03/04/2007
Edito
En politique il n’y a pas d’homme – ou de femme – providentiel. Or, c’est bien de cela que cherchent à nous convaincre tous les candidats de cette campagne présidentielle. A les entendre, il n’y aurait qu’eux – à l’exclusion de tous les autres – qui détiendraient les solutions pour sortir les Français de leur morosité. Et pour satisfaire leur ambition personnelle mal déguisée en altruisme, ils sont prêts à tous les paradoxes, toutes les palinodies, toutes les contradictions, toutes les concessions. Avez-vous remarqué, dans ces nouveaux talk-shows télévisés qui offrent à un échantillon de Français moyens la possibilité de poser une question à un candidat, que celui-ci répond toujours par l’affirmative ? Oui, il a, dans son programme, la réponse à votre question et à votre attente. Oui, il est toujours disposé – du moins face aux caméras – à traiter votre cas en priorité. En somme, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Seulement, à présent, personne n’est plus assez stupide pour prendre pour argent comptant leurs boniments. On sait bien où iront nos doléances quand l’un d’eux arrivera à la présidence : à la trappe ! Aussi, nous nous garderons bien, au Franc-Tireur marseillais, de donner des consignes de vote. Nous nous bornerons simplement à rappeler que la politique est l’art de gérer le plus grand nombre et que si, dans cet exercice, aucun ne peut être parfait, il y en a toutefois qui sont pires que d’autres. C’est dire que nous devrions compter davantage sur nous-mêmes pour établir, à la base, des rapports plus justes et plus harmonieux. En attendant, Marseille continue de brader son patrimoine et les sectes, ma foi, ne s’y portent pas trop mal ( voir l’article de P.C. Arcadis en page 4). Pas de quoi vraiment dormir sur ses deux oreilles.
Bruno DA CAPO
11:34 Publié dans Numéro 3 | Lien permanent | Commentaires (0)
Le diviseur
Qui n’a vu un jour, dans la presse ou à la télé, la caricature de Nicolas Sarkozy par Cabu ? Sous la plume du célèbre dessinateur, l’actuel candidat de l’UMP à la présidentielle n’est pas qu’écorné mais aussi cornu. Au demeurant, les cornes dont il est affublé ne sont pas celles du cerf – symbole bien connu du cocuage, ce qui pourrait, non sans désobligeance, renvoyer à ses récentes vicissitudes conjugales – mais celles, petites et fièrement pointues, qui caractérisent depuis belle lurette les représentations populaires du démon.
Une image, dit-on, vaut mille mots. A n‘en pas douter, Cabu a saisi intuitivement un élément fondamental du personnage Sarkozy ( même si l’intéressé s’en étonne ). Car le diable, sous l’angle étymologique, est bien celui qui divise. Certes, il n’y a pas de politique idéale ; toutes, en effet, reflètent les intérêts et les appétits humains. Mais il y a des personnalités qui, pour parvenir à leurs fins, n‘hésitent pas à la tirer un peu plus vers le bas et à user de méthodes qu’il faut bien qualifier de démoniaques. Un regard, même rapide, sur l’itinéraire de Nicolas Sarkozy suffit pour constater qu’il est bel et bien placé sous ce signe. Partout où il est passé, il n’a cessé de semer la division et cela n’a fait que s’amplifier depuis qu’il occupe une position stratégique dans la hiérarchie gouvernementale. Division interne, tout d’abord, au sein de son parti et, plus largement, de la Droite : ce ne sont pas Chirac et de Villepin qui diront le contraire. Division, par ses propos, entre la magistrature et la police placée sous son égide ministériel. Division dans son appréhension de la société française actuelle, en désignant à l’opinion publique des adversaires potentiels (les jeunes révoltés des banlieues, les chômeurs de longue durée), sinon les causes mêmes du malaise social. Car ce candidat de la rupture, comme il se proclame volontiers, est en fait un candidat de la fracture. S'il parvenait au pouvoir suprême, par quelque myopie singulière de l’électorat français, tout laisse supposer que les clivages – déjà inquiétants – entre riches et pauvres dans notre pays ne feraient que s‘accroître. Nous nous dirigerions vers une société « à l’américaine » ( pour laquelle le mythe libéraliste de « l’american way of life » est depuis longtemps une vieille baderne ). Et ce ne sont pas les réformes populistes qu’il propose sur un ton patelin qui peuvent faire oublier ses accointances avec le grand patronat français dont il est le fils préféré. A la dernière campagne présidentielle, Jacques Chirac s’était – avec quelle hypocrisie ! – présenté comme le rassembleur des Français. Nicolas Sarkozy ne risque pas de reprendre à son compte cette image consensuelle. Il n’est pas plus clair, cependant, sur ses véritables intentions. Une chose et au moins certaine : cet affamé de pouvoir ne fera croire à personne qu’il est au service de la France.
Erik PANIZZA
11:25 Publié dans Numéro 3 | Lien permanent | Commentaires (0)