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12/04/2016

Lampedusa, Lesbos et le Pape François

 

Voilà donc le Pape en passe d’embarquer pour l’île de tous les dangers, voire des pires tentations : Lesbos ! Cher François, je sais bien sûr que c’est pour la bonne cause : sensibiliser le monde aux problèmes cruciaux que rencontrent les réfugiés qui fuient la guerre, sans parler de ceux qui émigrent à cause de la misère ou de l’oppression régnant dans leur pays. L’Europe, pas toujours avisée, nous dit qu’il faut distinguer les émigrés politiques des autres qu’on parquerait en Turquie pour les dissuader de « s’incruster chez nous », dixit les épigones de Marine Le Pen. Hélas ! Peut-on sciemment différencier les types de misère ? Non sans doute, et pourtant il semble qu’on veuille s’y employer… Le Pape à sa façon – je ne suis pas spécialement religieux – fait cependant le job. Après Lampedusa, Lesbos. Quelles îles ! Je ne sais si l’on doit en rire mais ça paraît troublant à l’esprit littéraire que je suis. Lampedusa rappelle évidemment aux lecteurs Le Guépard, beau roman où est retracée la fin d’un monde : celui d’une aristocratie terrienne au profit de la révolution menée par Garibaldi et mis en forme par Cavour, révolution qui devait mener à l’unité italienne. La fin d’un monde, tiens, tiens. Ne serait-ce pas le nôtre ? Quant à l’île de Lesbos, que tout lecteur de poésie connaît pour être le berceau de la grande Sappho, (ne pas confondre avec la Grande Sophie), elle garde encore une forte symbolique féministe, laquelle, je présume, n’a pu échapper à l’entourage savant de François… Doit-on y discerner une intention subliminale ? Un message crypté ? Qu’importe ! François semble ignorer les ricanements de certains. Porté par le message qu’il veut donner au monde, il n’a que faire de brûler ses vaisseaux !

 

                  Yves CARCHON

 

 

08/04/2016

Bruissements (61)

 

 

Constitution : Il est arrivé au pupitre de l’Elysée avec cette allure faussement martiale et un peu guindée qui le caractérise quand il doit faire une déclaration importante. Constatant qu’on n’avait pas trouvé un consensus sur la question de la déchéance de nationalité entre la Droite et la Gauche, il a expédié en quelques mots le problème : « En accord avec les présidents du sénat et de l’Assemblée, j’ai décidé de clore le projet de déchéance de la nationalité pour les terroristes. Il n’y aura pas de révision de la Constitution. » Voilà comment aura pris fin, mercredi 30 mars, le débat qu’il avait lui-même initié lors de son discours de Versailles, le 16 novembre dernier. Quatre mois de débats passionnés, où l’on a vu surgir les propositions les plus extrêmes, qui ont divisé les différents courants de la Gauche encore plus que la Gauche avec ses adversaires naturels ; eh bien  tout cela va passer dans les poubelles de l’histoire de la Cinquième République. Non sans avoir enfoncé un peu plus le clou dans le quinquennat Hollande. Car cette nouvelle palinodie, qui arrive après bien d’autres sur des projets pourtant attendus, n’est pas un bon signal envoyé au peuple français. Certes, cette loi aurait été plus symbolique qu’efficiente – et la peine d’indignité nationale pour les auteurs de crimes terroristes peut toujours la suppléer. Mais on attendait, là plus qu’ailleurs, une attitude vigoureuse et soutenue, dans la lignée de ses déclarations de novembre, pas un aveu final de lassitude et d’impuissance. Un jour prochain, des historiens établiront certainement la liste des lois avortées en comparaison de celles adoptées durant la gouvernance Hollande. Et ce bilan fera forcément ressortir le triomphe du dérisoire sur l’essentiel.    

 

Panama : Notre monde repose sur des secrets de moins en moins bien gardés. Et – soit dit en passant - Internet est pour beaucoup dans cette volatilité médiatique. Aussi des « affaires », périodiquement, remontent à la surface, provoquant leurs petits tsunamis politiques. Hier, c’était Wikileaks,  avant-hier Clairstream, aujourd’hui ce sont les « Panama papers », mais au bout du compte, qu’est-ce que ça change ? Rien de nouveau sous le soleil. Les hommes sont, pour la plupart, naturellement cupides. Ils songent à servir leurs intérêts égoïstes avant ceux de leur collectivité, de leur nation. Pour cela, ils sont capables de déployer des trésors d’ingéniosité. Les plus riches d’entre eux peuvent compter sur des bataillons de juristes aptes à faire jouer le droit contre la loi. Ceux-là vous créent en un tournemain une société-écran dans un pays de cocagne où vous pourrez faire fructifier vos capitaux loin des pères-fouettards de l’administration fiscale : car, enfin, y en a marre de toujours reverser une partie de son argent aux pauvres. Le cabinet d’avocats Mossak-Fonséca appartient sans nul doute à cette engeance aux deux visages. Son directeur se drape, depuis cette « fuite » scandaleuse, dans sa toge de lin blanc : « Un crime contre le Panama. Clame-t’il haut et fort. ». Son indignation prend des accents patriotiques. Car son pays a été, depuis, remis sur la liste des états douteux. Ce n’est pas demain la veille que le Panama évoquera spontanément le chapeau du même nom. Bon, ce n’est pas bien de pirater quelques millions de dossiers privés, même si ces révélations ne font que confirmer ce que tout le monde pensait. Car, enfin, qui peut s’étonner de retrouver, parmi ces expatriés fiscaux, des personnalités aussi vertueuses que Patrick Balkany, Michel Platini, Jérôme Cahuzac ou Patrick Drahi ? Dans le camp étranger, pas de surprise non plus en découvrant le nom de Vladimir Poutine ou celui de Mohammed Ben Nayef, prince saoudien récemment décoré de la Légion d’Honneur. Il y a très peu de chances que ces éclaboussures entrainent leur destitution dans leurs pays respectifs. Ce ne sera peut-être pas pareil pour le président ukrainien, le milliardaire Pétro Porochenko, pris lui aussi la main dans le sac. Quant à David Cameron, il se débat à son tour dans les justifications face à l’opinion anglaise. Mais, jusqu’à présent, dans les pays dits démocratiques, seule l’Islande a poussé à la démission son premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson. Mais arrêtons là ce jeu de massacre. Le problème est bien plutôt de trouver des solutions pour lutter contre les paradis fiscaux, quand bien même les pressions des USA et de l’OCDE ont réduit fortement leurs actifs en Europe. Il faudrait en premier lieu contrôler et taxer davantage les banques et leurs filiales étrangères. Ainsi la seule Société Générale a fait enregistrer pas moins de 979 sociétés off-shore au Panama. De quoi relancer plus âprement le débat sur la dématérialisation de l’argent et la traçabilité des transactions financières. La transparence ne concerne pas que les sous-vêtements féminins.

 

Détournement : on en sait un peu plus sur les motivations du pirate de l’air qui a détourné vers Chypre un A-320 de la compagnie Egypt-Air, le 29 mars dernier. Ce n’était pas un terroriste patenté mais un professeur de médecine d’Alexandrie qui a fait croire à tous qu’il était porteur d’une ceinture d’explosifs pour revoir son ex-épouse chypriote. Tous les otages ont été libérés et l’extravagant professeur arrêté juste après. Si ce n’est pas la première fois que l’amour est en cause dans ce genre de mésaventures, reconnaissons au moins qu’il peut donner des ailes à certains. Un beau geste, malgré tout, qui devrait inciter ses juges à la clémence. Dommage qu’il n’ait pas attendu la Saint-Valentin pour son amoureux transport, ce qui aurait été parfait.

 

Brigade : c’est officiel : une brigade blindée américaine de 6000 hommes va être déployée en Europe Orientale dès février 2017. La demande émane des Pays Baltes et de la Pologne. Car après l’annexion de la Crimée par Moscou, ceux-ci redoutent que la Russie poursuive ses incursions au-delà de ses frontières. Pour le Pentagone, il s’agit ainsi d’afficher son soutien à ces états membres de l’OTAN. Cela va porter à trois le nombre des brigades américaines actuellement réparties en Europe. Evidemment le Kremlin a protesté, par la voix de son ministre de la défense,  et a promis de réagir contre l’augmentation de la présence américaine dans la périphérie de la Russie. A l’heure où Obama et Poutine semblaient se rapprocher pour mieux lutter contre l’E I, cette nouvelle dissension a des relents de guerre froide.

  

             Erik PANIZZA

01/04/2016

La part du lion

                         

 

 A en croire la plupart des représentants syndicaux, les salaires seraient bloqués en France. Et il n’y aurait rien de plus urgent, pour relancer la consommation, que de les augmenter. Le directoire du PSA Peugeot-Citroën a sans doute été sensible à cet appel puisqu’il a décidé de mettre en œuvre  cette proposition pour son président Carlos Tavarès… Appelé à la tête du groupe en 2014, afin d’accélérer sa restructuration,  il avait perçu, cette année-là, le modeste salaire de 2,75 millions d’euros (975 000 en fixe et 1, 61 million en parts variables). Une somme bien méritée au regard de sa gestion excellente. Si bonne, même, que les objectifs de redressement attendus en 2018 ont été atteints, à 99%, dès 2015. Une telle performance méritait bien une petite augmentation. C’est ce qu’ont fait les principaux actionnaires du groupe en lui octroyant 5,24 millions d’euros en 2015. Ils se répartissent comme suit : 1, 3 million de fixe, 1,93 million en variables et 130 000 actions de performance valorisées à 2 millions d’euros mais disponibles – notez le bien – seulement en 2019. Ne soyons pas envieux et réjouissons-nous pour lui : voilà au moins un homme, dans ce pays, qui ne devrait pas souffrir de la crise au cours des prochains mois. Mais 5, 24 millions d’euros annuels, tout de même…Certains esprits doués pour le calcul  se sont amusés à disséquer ce chiffre, histoire de mieux le situer dans l’échelle des salaires en France. Sur la base d’une journée, cela ramène la rémunération de monsieur Tavarès à un peu plus de 14 000 euros, autrement dit environ 14 SMIC. Au niveau mensuel, cela représente donc 420 fois le salaire d’un ouvrier ordinaire. On est loin, très loin, de la proposition du candidat Hollande qui souhaitait, en 2012, limiter à vingt l’écart entre les plus hauts et les plus bas salaires s’il était élu président.

L’annonce de cette mesure de faveur a été accueillie, dans l’ensemble, avec une certaine hostilité. Seul l’inénarrable Pierre Gattaz a vu là le juste prix accordé à la réussite. Quant à Michel Sapin, ministre du budget – rappelons que l’état français est actionnaire à 14% dans la marque au lion -, il s’est presque excusé de n’avoir pu l’empêcher, précisant qu’il avait voté contre.

En bon citoyens, nous sommes particulièrement heureux qu’un groupe national comme Peugeot soit redevenu aussi compétitif sur le marché de l’automobile. Encore faudrait-il que ce ne soit pas son seul président qui profite de cette croissance. Quid de tous ceux qui, dans l’ombre des usines, ont participé aussi à sa relance économique ? A propos, il paraitrait que pour renouer avec les bénéfices, monsieur Tavarès aurait, dès son entrée en fonction, procédé à la suppression de 6000 emplois et « gelé » les salaires des ouvriers de PSA. Faites ce que je dis mais surtout pas ce que je fais.

 

       Bruno DA CAPO