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20/10/2017

Premiers de cordée

                 

 

 

 

 Contrairement à ses deux derniers prédécesseurs, Emmanuel Macron est un président qui aime user de la métaphore dans ses propos. Il l’a rapidement prouvé en déclarant qu’il voulait instaurer une présidence jupitérienne – passez-moi du peu. Lors de sa conférence de presse, dimanche 15 octobre à l’Elysée, il a encore réaffirmé sa vision verticaliste du pouvoir avec une nouvelle image verbale : les premiers de cordée. Est-ce la lecture de Roger Frison-Roche qui la lui a inspirée ? Toujours est-il qu’elle est venue en réplique à une autre image conceptuelle avancée par David Pujadas au cours de leur entretien : le ruissellement.

Tout comme la destruction créatrice chère à Joseph Schumpeter, cet axiome du libéralisme bénéficie présentement d’un effet de mode médiatique, bien qu’il soit contesté par la plupart des économistes. Il suppose que la consommation des plus riches, dans une société donnée, aurait des effets positifs sur l’activité économique générale, notamment sur les classes inférieures à qui elle apporterait plus de travail et de commandes. Evidemment, cela justifie bien quelques réductions d’impôts. Reste que cette image est en soi déplaisante, trop clivante même dans une société de marché (on se souvient encore du tollé qu’avait soulevé l’expression de Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre, « la France d’en bas »). Depuis des millénaires, les pauvres n’avaient droit qu’aux miettes du festin des riches ; maintenant ils pourraient ainsi lécher la mousse du champagne qui s’écoule de leurs bouteilles. Qu’y a-t-il là de préférable ? En outre, la démonstration qu’elle véhicule est aléatoire, sinon inexacte. Au-delà d’un certain seuil de consommation, les excédents et bénéfices sont capitalisés et ne vont plus alimenter l’économie réelle.

Ce n’est évidemment pas ce que souhaite notre jeune président. Tout à son optimisme programmatique, il voudrait bien que les plus riches  - pour lesquels il ne cache pas sa sympathie – participent à l’effort de redressement du pays qu’il propose. Alors, il opte pour une métaphore de l’effort (et l’alpinisme en demande beaucoup) ; une image qui flatte encore les catégories supérieures de la société mais d’une façon active et non passive, du bas vers le haut  cette fois. Il s’agit, pour les Français, de regarder vers les sommets dans une sorte d’union sacrée où les plus forts vont ouvrir la voie aux plus faibles et améliorer ainsi leur condition. Cette vision est sans doute belle et généreuse mais, en l’état actuel des choses, elle appartient au registre des illusions. Et ce ne sont pas les cadeaux fiscaux que le président peut faire aux plus riches de nos concitoyens qui vont changer leurs comportements financiers. En matière de redistribution, il serait plus sûr de continuer à prendre l’argent là où il abonde plutôt que d’espérer des réinvestissements tardifs et capricieux. 

Pour revenir sur l’entretien télévisé, point de départ de cette petite réflexion, il est à noter qu’aucun des trois journalistes convoqués pour cet exercice délicat n’a été complaisant avec Emmanuel Macron. Qu’elles viennent de Gilles Bouleau, Anne-Claire Coudray ou de David Pujadas, les questions critiquaient souvent des déclarations du chef de l’état, rompant la monotonie de l’enthousiasme présidentiel. C’est encore la meilleure preuve que nous vivons toujours dans une démocratie.

 

Jacques LUCCHESI