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11/02/2011

Privilèges républicains





  Après Michèle Alliot-Marie et ses petits séjours d’hiver en Tunisie aux frais de  l’honorable Ben Ali, c’est au tour du discret François Fillon d’être pointé du doigt pour avoir profité, en décembre dernier, des largesses de Moubarak, lors d’une escapade familiale en Egypte. Certes, ce sont là des fautes vénielles au regard de toutes les « affaires » qui ont secoué la République française depuis une vingtaine d’années ; « affaires » dans lesquelles étaient directement impliqués des membres gouvernementaux – il suffit de citer ici Elf ou Urba. Rien de comparable, non plus, avec le népotisme organisé d’un Eric Woerth qui a tellement agité l’opinion durant l’été dernier. Mais cela, néanmoins, continue de grossir le passif de la gouvernance actuelle. Après tout, me direz-vous, il n’y a pas de mal, pour un premier ministre, à prendre un peu de vacances, surtout quand elles ne sont pas prélevées sur le budget de l’Etat. Vacances bien méritées, au demeurant : car imagine-t’on la pression qui pèse sur ses épaules d’un bout à l’autre de l’année ? Ces arguments à sa décharge ne peuvent faire oublier que les gratifications en question provenaient de despotes avérés, ce qui n’est pas très flatteur quand on représente au plus haut niveau un pays comme la France et les valeurs qu’elle est sensée incarner dans le monde. Allons donc ! Tout cela n’est que vieille antienne. François Fillon n’était même pas en déplacement officiel. Mais c’est justement parce qu’il voyageait en son nom propre que l’on peut parler de compromission, même s’il n’est pas toujours facile de délimiter la sphère privée d un homme public. Il est vrai, du reste, que Nicolas Sarkozy a, le premier, donné l’exemple pour décomplexer le corps gouvernemental vis-à-vis des privilèges et de l’argent. Eh ! A quoi servirait d’avoir le pouvoir si on ne pouvait pas en retirer des avantages matériels ? On ne reviendra pas ici sur la réception au Fouquet’s, le soir même de sa victoire électorale ni, d’ailleurs, sur ses propres vacances, tous frais payés, à l’étranger. La fonction présidentielle vaut son pesant d’or et, avant lui, Mitterrand comme Chirac ont toujours été gracieusement invités, où qu’ils aillent de par le monde. La différence entre Sarkozy et ses prédécesseurs réside sans doute dans l’effet d’annonce. Selon lui, c’était aussi une forme de rupture vis-à-vis de l’hypocrisie de ses aînés. A l’examen, c’était surtout une manière habile de neutraliser d’avance les critiques vis-à-vis de ses mœurs régaliennes. Mais voilà, nous sommes en France et il n’est pas de bon goût, dans ce pays, de demander à ses habitants rigueur et sacrifices pendant qu’on leur offre le spectacle d’un train de vie fastueux. Contrairement à un certain Louis XV, aucun président ne peut dire « après moi le déluge », car c’est le peuple qui le fait « roi » pour la durée d’un mandat. Et il peut tout aussi bien le mettre à bas, lors de prochaines élections, révolté par tant de cynisme tranquille.

                                             Bruno DA CAPO

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