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18/12/2013

Bruissements (29)

 


 

Mandela : de mémoire d’homme, on n’avait encore jamais assisté à un tel hommage funéraire. Même Gandhi – qui fut, lui, assassiné en 1948 – n’avait pas bénéficié d’une telle grand messe planétaire. Mardi 10 décembre, dans le stade national de Soweto plein à craquer, pas moins de 80 chefs d’état étaient présents pour commémorer la mémoire de Nelson Mandela, dont François Hollande et Nicolas Sarkozy réunis, ou presque, pour la circonstance. Que Mandela puisse fédérer à ce point n’est pas sans poser des questions. Si le combat qu’il mena contre l’Apartheid fut juste, assurément, il  reste celui d’une majorité d’opprimés contre une minorité oppressive, c'est-à-dire  une approche totalement partisane dans un pays particulier : l’Afrique du Sud. Quant aux méthodes qu’employa son parti, l’ANC, pour se hisser au pouvoir, elles demeurent plus que contestables, surtout vis-à-vis de militants noirs appartenant à d’autres formations politiques. Finalement, la vraie grandeur de Mandela sera sans doute d’avoir refusé la vengeance contre les blancs lorsqu’il fut élu président en 1994, essayant ainsi d’établir une coexistence pacifique entre ethnies que tout opposait. A l’heure actuelle, nombreux sont les régimes, en Afrique et au Moyen-Orient, qui gagneraient à s’inspirer de son exemple. Oui, à Soweto, mardi dernier, il fallait « en être », afin de prouver son attachement aux valeurs démocratiques- lesquelles n’empêchent en rien l’exploitation des peuples. Et continuer le travail de repentance qui caractérise, depuis quelques décennies, l’attitude du monde occidental vis-à-vis des anciens pays colonisés.

 

Centrafrique : Et c’est reparti dans l’ancien fief de Bokassa. Après l’intervention au Mali, en janvier dernier,  les troupes françaises vont maintenant faire la police du côté de Bangui. Mission délicate – pour ne pas dire impossible – que celle qui consiste à désarmer les factions rivales, chrétiennes et musulmanes, qui s’entre-massacrent depuis plusieurs semaines. Surtout quand c’est l’une de ces milices - la Seleka - qui assure la protection du président centrafricain, comme on l’a vu dimanche dernier, lors de la visite éclair de François Hollande. A peine de retour à Paris c’est une cérémonie aux deux (premiers) soldats tués qui l’attendait. Décolonisés mais pas trop, les Centrafricains… Car comme d’autres jeunes républiques africaines, la Centrafrique manque cruellement de structures étatiques ; situation qui fait la part belle à tous les combattants de l’ombre qui ambitionnent d’exercer un pouvoir sans limite sur les populations. D’où l’appel au secours au grand frère français qui est rappelé, contraint et forcé, dans son ancien pré carré. Du reste, ça commence à devenir une vieille habitude : rappelons que depuis les années 60, l’armée française est intervenue une quarantaine de fois dans cette région du monde. De  l’Afrique, on peut dire qu’elle est l’épreuve du feu obligée pour tout engagé qui veut faire carrière.

Sarkozy : Une fatalité. Voilà comment Nicolas Sarkozy a présenté à la presse française la perspective de son retour en politique et de sa candidature en 2017. Une fatalité ou une plaisanterie ? Devant l’état actuel de la France, « il ne pouvait pas ne pas revenir ». On appréciera la phrase doublement négative et le dévouement affiché pour justifier son insatiable appétit de pouvoir. D’autres avant lui –  dont  un certain Philippe Pétain – nous ont déjà fait le coup du sacrifice personnel ; et il n’est pas du tout certain que les Français se laissent attraper, une nouvelle fois, à ses boniments.

 

Pollution : pendant ce temps, la France connaît un nouveau pic de pollution aux particules fines. En cause le redoux et les conditions anticycloniques au dessus de nôtre territoire. Un coup d’œil sur le ciel de Paris – mais ce n’était pas mieux à Marseille – suffisait, la semaine dernière, à s’épouvanter devant l’ampleur du phénomène. Voilà l’air que les citadins respirent dans nos rues engorgées d’automobiles. Et que fait le gouvernement Ayrault pour enrayer cette lente asphyxie ? Rien. Rien de suivi, en tous les cas. A la trappe le projet de taxation majorée du diesel ! A la trappe l’écotaxe devant la colère des routiers ! Un pas en avant, un pas en arrière. Avec Hollande et sa bande, les meilleures intentions finissent toujours au fond des tiroirs. Faut-il lui rappeler que la pollution aux particules fines est responsable de 42 000 décès prématurés en France ?

 

Bitcoin : connaissez-vous le bitcoin ? C’est une monnaie numérique achetable sur le Net en vue de contourner l’hégémonie bancaire. Avec elle plus d’intermédiaire. Chacun devient son propre courtier pour spéculer ou simplement acheter en ligne. La mésaventure survenue récemment à un jeune Anglais (qui a jeté son disque dur avec 7500 bitcoins engrangés, soit l’équivalent de 7,5 millions de dollars) illustre le caractère volatile et aléatoire de cette nouvelle unité monétaire. Avec elle, les investisseurs peuvent gagner gros si elle progresse. Mais ils peuvent aussi tout perdre si elle s’effondre, et aucune banque, aucun état, ne se portera garant de leur mise. Le bitcoin, c’est le règne absolu du libre-échange. Une alternative qui en dit long sur le progressif effritement de nos institutions.

 

SMIC: eux n’achèteront certainement pas des bitcoins. Eux, c'est-à-dire les trois millions de Français dont le salaire est aligné sur le SMIC. Comme chaque année, en décembre, il a été revalorisé, mais de la façon la plus chiche qui soit : 1,1%. Autrement dit, le SMIC horaire va passer de 9,43 à 9,53 euros. Sur la base de 35 heures hebdomadaires, cela ajoutera 12 euros aux 1113 euros nets que perçoit mensuellement cette catégorie de salariés. Pas de quoi acheter des truffes à Noël. Quand on sait l’envolée des prix et le coût actuel de la vie, on aurait presque envie d’en rire si ce n’était aussi affligeant. Non, ce n’est pas avec des hausses de salaires aussi dérisoires que le gouvernement Ayrault relancera la consommation et la croissance. Car le grand problème, le principal problème en France, ce sont les salaires planchers trop bas. Et les socialistes, maintenant aux affaires,  ne s’en préoccupent pas davantage que la Droite avant eux.

 

 

                     Erik PANIZZA

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