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27/12/2013

Itinéraire d’un syndicaliste gâté

 

              

 

 

 Son nom sonne comme une marque d’appareils électro-ménagers. C’est pourtant dans les aciéries qu’il a fait la première partie de sa carrière. Assurément Edouard Martin, 50 ans,  a une gueule – et même une belle gueule. C’est aussi un fort en gueule, comme il l’a prouvé maintes fois devant les caméras de télévision (qui aiment bien son image). La combinaison de ces deux caractéristiques lui a valu de devenir le porte-parole officiel des métallos de Florange, subsumant sous son syndicat – la CFDT – la voix de tous les autres. Au fil des ans, on l’a vu sur (presque) tous les plateaux de télé, répétant son sempiternel discours de protestation, tellement prévisible qu’il en devenait agaçant. Oui, ce type-là en voulait, on le sentait bien. Et plus d’un a parié qu’il ne resterait pas toute sa vie métallo. En tant que prolongement – ou perversion – de l’activité syndicaliste, la politique devait forcément le tenter, surtout sur son aile gauche. Mais nul ne pensait alors qu’il cèderait si vite aux sirènes du PS,  lui qui l’avait pourtant vertement critiqué lors de la liquidation des hauts fourneaux de Florange. C’est donc sous les couleurs du parti présidentiel qu’Edouard Martin va, dans quelques mois, faire ses premières armes face aux électeurs français.  Pas pour briguer un poste de conseiller municipal mais directement dans la cour des grands, en tant que tête de liste pour la députation européenne. Dans sa circonscription du Grand Est, il aura face à lui deux poids lourds de l’opposition, l’UMP Nadine Morano et le FN Florian Philippot. Gageons qu’avec de tels adversaires, sa candidature risque de nous valoir quelques réparties bien vachardes, voire de franches engueulades. Peu importe, au demeurant. Car ce qui nous interroge présentement, c’est ce cheminement, de plus en plus fréquent, des représentants de la société civile vers la politique. C’est aussi le problème de la notoriété acquise çà et là et de ses répercussions dans cette société ; l’un de ses privilèges – ou de ses injustices – étant de permettre aux heureux élus de brûler allègrement les étapes dans la course au pouvoir. Oui, la lutte des classes a cédé le pas à la lutte des places et Edouard Martin en est le meilleur exemple en date. Son destin politique, c’est à la télévision qu’il le doit. Confirmera-t’il l’essai ? Saura-t’il convaincre les électeurs avec des idées rapportées et réchauffées pour la circonstance ? L’avenir nous le dira assez vite. Quoiqu’il en soit, il va lui falloir faire rapidement ses preuves. Car la politique n’est pas seulement qu’une affaire d’image.

 

 

                        Bruno DA CAPO

17:17 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cfdt, florange, ps, grand est

23/12/2013

Lettre au Père Noël

 


En ces temps de crise je sais, Père Noël, qu’on ne peut te demander la lune. Je serai donc raisonnable pour une fois et ne m’en tiendrai qu’à de très simples doléances. Sur le plan intérieur, je pourrais ainsi te demander plus de sérénité dans la gestion des affaires de l’Etat, plus de rigueur aussi, moins de cafouillages en somme... Du boulot bien sûr, mais es-tu toi-même capable d’en donner ? Moins de misère, des logements pour les SDF, du pain pour les démunis qui ne vont même plus aux Restos du Cœur... Je souhaiterais aussi que le parti dit socialiste porte un avenir et un réel projet, comme il put le faire en d’autres temps... Que tu fasses en sorte, cher Père Noël, que l’opposition soit constructive comme son rôle l’exige... Je devine que rien n’est simple pour toi et qu’il te faudra bien du temps pour réconcilier Copé, Fillon et tous les autres...Ta hotte ne sera pas assez grande, je le présume, pour tenter de raisonner Marine. Je sais bien que Mélenchon s’entichera de ta robe rouge et qu’il s’emploiera à redistribuer tous tes cadeaux...Ne lui tiens pas trop rigueur : il voudrait que le monde change ! Pour le devenir du monde, je pourrais te demander moins de violences, moins de guerres, moins de carnages mais je sais déjà que ton traîneau n’arrêtera pas toutes ces folies... De même que je subodore que tes rennes ont de grandes chances d’être asphyxiés par les émanations de CO2 et de terminer en steaks de cheval... Je pourrais te dire qu’en sauvant les enfants martyrs, tu donnerais à mon Noël un goût moins amer comme d’aider nos vieux, nos malades à pouvoir mourir dans la dignité... Mais je crois savoir que tu as toi-même des soucis. Ainsi, quand tu ôteras ta tenue de Père Noël, tu sais que ton CDD s’arrêtera, qu’après le Pôle Nord tu devras pointer à Pole Emploi. Que rien ne sera facile pour toi, qu’on ne te fera aucun cadeau. Tu devras partir en quête du manger-boire-dormir dans l’attente d’un stage-parking, d’un petit boulot ou d’allocations chômage qui tardent à venir... Dans un an, jour pour jour, tu sais qu’une grande surface aura besoin de toi pour conditionner nos chers bambins à consommer ! Je t’embrasse, cher Père Noël. Cette année, pas de cadeaux : j’ai horreur qu’on m’embobine !

                         

                                Yves CARCHON

18/12/2013

Bruissements (29)

 


 

Mandela : de mémoire d’homme, on n’avait encore jamais assisté à un tel hommage funéraire. Même Gandhi – qui fut, lui, assassiné en 1948 – n’avait pas bénéficié d’une telle grand messe planétaire. Mardi 10 décembre, dans le stade national de Soweto plein à craquer, pas moins de 80 chefs d’état étaient présents pour commémorer la mémoire de Nelson Mandela, dont François Hollande et Nicolas Sarkozy réunis, ou presque, pour la circonstance. Que Mandela puisse fédérer à ce point n’est pas sans poser des questions. Si le combat qu’il mena contre l’Apartheid fut juste, assurément, il  reste celui d’une majorité d’opprimés contre une minorité oppressive, c'est-à-dire  une approche totalement partisane dans un pays particulier : l’Afrique du Sud. Quant aux méthodes qu’employa son parti, l’ANC, pour se hisser au pouvoir, elles demeurent plus que contestables, surtout vis-à-vis de militants noirs appartenant à d’autres formations politiques. Finalement, la vraie grandeur de Mandela sera sans doute d’avoir refusé la vengeance contre les blancs lorsqu’il fut élu président en 1994, essayant ainsi d’établir une coexistence pacifique entre ethnies que tout opposait. A l’heure actuelle, nombreux sont les régimes, en Afrique et au Moyen-Orient, qui gagneraient à s’inspirer de son exemple. Oui, à Soweto, mardi dernier, il fallait « en être », afin de prouver son attachement aux valeurs démocratiques- lesquelles n’empêchent en rien l’exploitation des peuples. Et continuer le travail de repentance qui caractérise, depuis quelques décennies, l’attitude du monde occidental vis-à-vis des anciens pays colonisés.

 

Centrafrique : Et c’est reparti dans l’ancien fief de Bokassa. Après l’intervention au Mali, en janvier dernier,  les troupes françaises vont maintenant faire la police du côté de Bangui. Mission délicate – pour ne pas dire impossible – que celle qui consiste à désarmer les factions rivales, chrétiennes et musulmanes, qui s’entre-massacrent depuis plusieurs semaines. Surtout quand c’est l’une de ces milices - la Seleka - qui assure la protection du président centrafricain, comme on l’a vu dimanche dernier, lors de la visite éclair de François Hollande. A peine de retour à Paris c’est une cérémonie aux deux (premiers) soldats tués qui l’attendait. Décolonisés mais pas trop, les Centrafricains… Car comme d’autres jeunes républiques africaines, la Centrafrique manque cruellement de structures étatiques ; situation qui fait la part belle à tous les combattants de l’ombre qui ambitionnent d’exercer un pouvoir sans limite sur les populations. D’où l’appel au secours au grand frère français qui est rappelé, contraint et forcé, dans son ancien pré carré. Du reste, ça commence à devenir une vieille habitude : rappelons que depuis les années 60, l’armée française est intervenue une quarantaine de fois dans cette région du monde. De  l’Afrique, on peut dire qu’elle est l’épreuve du feu obligée pour tout engagé qui veut faire carrière.

Sarkozy : Une fatalité. Voilà comment Nicolas Sarkozy a présenté à la presse française la perspective de son retour en politique et de sa candidature en 2017. Une fatalité ou une plaisanterie ? Devant l’état actuel de la France, « il ne pouvait pas ne pas revenir ». On appréciera la phrase doublement négative et le dévouement affiché pour justifier son insatiable appétit de pouvoir. D’autres avant lui –  dont  un certain Philippe Pétain – nous ont déjà fait le coup du sacrifice personnel ; et il n’est pas du tout certain que les Français se laissent attraper, une nouvelle fois, à ses boniments.

 

Pollution : pendant ce temps, la France connaît un nouveau pic de pollution aux particules fines. En cause le redoux et les conditions anticycloniques au dessus de nôtre territoire. Un coup d’œil sur le ciel de Paris – mais ce n’était pas mieux à Marseille – suffisait, la semaine dernière, à s’épouvanter devant l’ampleur du phénomène. Voilà l’air que les citadins respirent dans nos rues engorgées d’automobiles. Et que fait le gouvernement Ayrault pour enrayer cette lente asphyxie ? Rien. Rien de suivi, en tous les cas. A la trappe le projet de taxation majorée du diesel ! A la trappe l’écotaxe devant la colère des routiers ! Un pas en avant, un pas en arrière. Avec Hollande et sa bande, les meilleures intentions finissent toujours au fond des tiroirs. Faut-il lui rappeler que la pollution aux particules fines est responsable de 42 000 décès prématurés en France ?

 

Bitcoin : connaissez-vous le bitcoin ? C’est une monnaie numérique achetable sur le Net en vue de contourner l’hégémonie bancaire. Avec elle plus d’intermédiaire. Chacun devient son propre courtier pour spéculer ou simplement acheter en ligne. La mésaventure survenue récemment à un jeune Anglais (qui a jeté son disque dur avec 7500 bitcoins engrangés, soit l’équivalent de 7,5 millions de dollars) illustre le caractère volatile et aléatoire de cette nouvelle unité monétaire. Avec elle, les investisseurs peuvent gagner gros si elle progresse. Mais ils peuvent aussi tout perdre si elle s’effondre, et aucune banque, aucun état, ne se portera garant de leur mise. Le bitcoin, c’est le règne absolu du libre-échange. Une alternative qui en dit long sur le progressif effritement de nos institutions.

 

SMIC: eux n’achèteront certainement pas des bitcoins. Eux, c'est-à-dire les trois millions de Français dont le salaire est aligné sur le SMIC. Comme chaque année, en décembre, il a été revalorisé, mais de la façon la plus chiche qui soit : 1,1%. Autrement dit, le SMIC horaire va passer de 9,43 à 9,53 euros. Sur la base de 35 heures hebdomadaires, cela ajoutera 12 euros aux 1113 euros nets que perçoit mensuellement cette catégorie de salariés. Pas de quoi acheter des truffes à Noël. Quand on sait l’envolée des prix et le coût actuel de la vie, on aurait presque envie d’en rire si ce n’était aussi affligeant. Non, ce n’est pas avec des hausses de salaires aussi dérisoires que le gouvernement Ayrault relancera la consommation et la croissance. Car le grand problème, le principal problème en France, ce sont les salaires planchers trop bas. Et les socialistes, maintenant aux affaires,  ne s’en préoccupent pas davantage que la Droite avant eux.

 

 

                     Erik PANIZZA