19/06/2015
Opération Nutella
On peut reprocher beaucoup de choses à Ségolène Royal mais certainement pas de manquer de franchise. La ministre de l’écologie n’a pas la langue dans sa poche et cela embarrasse souvent le gouvernement auquel elle participe. Après le désherbant Round-Up qu’elle souhaite faire interdire, elle a failli créer un incident diplomatique en appelant au boycottage du Nutella. Selon elle, non sans raison, la célèbre pâte au chocolat, pleine de sucre et d’huile de palme, a tout ce qu’il faut pour favoriser l’obésité et l’élévation du mauvais cholestérol. En outre, par les ingrédients qui entrent dans sa composition, elle accroît considérablement la déforestation. Si cette « sortie » lui a valu le soutien des écologistes et des diététiciens, elle n’a pas du tout été au goût de la société italienne Ferrero, productrice de la pâte à tartiner. A tel point que son PDG est intervenu pour demander des excuses publiques à la ministre française. Ce qu’elle a fait sans tarder, sans doute taclée en coulisse par le chef de l’exécutif. Prenant à cœur sa fonction, Ségolène Royal a tenu des propos qui s’imposaient d’eux-mêmes. Seulement elle a oublié un peu trop vite les accords commerciaux entre la France et l’Italie. Sous l’angle éthique, au moins, elle est irréprochable, ne faisant qu’exprimer une vérité partagée par de plus en plus de gens en lutte contre la « malbouffe ».
Mais voilà, nous vivons dans une drôle d’époque. Une époque où les capitaines d’industrie se permettent de s’adresser directement aux dirigeants politiques pour leur intimer ce qu’ils doivent dire et faire. Une époque où l’intendance ne suit plus le politique mais le contraire. Cette situation avilissante, négation des valeurs républicaines, ces sont ces mêmes responsables politiques qui l’ont créée, avec ce culte de la performance économique qui transforme nos chefs d’état en représentants de commerce. On comprend mieux ainsi l’arrogance des grands patrons. Ils auraient bien tort de se gêner dans un monde qui déroule le tapis rouge à chacune de leurs apparitions, à commencer par l’Union Européenne et ses directives en faveur des multinationales. Reste heureusement que nous autres, citoyens des pays occidentaux, nous ne sommes pas soumis à la prudence tacticienne de nos dirigeants. Nous pouvons, par différents moyens, exprimer notre désaccord avec ce système, voire dire ouvertement que tel ou tel produit – comme le Nutella – n’est que de la merde en bocal. Encore faut-il que nos opinions soient reflétées par nos actions et modifient sensiblement nos choix de consommateurs !
Bruno DA CAPO
15:29 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nutella, royal, round-up, malbouffe
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