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12/11/2013

Bruissements (28)

 


 

Mali: la France entière avait accueilli, mercredi 29 octobre, la bonne nouvelle : les quatre derniers otages d’Arlit, enlevés par un groupuscule de terroristes islamistes voici trois ans, avaient été libérés. Amaigris, fatigués  mais heureux malgré tout, ils allaient enfin retrouver leurs proches, leurs pays, leurs foyers au terme d’une des pires épreuves que puissent connaître des êtres humains. Ballet protocolaire autour d’eux ; leurs images sur le tarmac de l’aéroport de Niamey étaient diffusées en boucle par toutes les télévisions. On parlait d’une rançon de vingt millions d’euros versée pour leur libération : était-ce l’état Français (qui niait farouchement) ou Areva qui avait mis la main à la poche? A vrai dire, l’heure était à l’émotion et on en rediscuterait un peu plus tard. Comme on reparlerait sans doute des sept Français encore retenus en otages dans d’autres points chauds du globe. Bref, tout semblait aller un peu mieux dans le monde jusqu’à ce funeste samedi 2 novembre. A Kidal, toujours au Mali, deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon venaient d’être enlevés et surtout retrouvés morts, assassinés par balles quelques heures après. A la joie succédait à nouveau la tristesse : qu’avaient-ils fait pour mériter un tel sort, eux qui ne portaient pas les armes ? Eux qui n’avaient d’autre mission que d’être les témoins d’un pays chaotique et de relayer courageusement l’information pour nous autres, en métropole. Depuis, une enquête a été diligentée, des suspects ont été arrêtés, mais c’est quand même dans un cercueil que leurs deux corps sont revenus en France. Cette guerre qui n’en finit pas montre, avec eux, son caractère sauvage, sans règle et sans limite. Leur assassinat porte ainsi à quarante-trois le nombre des journalistes morts, cette année, dans les différents conflits qui secouent la planète. Un lourd tribut, même pour une noble tâche.          

 

Football : la modernité ne cesse de faire bouger les lignes. Hier, c’étaient les « prolos » qui descendaient dans la rue pour revendiquer un peu plus de justice sociale ou la revalorisation de leurs salaires de misère. Aujourd’hui, ce sont les notables : maires soucieux de préserver leurs petites prérogatives communales ou patrons indignés de payer trop d’impôts. Verra-t’on bientôt les stars du football hexagonal aller manifester à la Bastille pour la défense de leur train de vie princier ? Eux dont les salaires sont une insulte au travailleur lambda. En annonçant son projet de taxer pendant deux ans les clubs de football à 75% (comme les autres grosses sociétés qui emploient des salariés à plus d’un million d’euros annuels), le gouvernement a pris sans doute une mesure forte mais juste. Précisons encore qu’elle sera plafonnée à seulement 5% des revenus globaux des clubs. Il faut espérer qu’il ne reculera pas, cette fois, devant les pressions, comme il l’a fait – lamentablement – sur le dossier de l’écotaxe. Car, bien entendu, les présidents des clubs de la ligue 1 ont fait front commun contre cette surcharge fiscale qui risque, selon eux, de nuire à la qualité du football français. Ils nous annoncent même une grève des stades durant le dernier week-end de novembre. Tant pis pour les supporters mais tant mieux pour tous ceux qui ne voient, dans le football professionnel, que l’alliance du capital et du spectacle pour l’abêtissement des masses.   

 

Salauds : on se souvient sans doute du fameux manifeste des « 343 salopes », en avril 1971. Des femmes – pour la plupart des actrices et des écrivaines – y avouaient publiquement qu’elles avaient toutes fait l’expérience de l’avortement clandestin; et de réclamer ainsi la légalisation de cet acte médical. Plus de quarante après, Elisabeth Lévy, patronne de « Causeur », a imaginé un manifeste des « 343 salaud », hommes connus ou inconnus s’opposant, pour différentes raisons, au projet de loi de pénalisation des clients de la prostitution. Si l’intitulé de ce manifeste – tout comme ce « Touche pas à ma pute » qui détourne un autre slogan célèbre – ne sont pas du meilleur goût, ils n’en disent pas moins leur ras-le-bol du puritanisme ambiant et de la moralisation forcée de la vie sexuelle à laquelle on assiste, depuis quelques temps, dans ce pays. Au motif de protéger les femmes, (comme le souhaitent les associations féministes qui pilotent en sous-main ce projet), on devrait sanctionner les hommes ? Au motif de redonner de la dignité aux personnes prostituées, on devrait les empêcher de travailler – tout au moins lorsqu’elles ont fait le choix de ce métier - ? On ne viendra jamais à bout de la prostitution par ce système de contre-effets. Mieux vaudrait, dans ce cas, interdire purement et simplement toutes ses manifestations. Tâche à peu près impossible quand on sait que la sexualité a toujours été, sous une forme ou sous une autre, une valeur d’échange dans les sociétés humaines. Cela vaut pour toutes les époques et la nôtre n’y fait pas exception, tout au contraire même. D’abord enthousiasmés par ce nouveau manifeste, certains (comme Nicolas Bedos ou Daniel Leconte) ont fait depuis marche arrière: des fois que leur image publique en eût été écornée….Ils ne sont heureusement qu’une infime minorité. Pour ceux qui ont un peu de bon sens et de courage, la pétition en ligne des « 343 salauds » (il y en a bien plus à présent) peut toujours être signée sur le site de « Causeur ». A bon entendeur…

 

Ayrault : bain de foule pour le premier ministre venu à Marseille, vendredi 8 novembre, pour proposer un plan de redressement de la ville. Il a pu ainsi découvrir et entendre ceux qui vivent dans les cités des quartiers nord. Faut-il dire que beaucoup préfèreraient aller vivre ailleurs plutôt que de rester là, même avec les améliorations promises ? Ce fut aussi l’occasion de rassurer ses lieutenants, Patrick Mennucci et Samia Ghali en tête, dans la perspective des prochaines municipales. Concrètement le plan Ayrault pour Marseille représente une enveloppe de 3 milliards d’euros, dont 2,5 milliards seront affectés  à la création d‘une gare souterraine au pôle Saint-Charles. 250 millions seront consacrés au doublement de la ligne ferroviaire Aix-Marseille et 50 millions pour prolonger les lignes de métro existantes. Autant d’apports nécessaires et prioritaires, tandis que les universités, les quartiers et la police se partageront les restes. Ah ! Un détail qui a son importance : tous ces travaux ne seront achevés que dans quinze ans environ. De quoi influencer quand même le vote des Marseillais au printemps prochain.  

 

 

 

                     Erik PANIZZA