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05/06/2015

Burn-out

 

 

 

Dans la surenchère d’anglomanie dont font preuve tous les médias de ce pays, le mot « burn-out » n’est pas le moins usité : et pour cause ! On pourrait assez facilement le traduire en français par « épuisement professionnel », mais le snobisme contemporain préfère, évidemment, son équivalent anglais. Soit ! Mais venons-en au cœur du problème. Benoît Hamon, l’un des rares représentants de l’actuelle majorité qui croit encore au socialisme, vient donc de déposer à l’Assemblée Nationale un amendement visant à faire reconnaître le burn-out comme une maladie professionnelle. Projet difficile mais ô combien louable par ces temps de compétitivité généralisée. Car il s’agit de différencier l’épuisement professionnel de la dépression à proprement parler, maladie qui relève d’une autre cause, d’un autre régime aussi. Hélas, et malgré le soutien de nombreux députés socialistes, il y a peu de chances pour que l’amendement porté par Benoit Hamon trouve une issue favorable dans le contexte actuel. Les chiffres du chômage ne cessent d’augmenter et la tendance gouvernementale est bien plutôt de caresser les patrons dans le sens du poil. Pensez donc ! Une loi qui débaucherait provisoirement  quelques trois millions de salariés et aux frais de leurs employeurs, par-dessus le marché ! On préfère – reprise oblige - quémander des emplois nouveaux au patronat et durcir le ton contre les chômeurs de longue durée. Voilà qui est plus cohérent avec la politique menée depuis un an et demi.

Et pourtant ! Qui ne sait qu’il y a un lien de cause à effet entre le burn-out et le chômage ? C’est même l’un des principaux motifs de stress des salariés qui vivent quotidiennement sous la menace de cette nouvelle épée de Damoclès, incités à travailler au-delà de leurs forces pour satisfaire aux exigences de leurs employeurs. Car les patrons  peuvent compter sur une «armée de réserve » en perpétuelle expansion et leurs employés le savent bien. On voit bien dans quel cercle vicieux sont pris tant de gens en France. Ils devraient, médicalement parlant, s’arrêter momentanément de travailler, mais la plupart ne le font pas par crainte de ne plus retrouver leur emploi. D’un côté, l’épuisement, la maladie et peut-être la mort physique, de l’autre la mort sociale et la dépression : faites votre choix, messieurs-dames. Ce système infernal serait donc l’aboutissement des luttes sociales du XXeme siècle, avec leur aspiration à une société libérée du travail aliénant ? On a du mal à le croire. Comme on a du mal à admettre qu’il n’y ait pas d’alternative à cette entropie généralisée. Il faut prendre au sérieux le burn-out des individus sous peine de risquer, à plus ou moins courte échéance, le burn-out du peuple français tout entier.

 

 

                    Erik PANIZZA