13/07/2015
Pari gagné
Lors du dernier référendum, les Grecs ont donc refusé à 61% le plan d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque Centrale Européenne et le FMI à l’occasion de la réunion de l’Euro-groupe du 25 juin dernier. Ils n’ont pas pour autant rejeté l’Europe ni voulu sortir de l’euro. Ils ont dit non au plan d’austérité imposé par Merkel et d’autres pays européens qui disent ne plus vouloir « aider » la Grèce. Parmi eux les plus jeunes et tous ceux qui soutiennent Alexis Tsipras, dont il faut saluer ici le courage intrépide. D’aucuns en font un fieffé populiste. L’est-il parce qu’il demande au peuple grec l’appui dont il a tant besoin ? Son pari était certes risqué. Il l’a gagné et en sort renforcé. Mais la troïka - devenue entre temps « les Instances » - dans tout ça ? Voilà plus de trois ans que les Européens, de plan de sauvetage en plan de dernière chance, prodiguent des médications qui n’ont apparemment aucun effet sur la santé économique grecque. Pire même : il semble que les fameux remèdes soient devenus des poisons. Le bras de fer qui s’engage cette semaine est crucial, tant pour l’Europe que pour la Grèce. Au-delà des postures inflexibles, les Européens devront retrouver les grands principes qui ont présidé à l’Union dont celui, oublié, de solidarité. La dette grecque devra nécessairement être « restructurée » comme on dit quand on travaille au FMI (autrement dit, en termes clairs, allégée) et son remboursement étalé sur une période plus longue. Tsipras a déjà fait des signes lors d’un dernier discours : il veut présenter « des propositions de réformes concrètes et fiables », et avoir pour priorité « la réforme de l’Etat et la lutte contre les oligarchies ». Les responsables de la zone euro se sont donnés une semaine pour étudier ces nouvelles propositions. Si ce n’est pas un début de dialogue productif, ça y ressemble fort. On peut croire d’ores et déjà que chacun des acteurs en sortira grandi sans pour autant se sentir humilié ou roulé dans la farine. Mais il aura fallu quand même ce courageux appel au peuple pour faire plier les oligarques européens !
Yves CARCHON
15:58 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grecs, référendum, troïka, dette
10/07/2015
Bruissements (50)
Grèce : les Grecs ont donc voté, comme le souhaitait leur premier ministre, dimanche dernier. A 61% ils se sont prononcés contre les directives européennes qui pèsent sur eux depuis plusieurs mois. Non pas contre l’Europe en soi, mais contre la cure d’austérité qu’elle veut leur faire subir afin de renflouer leur dette abyssale – 337 milliards d’euros. Face à l’inflexibilité de Christine Lagarde, la patronne du FMI, Alexis Tsipras a donc joué son va-tout et le résultat de ce référendum – malgré 50% d’abstention – lui a donné raison. Il devient ainsi un modèle de détermination pour tous ceux qui, en Europe, combattent pour une révision du système. Comme l’U E ne souhaite pas la sortie d’un de ses états membres, les négociations ont aussitôt repris, en particulier avec la France et l’Allemagne. Concrètement, les problèmes restent les mêmes, avec la menace d’un délitement progressif et il va bien falloir, si on veut l’endiguer, que les uns et les autres lâchent un peu de lest. L’U E pourrait ainsi remettre en question ses conditions d’adhésion et sa monnaie. Une brèche a été ouverte et les remous ne sont pas près de s’arrêter.
Pasqua : il était l’un des piliers de la droite française depuis un demi-siècle. L’un de ses plus troubles représentants, aussi. Charles Pasqua s’est éteint, le 28 juin dernier, à 88 ans. Résistant de la première heure, gaulliste indéfectible, mais aussi patron du SAC et magouilleur impénitent (il fut impliqué dans plusieurs affaires de malversations), il aura vu – et parfois fait – l’ascension de quelques hauts dirigeants politiques, comme Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. On se souviendra de lui à la tête du ministère de l’intérieur, en 1986 et en 1993, quand il déclarait crânement qu’il allait « terroriser les terroristes ». Ses airs de matamore nous firent souvent rire alors. Il n’empêche : Bernard Cazeneuve, aujourd’hui, aurait intérêt à s’inspirer de sa détermination.
Taxis : après deux semaines de blocages et de protestations (parfois ponctuées de violences verbales et physiques), les chauffeurs de taxis ont obtenu satisfaction ; l’opérateur américain Uber a retiré son application en France. Comme quoi, dans ce pays, mieux vaut taper du poing sur la table – et plus encore - si on veut être entendu. Ce retrait, en accord avec la volonté gouvernementale, marque la fin d’une concurrence déloyale amplement dénoncée, mais aussi la perpétuation d’un monopole de longue date dans le secteur des transports. Les particuliers continueront de payer une course au prix fort ; quant à ceux qui s’étaient improvisés chauffeurs pour arrondir leur retraite, n’en parlons même pas. Il est cependant à peu près certain qu’un autre système de taxi parallèle émergera tôt ou tard. Chacun voit midi à sa porte et on ne vit pas à l’heure d’Internet comme en 1960. Est-ce que les chauffeurs de taxis pourront toujours s’opposer aux changements de société? C’est la grande question que pose ce conflit.
Soldats : ah, le bon vieux temps des bordels de campagne ! Nos valeureux soldats pouvaient s’y soulager à peu de frais (on sait que la proximité du danger exacerbe en général le désir sexuel). Tout est différent aujourd’hui : car en plus d’être courageux, on demande à nos engagés volontaires d’être aussi vertueux. Et, de toute évidence, c’est une gageure que certains ne parviennent pas à tenir. Après les affaires de pédophilie en Centrafrique, au printemps dernier, c’est au Burkina Faso que s’est déroulé, la semaine dernière, un nouveau drame de la frustration militaire. Deux défenseurs de la liberté ont ainsi confondu le repos du guerrier avec les jeux de touche-pipi de l’école maternelle. Bon, cela se passait dans une piscine et ces attouchements sur des petites filles n’auraient sans doute pas soulevé de vague si l’un de nos deux lascars n’avait pas eu, en plus, des velléités de cinéaste : on a les trophées de guerre qu’on peut. Reconnaissons-le : il fallait quand même être con pour oublier sa caméra (avec le film accusateur) chez la mère des deux gamines abusées un peu avant. Les deux « fentassins » ont été, depuis, suspendus et rapatriés en France pour y être entendus, comme on dit.
Iran : s’il y en a, au moins, qui se méfient du tout-à-l’image contemporain, ce sont bien les scientifiques iraniens en charge du nucléaire dans leur pays. Car ils ne savent que trop bien – les précédents ne manquent pas – que c’est la meilleure façon pour être identifiés et flingués par les services secrets israéliens. Pas de photo, donc, mais aussi pas d’accord en vue dans ce nouveau congrès de Vienne qui réunit, face aux Iraniens, les représentants de la France, des USA, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Chine et de la Russie. En gros, le deal est simple : c’est l’arrêt des recherches sur le nucléaire militaire contre la cessation de l’embargo économique qui pèse, depuis de nombreuses années, sur le peuple iranien. Mais comme pour la Grèce avec l’U E, on continue d’y jouer les prolongations. Du coup, la tension monte. Même Laurent Fabius commence à s’énerver, ce qui est tout dire.
Eglises : tout est parti d’une proposition de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, appelant à remplacer les églises désaffectées par des mosquées. La nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre et a ainsi fait la récente une de « Valeurs actuelles » où, à l’initiative de Denis Tillinac, son rédacteur en chef, une pétition contre ce projet a été publiée. Parmi les signataires, on trouve des gens comme Alain Finkielkraut, Eric Zemmour ou Elisabeth Lévy, mais surtout Nicolas Sarkozy qui n’a pas manqué l’occasion de se positionner sur ce délicat problème (après tout, il est également chanoine depuis 2007). Depuis, Dalil Boubakeur s’est rétracté, conscient qu’il avait fait une bourde – à moins que ce ne soit un test -, mais la polémique n’est pas retombée pour autant. Où l’on voit que les Français restent toujours attachés à leurs valeurs ancestrales, quand bien même il y a de moins en moins de fidèles dans les églises.
Erik PANIZZA
13:22 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, iran, pasqua, taxis
03/07/2015
La spirale terroriste
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la langue de Manuel Valls fourche souvent lorsqu’il commente les drames qui secouent notre monde. Samedi dernier, en réaction aux attentats terroristes à Sousse et à Grenoble, le premier ministre a parlé « d’une guerre de civilisation », sans qu’on sache exactement s’il accordait ce dernier mot au pluriel ou au singulier. La question n’est pas anodine et plus d’un cacique socialiste est monté au créneau pour le lui rappeler. Car s’il y a présentement un combat de la civilisation contre la barbarie nihiliste - quelles que soient les raisons dont elle se pare -, on ne saurait rationnellement parler d’une guerre des civilisations, par référence au traité de Samuel Huntington – que, d’ailleurs, très peu de politiques ont lu dans le détail. Reste qu’il y a quand même des causes objectives à cet affolement du langage. Car depuis plusieurs décennies, le monde n’avait pas connu une telle succession de massacres et d’attentats. Même le terrorisme d’inspiration révolutionnaire, extrêmement actif dans les années 70, ciblait mieux ses attaques, réclamait des rançons, versait le sang avec plus de parcimonie. Alors qu’avec Daech et ses affidés, toute forme de négociation est suspendue. La mort et la destruction, pour peu qu’elles soient filmées, semblent être leurs seules propositions face à l’ensemble des nations libres. Et là comme ailleurs, il s’agit de faire du chiffre. Les 37 tués de Sousse en sont la terrible évidence.
Au delà des effets d’annonce et des déclarations martiales de nos dirigeants, la question est bien de savoir s’ils vont enfin tirer les conséquences juridiques qu’impose une telle menace. Par exemple la déchéance de nationalité pour les français qui vont rejoindre les rangs de l’état islamique et le rétablissement de tribunaux d’exception pour ceux reconnus coupables de crimes contre l’humanité. Aux grands maux, pas de grands mots, mais surtout de grands moyens.
Bruno DA CAPO
13:45 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valls, huntington, civilisation, terrorisme