ce plus petit commun dénominateur, Juppé l’appelle – on ne voit pas très bien pourquoi -  « l’identité heureuse ». Car être français ne constitue pas un passeport universel pour le bonheur. Il y a, dans ce pays, suffisamment d’inégalités et de discriminations pour ne pas y vivre en toute quiétude. Ce n’est pas, en tous les cas, le caractère ultra libéral de son programme qui risque d’améliorer cet état de choses. Oui, les formules des politiques, pour synthétiques qu’elles soient, ont bien peu de chances de résister au choc  - inévitable -  avec la réalité. Elles ne peuvent convaincre que ceux qui sont déjà convaincus. Tout cela est bien faible pour faire tenir ensemble tant de différences.

                                      

                            Jacques LUCCHESI  

15/09/2016

De la santé des politiques

         

 

 

 S’il est une activité qui exige de la santé, c’est bien la politique, surtout à son plus haut niveau. Tellement de charges et d’obligations pèsent sur celui – ou celle – qui exerce le pouvoir suprême. Et même si des armées de conseillers et de secrétaires sont là pour le soulager des tâches procédurales, il ne peut se soustraire à la représentation publique et aux décisions relevant de sa seule responsabilité. Oui, il faut beaucoup de lucidité – et donc de santé – pour cela. Or, sans d’ailleurs remonter très loin dans l’Histoire, on constate que les gouvernants des grandes nations ont rarement joui d’une santé parfaite. Ainsi Roosevelt était, à la fin de sa vie, devenu paralytique. Des douleurs dorsales chroniques accablaient Kennedy, l’obligeant à prendre quotidiennement de la cortisone. Quant à Boris Eltsine, premier président de la Russie post-soviétique, c’était un alcoolique invétéré qui souffrait de problèmes cardiaques, ce qui rendit pathétique la fin de sa gouvernance. En France, on se souvient, bien sûr, de Georges Pompidou et du cancer qui devait l’emporter avant la fin de son mandat. Plus chanceux ou plus habile, François Mitterrand parvint à cacher le sien pendant douze ans aux Français, ce qui créa une durable polémique : devait-il mentir sur son état de santé pour se maintenir au pouvoir ? Car, dans ce domaine aussi, les dirigeants d’une nation démocratique doivent rendre des comptes au peuple.

A présent, comme on l’a vu dimanche dernier, c’est Hillary Clinton qui est attaqué par Donald Trump sur sa prétendue santé défaillante. Selon lui, elle n’aurait pas les capacités physiques pour assumer les responsabilités qu’elle brigue. On sourit devant la bassesse de ces attaques politiciennes – d’autant qu’elles viennent d’un adversaire qui a un an de plus qu’elle. Certes, à New-York, un peu après les commémorations du 11 septembre, Hillary Clinton a fait un léger malaise et on l’a vue chanceler avant d’entrer dans sa voiture. Elle a rapidement riposté en disant publiquement qu’elle souffrait d’une pneumonie – ce qui n’est pas une affection incurable. Vérité ou mensonge ? Nous ne pouvons pas, à l’heure actuelle, trancher avec certitude. C’est pourtant là le nœud du problème. Car la santé des politiques implique des enjeux qui s’accommodent fort bien de la dissimulation. Mais elle ne peut malgré tout primer sur un programme cohérent.      

 

                     Jacques LUCCHESI