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09/10/2015

La colère d’Obama

                         

 

  Il est apparu à la télévision le visage grave, les traits tirés, comme prématurément vieilli. Exaspéré par ce nouveau meurtre de masse, dans l’Oregon, qui a endeuillé les USA le 1er octobre. Ulcéré par la mauvaise volonté du Congrès à s’emparer pleinement de ce problème récurrent des armes à feu. Fatigué que la première démocratie du monde laisse ses enfants se massacrer entre eux à un rythme de plus en plus effréné. Car si on peut comprendre – sans les excuser – les stratégies meurtrières du terrorisme ou de la guerre des gangs (voire les « bavures » policières), on reste abasourdi devant ces épisodes démentiels dans lesquels des individus jusque là paisibles ouvrent soudain le feu sur d’autres Américains dans une école, une église ou un cinéma. Comme pour la plupart de ses devanciers, les motifs du tueur de Roseburg étaient parfaitement nébuleux. Les défenseurs de la libre détention des armes à feu peuvent dire que ce ne sont pas les armes qui tuent mais les hommes ; il n’empêche que si elles ne circulaient pas aussi massivement dans ce pays, il n’y aurait pas ce genre de tueries – du moins pas aussi souvent. Longtemps président de la puissante NRA (National Rifle Association), l’acteur Charlton Heston, à la fin de sa vie, défendait encore, face à la caméra de Michael Moore, le droit à posséder une arme. Selon lui, l’Amérique était un pays violent et cet état d’esprit, hérité des pionniers, justifiait toujours le fameux deuxième amendement de sa constitution. Mais il est facile de comprendre que cette violence se nourrit de la permissivité vis-à-vis des armes ; qu’elles sont d’autre part utilisées bien plus souvent pour l’agression que pour la défense. Le marché est évidemment impliqué au plus haut point dans cette situation, lui qui en tire des bénéfices colossaux. Pas un village aux USA qui n’ait son armurerie. On peut y acheter sans permis des armes de tous calibres, y compris des armes spécialement conçues pour les femmes et les enfants. En la matière le nec plus ultra est sans doute ce fusil d’assaut avec un revêtement en plastique, si léger qu’un écolier peut le porter en bandoulière. Mais il tire les mêmes balles mortelles que son cousin en acier. Au total ce sont 250 millions d’armes qui sont détenues par les foyers américains. Et qui font chaque année 34 000 morts.

Le combat de Barack  Obama contre le deuxième amendement est plus que jamais justifié. Une bonne partie de l’opinion américaine y est favorable malgré l’opposition tenace du lobby des armes. Si le président américain parvenait à le faire modifier, il tiendrait sans doute la plus belle victoire de sa double mandature. Mais, à l’évidence, ce sera encore plus difficile pour lui que l’instauration de l’assurance maladie obligatoire.

 

 

                          Jacques LUCCHESI 

10:35 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : obama, tuerie, oregon, armes

02/10/2015

Les droits de l’homme à la mode saoudienne

              

 

 Premier état du Moyen-Orient, tant par sa superficie (2 millions de kms2) que par son économie (1607 milliards de $ de PIB annuel), l’Arabie Saoudite affiche orgueilleusement sa réussite aux yeux des autres nations. Son opulence, elle la doit principalement au pétrole et à ses minéraux qui représentent près de 90% de ses exportations. Et malgré la chute du cours du baril depuis deux ans, ses dirigeants n’ont pas encore trop de souci à se faire. Politiquement liée aux USA depuis 1945, elle est courtisée par de nombreux pays occidentaux – dont la France -  qui savent quel Eldorado représente, pour leurs entreprises, ce pays demandeur d’une technologie de pointe. Sur le versus intérieur, c’est nettement moins réjouissant et moins moderne. Monarchie absolutiste gouvernée depuis 1932 par une famille – les Seoud -, sa constitution est basée sur un Islam rigoureux et son système juridique sur la Charia. En matière de moeurs, elle pratique une stricte séparation entre les hommes et les femmes et persécute les minorités sexuelles. Toute opposition politique est impitoyablement réprimée et la peine de mort y est appliquée avec une régularité qui ne faiblit pas (80 exécutions depuis janvier 2015). Concrètement, elle est la parfaite illustration d’un pays qui plébiscite les acquis occidentaux tout en se situant aux antipodes de ses valeurs morales. Si l’on ajoute à ce tableau la présence sur son territoire de deux des trois lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine), on comprend son ambition d’exercer le leadership dans le monde arabe. Maintes fois critiquée par les occidentaux pour son attitude ambigüe vis-à-vis du terrorisme islamiste, l’Arabie Saoudite  peut faire tranquillement la sourde oreille. Car en ce monde, hélas, l’éthique n’est pas près de l’emporter sur la raison économique. Avec le régime saoudien, plus que jamais, charbonnier est maitre chez soi.

Par une ironie dont l’histoire du monde est familière, c’est un dignitaire de ce pays là, Faisal Bin Hassan Trad,  qui a été nommé, le 22 septembre, à la tête du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU. On imagine quelles lumières il pourra apporter à cette vénérable institution. Cette nomination pour le moins oxymorique survient au moment même où un jeune homme de 21 ans, Ali Mohammed Al-Nimr, attend son exécution dans une geôle saoudienne. Son crime : avoir participé, voici quatre ans, à une marche protestataire ; et sans doute, aussi, être chiite dans un pays majoritairement sunnite. Cette sanction disproportionnée scandalise le monde « libre » et une pétition demandant sa grâce auprès des autorités de Riyad circule actuellement sur le Net. Nous ne pouvons, bien sûr, qu’appeler à la signer massivement ; tout en mesurant bien que nos dirigeants ont des préoccupations plus urgentes en cet automne, surtout au Moyen Orient.

 

 

                        Bruno DA CAPO