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02/02/2018

Bruissements (79)

 

 

Matons : la grève des surveillants de prison a éclaté début janvier, suite à l’agression de deux d’entre eux par des détenus radicalisés. Cette fois, c’en était trop, la coupe était vraiment pleine. Comment ne pas comprendre leur colère quand on sait que, pour travailler dans un contexte aussi dangereux, un surveillant débutant perçoit en moyenne 1350 euros nets par mois ? Oui, les salaires sont trop bas en France et celui des « matons » en est sans doute l’exemple le plus révoltant Depuis cette grève n’a cessé de monter en puissance, occasionnant même des affrontements paradoxaux avec les forces de police devant des maisons d’arrêt. Pour mettre un terme à cette crise, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures attendues : revalorisation des salaires à hauteur de 1200 euros par an, création de 1100 postes supplémentaires entre 2018 et 2021, nouveaux quartiers d’évaluation pour les prisonniers radicalisés, gilets pare-balles… Mais le vrai problème reste la surpopulation carcérale (70 000 détenus pour seulement 60 000 places). Quid des 15 000 places supplémentaires promises par Emmanuel Macron ? Il est vrai qu’entre temps, la dépénalisation du cannabis va en libérer un bon nombre.  

 

Retours : la gestion des détenus radicalisés risque de se reposer, de façon encore plus aigue, avec le possible retour des djihadistes français de Syrie et d’Irak. Maintenant que l’EI, battu à plate couture sur ses terres, a perdu toute prétention à recréer un califat, que faire de ceux que son idéologie mortifère a séduits et qui sont prisonniers là bas ? Sachant que dans ces contrées où ils ont commis des méfaits abominables, ils encourent la peine de mort, beaucoup jouent la carte de la repentance, allant jusqu’à se faire passer pour des travailleurs humanitaires, afin de rentrer en France – pays, comme on le sait, de grande clémence. Il y a aussi la question, plus délicate, des femmes radicalisées et de leurs enfants. Du coup, leurs avocats invoquent le droit international et le gouvernement français fait mine d’acquiescer à leur jérémiades stipendiées. « Nous voulons, bien sûr, que nos lois  s’appliquent pour tous mais… ». A la vérité, personne ne veut voir revenir chez nous ces énergumènes. Mais c’est difficile à dire publiquement dans une démocratie comme la notre. Reste la solution des services secrets : on sait depuis longtemps comment ils procèdent avec ce genre d’indésirables. Mais c’est évidemment un secret...

 

Darmanin : c’est l’un des fleurons du gouvernement Philippe, une belle prise à la droite, origine modeste, travailleur, ambitieux, tout pour l’effort et le mérite. Mais tout homme a ses zones d’ombre et, lorsqu’on est un ministre en vue, le refoulé revient toujours d’une manière ou d’une autre. En l’occurrence il prend, pour Gérald Darmanin, l’allure d’une plainte pour viol. Elle émane d’une ex call-girl que le jeune cadre des Républicains aurait aidée, voici quelques années, à résoudre des problèmes personnels. Contre rien en retour ? Peut-être pas. Quoiqu’il en soit, ce n’est encore qu’une allégation, la justice n’a pas tranché. Et Darmanin, comme n’importe quel justiciable, a droit à la présomption d’innocence. Mais cette affaire arrive mal, juste après la grande vague féministe post-Weinstein. Du coup, certains demandent – un peu vite – sa démission. Pas dans le gouvernement, en tous cas. Même l’agaçante Marlène Schiappa, si prompte à vociférer contre les dérapages masculins (on a vu encore sa sortie inepte dans l’affaire Daval), met des bémols, invoque le doute et la réserve vis-à-vis de son collègue. Y aurait-il deux poids et deux mesures en matière d’abus sexuels? Comme quoi, quand il s’agit de garder leur place, les ministres savent la mettre en veilleuse. 

 

Pologne : le torchon brûle entre Israël et la Pologne. Car le gouvernement polonais vient d’édicter une loi punissant jusqu’à trois ans d’emprisonnement quiconque ferait publiquement une association entre les Polonais et l’extermination des Juifs entreprise par les nazis. Ainsi on ne pourra plus écrire – tout au moins en Pologne – les camps polonais de la mort. Certes, ce n’est pas la faute des Polonais si les Allemands, durant la seconde guerre mondiale, ont choisi leur pays pour y construire leurs principaux camps d’extermination – à commencer par celui d’Auschwitz-Birkenau. Au-delà de cette fatalité, il y a l’antisémitisme avéré des Polonais que cette loi voudrait bien faire oublier. Quitte à bâillonner les voix de tous ceux qui voudraient que cette vérité soit reconnue dans ce pays européen censément démocratique. Vous avez dit révisionnisme…  

 

Nutella : Jusqu’à présent on n’avait vu une telle frénésie que dans les publicités vantant des produits alimentaires. C’est devenu réalité depuis que l’enseigne Intermarché a mis en promotion les pots de Nutella entre le 25 et le 27 janvier derniers. Imaginez un peu : 1,41 euro au lieu des 4,70 euros que coûte habituellement le pot de 970 grammes. 70% de réduction ! Voilà qui a de quoi faire saliver tous les « accros » au chocolat. Du coup ce fut, dès l’ouverture, une ruée éléphantesque vers la crème convoitée. A Marseille, il a même fallu l’intervention de la police pour arrêter les échauffourées. Quand on sait que le Nutella est composé à 80% d’huile de palme, sûr facteur d’obésité infantile, on a de quoi frémir devant de telles scènes. Eux ne doivent sûrement pas le savoir et c’est bien regrettable. Choqué par de tels comportements, le gouvernement a aussitôt envisagé une loi limitant à 30% les réductions promotionnelles de  la grande distribution. Salauds de pauvres ! – dixit Benjamin Griveaux. Il faut maintenant les protéger contre eux-mêmes. Et rien de tel, pour qu’ils prennent davantage soin de leur santé, de les empêcher de trop consommer en n’abaissant pas (trop) les prix, voire même en les majorant. On sait ce que cette pédagogie donne pour la cigarette.

 

Erik PANIZZA    

19/06/2015

Opération Nutella

                          

 

 

 On peut reprocher beaucoup de choses à Ségolène Royal mais certainement pas de manquer de franchise. La ministre de l’écologie n’a pas la langue dans sa poche et cela embarrasse souvent le gouvernement auquel elle participe. Après le désherbant Round-Up qu’elle souhaite faire interdire, elle a failli créer un incident diplomatique  en appelant au boycottage du Nutella. Selon elle, non sans raison, la célèbre pâte au chocolat, pleine de sucre et d’huile de palme, a tout ce qu’il faut pour favoriser l’obésité et l’élévation du mauvais cholestérol. En outre, par les ingrédients qui entrent dans  sa composition, elle accroît considérablement la déforestation. Si cette « sortie » lui a valu le soutien des écologistes et des diététiciens, elle n’a pas du tout été au goût de la société italienne Ferrero, productrice de la pâte à tartiner. A tel point que son PDG est intervenu pour demander des excuses publiques à la ministre française. Ce qu’elle a fait sans tarder, sans doute taclée en coulisse par le chef de l’exécutif. Prenant à cœur sa fonction, Ségolène Royal a tenu des propos qui s’imposaient d’eux-mêmes. Seulement elle a oublié un peu trop vite les accords commerciaux entre la France et l’Italie. Sous l’angle éthique, au moins, elle est irréprochable, ne faisant qu’exprimer une vérité partagée par de plus en plus de gens en lutte contre la « malbouffe ».

Mais voilà, nous vivons dans une drôle d’époque. Une époque où les capitaines d’industrie se permettent de s’adresser directement aux dirigeants politiques pour leur intimer ce qu’ils doivent dire et faire. Une époque où l’intendance ne suit plus le politique mais le contraire. Cette situation avilissante, négation des valeurs républicaines, ces sont ces mêmes responsables politiques qui l’ont créée, avec ce culte de la performance économique qui transforme nos chefs d’état en représentants de commerce. On comprend mieux ainsi l’arrogance des grands patrons. Ils auraient bien tort de se gêner dans un monde qui déroule le tapis rouge à chacune de leurs apparitions, à commencer par l’Union Européenne et ses directives en faveur des multinationales. Reste heureusement que nous autres, citoyens des pays occidentaux, nous ne sommes pas soumis à la prudence tacticienne de nos dirigeants. Nous pouvons, par différents moyens, exprimer notre désaccord avec ce système, voire dire ouvertement que tel ou tel produit – comme le Nutella – n’est que de la merde en bocal. Encore faut-il que nos opinions soient reflétées par nos actions et modifient sensiblement nos choix de consommateurs !

 

                             Bruno DA CAPO