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14/04/2017

Le lion Mélenchon

                                        

 

 Il est peut-être celui qui aura fait le plus beau parcours de cette campagne présidentielle si surprenante, si âpre, si incertaine. Celui qui aura su exploiter à son compte les acquis de la modernité technologique, avec ses nombreuses vidéos sur You Tube et sa capacité à l’ubiquité grâce au procédé holographique. Car ce n’est pas un mince avantage que de pouvoir parler simultanément à plusieurs auditoires différents. Autant d’atouts qui ont fait, peu à peu, décoller sa cote de popularité dans les sondages : il voisine à présent les 20% d’intentions de vote, à égalité avec François Fillon et juste derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon va-t-il créer la surprise de ce premier tour? Bien malin celui qui pourrait l’affirmer avec certitude. Mais on comprend qu’il puisse inquiéter ses adversaires immédiats, au point qu’ils tirent tous sur lui à boulets rouges, bien sûr.

A Marseille, le dimanche 9 avril, il était bien là, en chair et en os, porté par l’enthousiasme d’un public chauffé à blanc, tant par le soleil printanier que par l’attente prolongée de son apparition sur le podium. Oui, les leaders politiques sont devenus les égaux des rock-stars en cette époque gangrénée par l’angoisse et la violence. Rarement, on aura vu le Vieux Port et les rues avoisinantes aussi saturés de gens (et de policiers, aussi). Combien étaient-ils ? On a avancé le chiffre de 70 000 personnes. Moi, en tous les cas, je n’avais plus rencontré  une telle concentration humaine depuis la Marcéleste en 1999, pour le 26eme centenaire de la fondation de Marseille. Un grand tribun, assurément, que celui qui s’est campé dans le rôle de porte-parole du peuple de gauche. Lyrique à souhait lorsqu’il parle de Marseille et de la Méditerranée, citant Homère et Paul Valéry. Sa voix est grave, profonde, chaude, bien posée. On sent que ce sexagénaire fringant et cultivé a décidé de mettre toute son énergie dans cette bataille présidentielle – qui sera peut-être la dernière pour lui. Qui dira, après l’avoir vu et entendu, que la politique est une sinécure ?

Le show est bien rodé et ses thèmes bien connus : la volonté d’une France plurielle, l’acceptation de l’immigration comme une chance nouvelle, la valorisation  de l’intelligence et de la créativité individuelles, la mise au pas de la finance et de ses serviteurs. Et ses diatribes contre le parasitisme de la classe politique recueillent toujours beaucoup de vivats. Pour autant  Mélenchon, en vrai faux modeste, refuse les applaudissements qui s’adressent à sa personne : car, dit-il, « ce n’est pas moi mais vous qui avez entre vos mains les moyens de votre émancipation.».

Il y a aussi la paix, son nouveau cheval de bataille, qu’il entend imposer dans les négociations internationales. L’intention est en soi louable ; reste à savoir par quels moyens on y parvient quand, de tous côtés, on affûte les poignards. La France a-t-elle les moyens d’assurer seule sa défense hors de l’OTAN, et – pour quoi pas ? - hors de l’Europe ? Et quid de la sécurité intérieure dans un contexte social où plane toujours la menace terroriste ?  On aimerait que Jean-Luc Mélenchon s’exprime plus souvent et plus clairement sur ces questions-là d’ici la fin de la campagne. Car elles entrent aussi dans les attentes des Français.   

 

Jacques LUCCHESI

09/09/2013

Insécurité

 

                               

 

 

 Deux meurtres, deux assassinats spectaculaires par balles – dont l’un visait le fils d’une personnalité marseillaise – ont relancé, jeudi dernier, les sempiternelles questions autour de la sécurité à Marseille. Marseille inquiète, Marseille fascine, Marseille dérange, Marseille fait vendre, aussi... Et si ces actes de violence extrême ne sont pas nouveaux – ni plus élevés que par le passé -, leur médiatisation tous azimuts se charge d’accroître le sentiment d’insécurité de la plupart des Marseillais. Que redoutent-ils, au juste ? D’être pris dans un règlement de comptes, en plein jour, sur une place ou à la terrasse d’un café, victimes innocentes d’une réalité qui n’est pas la leur. On mesure aisément la part de l’imagination dans cette peur, même si les truands ne font pas dans la dentelle. Il y a aussi, à l’œuvre, un sentiment d’exaspération : les gens ne comprennent pas que quelques centaines - sinon quelques dizaines –de voyous puissent entretenir ce malaise et salir l’image d’une ville en pleine rénovation. D’où leurs doléances envers les pouvoirs publics et leur attente de réponses concrètes et rapides. Ceux-ci ont d’ailleurs tout intérêt à les écouter et la réunion de crise des édiles marseillais, samedi à la Préfecture, en est une preuve certaine. On a parlé d’union sacrée, au dessus des habituels clivages partisans, au moins pour les trois prochains mois. Néanmoins, les amabilités échangées entre Patrick Mennucci et Jean-Noël Guérini ont montré que la division n’était pas qu’une affaire de couleur politique. Qu’adviendra-t’il des bonnes résolutions adoptées au cours de cette séance exceptionnelle ? Il se pourrait fort qu’elles se dissolvent assez rapidement, non sans avoir alimenté les programmes des nombreux candidats à la mairie de Marseille, l’an prochain. En attendant les prochains coups d’épée dans l’eau, on verra encore plus de policiers et de soldats dans les rues de Marseille (qui n’en manque déjà pas). De quoi rassurer les uns et aussi angoisser les autres, eux qui pensent qu’une grande ville européenne devrait  se montrer sous un jour plus accueillant aux nombreux touristes qui la visitent et l’enrichissent.  

Car le problème réside aussi dans l’écart, de plus en plus sensible, entre les ambitions des politiques pour cette ville et sa réalité populaire, misérable, souterraine et criminelle. Les premiers voudraient faire de Marseille une ville moderne et attractive – ce en quoi ils ont réussi, tout au moins dans le centre-ville - ; tandis que les enfants de l’ombre, ceux issus des quartiers excentrés et des cités trop longtemps oubliées, viennent périodiquement leur rappeler avec fracas qu’il existe, dans cette ville, un autre monde, une autre loi qui n’a cure de leurs rêves de grandeur. Une sorte de  retour du refoulé, en somme.

 

 

                    Jacques LUCCHESI

28/03/2013

Bruissements (19)

 


 

Mediapart : quel est le point commun entre un ministre du budget poussé à la démission et un ex-président de la République mis en examen pour abus de faiblesse ?  L’argent, certes, la recherche du profit personnel ou le financement illégal de campagne, mais aussi un journal d’investigation en ligne : Médiapart. C’est en effet le site dirigé par Edwy Plenel qui a, le premier, diligenté une enquête sur les troubles rapports entre l’incorruptible Nicolas et l’héritière de l’Oréal ; lui encore qui a pris au sérieux les soupçons d’évasion fiscale qui pesaient sur Jérôme Cahuzac. Si, dans l’actuelle majorité, on accuse le choc avec discrétion, ce n’est pas la même attitude chez le fan-club de Sarkozy où l’on crie volontiers au scandale. Selon ses zélateurs (Copé, Guaino ou même Wauquiez), le juge Gentil – rappelons qu’il est épaulé par deux autres magistrats dans cette affaire –  serait en collusion avec l’Elysée pour empêcher le retour de leur champion en 2017; à moins qu’il ne poursuive une vengeance personnelle contre un ex-président qui a voulu mettre au pas sa corporation. Menaces, accusations et contre-accusations se succèdent ainsi depuis une semaine. Que la justice poursuive librement son cours dans cette affaire  n’est pas une hypothèse suffisante  pour eux, mais c’est pourtant la plus simple. Quoiqu’il en soit,  Plenel peut dire avec raison que, dans un cas comme dans l’autre, c’est d’abord une victoire de la démocratie. A propos, l’autre dossier sur lequel enquête Médiapart actuellement est la rumeur de financement par Kadhafi de la campagne de Sarkozy en 2007. On s’attend, là aussi, à beaucoup de remous.

 

Histoires russes : Ah ! Ce n’est pas dans la Russie de monsieur Poutine qu’un journal pourrait entreprendre de pareilles enquêtes. On sait ce qu’il en a coûté à la pauvre Anna Politkovskaïa en 2006. La mort  à 67 ans, samedi dernier près de Londres, du milliardaire russe Boris Berezovski a réveillé le spectre de l’assassinat politique. Celui-ci était devenu l’un des plus farouches opposants à Vladimir Poutine après l’avoir aidé dans sa conquête du pouvoir– d’où son exil britannique au tournant des années 2000. Une distance dérisoire pour les services secrets, si l’élimination d’un homme est décidée en haut lieu. Ce fut le cas pour Alexandre Litvinenko, autre exilé russe en Angleterre, qu’un thé au polonium emporta, lui aussi en 2006. Or, il se trouve que Litvinenko et Berezovski étaient amis depuis 1994. Le rapprochement entre ces deux décès devait forcément être pris au sérieux par la police anglaise. Néanmoins, les experts dépêchés auprès du corps sans vie de Berezovski n’ont pu déceler la moindre trace de substance toxique dans son organisme. Sans écarter la possibilité d’un infarctus, c’est la thèse d’un suicide par pendaison qui est devenue la plus probable – car l’oligarque russe était criblé de dettes. Voilà, en tous les cas, une disparition qui ne sera pas pleurée au Kremlin. John Le Carré pourrait encore trouver, dans notre époque, quelques bons canevas de roman d’espionnage.    

Télé-réalité : Autre mort subite – mais pas suspecte -, celle de Gérald Babin, engagé volontaire dans la 16eme édition de « Koh-Lanta. Qu’était donc allé chercher ce garçon de 25 ans dans la jungle cambodgienne redessinée par TF1 ? Le défi, la notoriété, la fortune. Las ! Son cœur l’a lâché dès la première épreuve ; il est vrai qu’il ne s’était pas soumis à un test d’effort préalable. Du coup, la chaîne organisatrice a annulé cette funeste édition et les 17 autres participants ont été rapatriés. Ce décès prématuré n’en relance pas moins les critiques envers ce genre d’émissions qui misent sur le sensationnel à tout prix. Au vu des conditions auxquelles se soumettent les participants de ces modernes « jeux de cirque », il faut s’étonner, non pas qu’un accident tragique puisse arriver, mais bien qu’il n’en arrive pas plus souvent. Au reste, si c’est la première fois qu’une chaîne française est endeuillée de la sorte, on recense plusieurs précédents dans des émissions étrangères calquées sur le même modèle – comme en Bulgarie ou aux Philippines. Si cela pouvait être le début d’une prise de conscience et d’un rejet collectifs de la « trash » télé-réalité, un jeune homme trop confiant en ses capacités physiques ne serait pas mort en vain.

 

Marseille : où va Marseille ? On peut se poser la question au vu de l’actualité récente. Le week-end dernier, un règlement de comptes lié à la drogue a fait une nouvelle victime. Cela porte à 5 le nombre de tués depuis le début de l’année (rappelons que 2012 a été marquée par 25 assassinats). Un collectif de mères, toutes endeuillées par la mort violente d’un enfant, a ainsi décidé de faire une marche contre cette violence qui gangrène la ville. Se souvenaient-elles que d’autres mères, en Argentine, avaient fait de même pour protester contre les crimes impunis de la dictature Videla? Les causes changent mais l’émotion reste la même. Mais voilà, à Marseille, le bizness de la drogue est devenu une économie parallèle, alternative juteuse mais risquée pour bien des jeunes en situation d’échec scolaire et professionnel. Cette situation de paupérisation tend à se généraliser dans les couches populaires de la vieille cité phocéenne. Face à ce phénomène inquiétant, la municipalité renforce les contrôles policiers et poursuit une politique ultra-libérale dans l’espoir de relancer la consommation et le tourisme. Mais les politiques sont eux-mêmes touchés par la corruption, comme l’ont montré récemment les affaires Guérini et Andrieux. Cela n’empêche pas les élus socialistes de se mobiliser, face à une Droite affaiblie,  en vue des élections municipales de 2014. De belles luttes intestines en perspective. Si l’on ajoute à ce tableau les actes inciviques en hausse, les interminables chantiers urbains  et une pollution automobile qui fait de Marseille la ville la plus polluée d’Europe juste derrière Varsovie, on comprendra que cette ville est de moins en moins agréable à vivre. Et si son ensoleillement attire encore quelques personnalités parisiennes, de plus en plus de Marseillais ne rêvent que d’aller se mettre au vert dans des communes moins trépidantes. Oui, le prochain maire de Marseille aura bien du travail à faire s’il veut tenter de redresser la barre. Ou sinon gare au naufrage.                      


                           Erik PANIZZA