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30/10/2015

La viande à l’index

              

 Nous nous en doutions depuis longtemps mais cette fois, c’est un collège d’experts de l’OMS qui le confirme : la charcuterie et, dans une moindre mesure, la viande rouge  seraient potentiellement cancérogènes pour l’être humain. La nouvelle, tombée lundi 26 octobre, a fait l’effet d’une bombe, tant chez les consommateurs lambda que chez les professionnels de l’élevage et de la boucherie. Ceux-ci, qui ont supporté plusieurs scandales sanitaires ces récentes années, voient rouge devant ce rapport qui les accable. Ils  craignent évidemment une nouvelle baisse de la consommation carnée (en France, elle a reculé de 4% en dix ans), donc une chute conséquente de leurs revenus. D’où, déjà, des contre-avis émanant de scientifiques et de médecins pour relativiser le danger. Si la charcuterie ne trouve guère d’avocats pour la défendre, la viande rouge, en revanche, fait l’objet d’un jugement plus clément. Car elle apporte, selon eux, des nutriments essentiels (comme le fer et le zinc) qui seraient difficilement compensables dans des régimes végétariens, voire végétaliens (aucune substance d’origine animale). Et puis le cancer n’est-il pas  une maladie multi-factorielle ? Tout reviendrait, finalement, à une affaire de dosage et de modération. La leçon vaut pour d’autres pratiques consuméristes et nous la faisons volontiers nôtre.

En réalité, c’est autre chose qui est en jeu avec cette nouvelle mise à l’index. Quelque chose qui met en cause des habitudes anciennes et qui ne cesse de nous tarauder de différentes manières, en différents secteurs de notre vie: le changement. Un changement volontaire, pour préciser les choses, dicté par le principe de nécessité. S’il en va de notre santé, sinon de notre survie,  pourquoi est-ce si difficile,  pour les êtres supposés rationnels que nous sommes, de ne plus manger de charcuterie, mais aussi de ne plus fumer, de ne plus boire d’alcool et de boissons sucrées ou de respecter les limitations de vitesse au volant ? Parce que tout cela relève du plaisir et que la vie, pour une majorité d’entre nous, est intimement associée à cette notion - d’où découle, chaque jour, son lot de petites satisfactions. Est bon ce qui nous fait immédiatement du bien, sans envisager les risques avérés à plus long terme. Depuis longtemps nous avons été conditionnés pour jouir de et dans l’instant et toute restriction nous semble, dès lors, mortifère. Et ce ne sont pas, dans cette société, tous les commerces, toutes les industries, qui ne prospèrent que par les faiblesses humaines qui sont prêts à faire leur mea-culpa vis-à-vis de cette attitude qu’ils ont largement contribué à créer.

Ce conflit risque de durer longtemps, tellement les enjeux sont énormes. Nous aurions tort, cependant, de ne pas prendre au sérieux ce nouveau type de prescriptions. Pour adapter nos comportements à de nouvelles normes, comme nous avons tous su le faire en d’autres circonstances, à différents moments de notre vie.

 

                             Jacques Lucchesi      

16/10/2015

Bruissements (53)

     

 

 

Air-France : ces images ont fait le tour du monde : deux directeurs d’Air-France assaillis par des grévistes et des syndicalistes, contraints à escalader des grilles de sécurité en abandonnant leur chemise.  La quasi-totalité de la classe politique française – les socialistes en tête – a parlé de violences inacceptables. Mais personne, ou presque, parmi eux n’a évoqué la violence psychologique qu’exercent, à longueur de plans sociaux, les DRH sur les employés. A Air-France, ce sont 2900 emplois qui sont menacés d’ici quelques années. 2900 chômeurs potentiels dont la seule faute est de trop coûter à une entreprise qui fait quand même des bénéfices. Voilà une violence moins spectaculaire mais autrement plus pernicieuse pour notre société. Dans cette affaire, le comble aura été sans doute, une semaine plus tard, l’arrestation au petit matin de quatre des employés exaspérés (depuis mis à pied par leur employeur). Une façon de dire que la marge est désormais très mince entre la protestation sociale et la délinquance. 

 

Morano : une nouvelle fois, la langue de Nadine Morano a trahi sa pensée. En déclarant que « La France est un pays de race blanche », elle s’est attiré les foudres de tous ceux qui, pour une raison ou un autre, adhèrent au politiquement correct. Un pays de race blanche, la France ? Sans doute à l’origine. Mais à présent, après la révolution française, la priorité du droit du sol sur le droit du sang, le post-colonialisme et l’accélération du phénomène migratoire, elle pourrait bien avoir pris un peu de couleur. Dans ces conditions, il est difficile de se cramponner à une idée nationale excluant tout métissage. Les instances de son parti – les Républicains – ont donc décidé de l’exclure. Pas de régionales pour elle en décembre prochain. D’où la colère de la blonde lorraine contre celui qui fut son mentor. Au fait, n’était-ce pas Nicolas Sarkozy qui défendait, en 2007, l’idée de l’Europe, fer de lance de la chrétienté. Finalement, c’est blanc bonnet et bonnet blanc.

 

Spots : un père éploré qui parle au passé de sa fille partie faire le djihad en Syrie ; une mère brutalement confrontée à la mort de son fils djihadiste par un émissaire islamiste. Ce sont deux approches, parmi d’autres, des spots gouvernementaux anti-djihad que l’on peut voir actuellement à la télé. Ils s’inscrivent en négatif de la propagande faite par Daesh et ses sbires sur Internet : car il faut bien continuer à draguer de jeunes écervelés pour son projet de guerre totale. Ces spots jouent, eux aussi, sur la corde sensible, mais pour essayer de retenir les adolescents près de leurs parents. Car la guerre n’est pas un jeu vidéo et dans celle qui se déroule  en Syrie, il n’y a pas de place pour les amateurs, quelle que soit leur religion. Une bonne initiative qui, néanmoins, arrive un peu tard sur nos écrans.   

 

Turquie : 97 morts et plusieurs centaines de blessés : c’est le terrible bilan de l’attentat du 10 octobre à Ankara, deux kamikazes s’étant fait sauter dans une foule de manifestants pacifiques. Si la filière kurde a été écartée (car trop invraisemblable), la piste de Daesh a les faveurs du pouvoir. Mais beaucoup, parmi les opposants au régime Erdogan, pensent qu’il ne serait pas tout à fait étranger à l’affaire, surtout à l’approche des législatives. Naturellement, le gouvernement a restreint un peu plus les libertés civiles, tout en proclamant trois jours de deuil national. On imagine quel séisme politique aurait entrainé en France un attentat d’une telle ampleur.

 

Stone : on a cru, un moment, à une vengeance terroriste, mais il s’agissait, en fait, d’une de ces rixes tragiquement banales qui ensanglantent la vie nocturne ici ou ailleurs. En l’occurrence, c’est à Sacramento (Californie) que Spencer Stone a encore fait montre d’un courage exemplaire en se portant seul au secours d’une jeune femme agressée par une bande de voyous. Moins de deux mois après son geste héroïque dans le Thalys Amsterdam-Paris, il retourne donc à l’hôpital en urgence, ayant encore reçu plusieurs coups de couteau. Voilà une année que le jeune américain n’est pas près d’oublier. Nous non plus, nous ne l’oublions pas. Car si un homme doit être distingué héros de 2015, c’est bien lui.

 

 

                   Erik PANIZZA

13/10/2015

Les Filles du Soleil

 

Le courage, la détermination et la flamboyante témérité se doivent d’être salués en cette époque de palinodie et autre reniement à ses propres engagements… Ainsi, on apprend qu’au Kurdistan une brigade de jeunes combattantes s’est décidée à prendre les armes contre Daech pour l’éradiquer. Les Sun Girls, tel est leur nom, sont des jeunes femmes de dix-sept à trente ans formées par la chanteuse yazidie Xate Shingali. Outre le courage qui caractérise cette brigade de combattantes, il faut soulignerle fait qu’elle est essentiellement féminine, et donc loin d’être anecdotique. Selon une croyance yazidie, les soldats de l’état islamique auraient peur d’être tués par une femme pour la bonne raison qu’ils ne pourraient rencontrer les soixante-douze vierges qui les attendent au paradis ! Quoique cette croyance soit pour le moins absurde, on peut rêver qu’ils détalent à la vue des combattantes. "Nous n’avons eu qu’une formation de base avec des AK47. Nous avons besoin d’être mieux formées, mais nous sommes prêtes à combattre Daech à tout moment ! Ils nous violent : on les tue," a déclaré Xate Shingalidans le Daily Mail.Toutes ces jeunes femmes sont bien sûr conscientes des risques encourus. En cas de capture, elles pourraient être tuées dans de sinistres conditions qu’on imagine facilement mais aussi vendues comme esclaves sexuelles. Pourtant, cela n’entache pas leur enthousiasme. La plus jeune recrue, âgée de dix-sept ans, a confié aux journalistes anglais sa joie d’avoir rejoint les rangs des Sun Girls et être heureuse de « combattre aux côtés des Peshmergas. » Son généreux engagement ne peut pourtant manquer d’inquiéter. Pourtant, quel autre réponse apporter aux fous de l’état islamique, sinon prendre les armes pour arrêter leur avancée?

 

             Yves CARCHON