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12/09/2013

Le sang des peuples

 


A quelle partie de cartes sanglante assistons-nous ? D’un côté, Américains, Français... quelques autres dont les Turcs, sont prêts à frapper le Syrien en plein cœur ; de l’autre, les raminagrobis du non à toute intervention : Russes et Chinois en tête avec ici et là de pâles Européens. De qui se moque-t-on ? La preuve est quasi faite que le bourreau a bien gazé son peuple, qu’il a enfreint non seulement les lois internationales en vigueur mais qu’il a dépassé aussi les bornes de l’inhumain ! Faut-il prendre des gants et le traiter comme un confrère ? Il s’est lui-même mis au ban de notre humanité. Mais voilà : certains croient avisé et pertinent de refondre le monde. Donc, le joueur Poutine a sorti de sa manche une nouvelle carte. Habile homme, inflexible despote, bourreau à l’occasion d’un peuple et d’un pays – la Tchétchénie - il fait aujourd’hui la une des journaux, provoquant même un rien d’admiration feutrée chez nos curieux commentateurs. Où allons-nous ? Le nouveau tsar finit par mettre dans sa poche, grâce à ses mines de séminariste orthodoxe, des journalistes disons sensés. Il semblerait qu’Obama et Hollande soient bel et bien roulés dans la farine russe ! Pour quel gâteau ? La géopolitique, le cynisme ont certes leur mot à dire. Mais tout de même ! Dans quel imbroglio nous sommes-nous engagés ? Même si chacun s’accorde à dire qu’il faut faire quelque chose, ne faisons pas n’importe quoi ! A tout le moins, hormis toutes les rodomontades de part et d’autre, il se peut bien que le rusé Poutine sauve la mise à Obama et à Hollande. La porte de sortie diplomatique du contrôle des armes chimiques en Syrie est grande ouverte. Obama, qui sait que son Congrès et surtout les Américains sont franchement hostiles à une intervention, voit là une planche de salut. Mais Hollande ? Il dit et répète à l’envi qu’il ne veut pas y aller seul mais risque d’être bientôt seul. Alors ? Est-ce dire pour autant qu’il a tort ? Nenni. Mais il est seul ! La real-politique mène hélas le monde. La morale, le droit d’un peuple à vivre en paix voire à survivre ne sont pas importants. Battons les cartes une fois de plus et refaisons le monde ! Avec bien sûr le sang des peuples !

 

                                                 Yves CARCHON

09/09/2013

Insécurité

 

                               

 

 

 Deux meurtres, deux assassinats spectaculaires par balles – dont l’un visait le fils d’une personnalité marseillaise – ont relancé, jeudi dernier, les sempiternelles questions autour de la sécurité à Marseille. Marseille inquiète, Marseille fascine, Marseille dérange, Marseille fait vendre, aussi... Et si ces actes de violence extrême ne sont pas nouveaux – ni plus élevés que par le passé -, leur médiatisation tous azimuts se charge d’accroître le sentiment d’insécurité de la plupart des Marseillais. Que redoutent-ils, au juste ? D’être pris dans un règlement de comptes, en plein jour, sur une place ou à la terrasse d’un café, victimes innocentes d’une réalité qui n’est pas la leur. On mesure aisément la part de l’imagination dans cette peur, même si les truands ne font pas dans la dentelle. Il y a aussi, à l’œuvre, un sentiment d’exaspération : les gens ne comprennent pas que quelques centaines - sinon quelques dizaines –de voyous puissent entretenir ce malaise et salir l’image d’une ville en pleine rénovation. D’où leurs doléances envers les pouvoirs publics et leur attente de réponses concrètes et rapides. Ceux-ci ont d’ailleurs tout intérêt à les écouter et la réunion de crise des édiles marseillais, samedi à la Préfecture, en est une preuve certaine. On a parlé d’union sacrée, au dessus des habituels clivages partisans, au moins pour les trois prochains mois. Néanmoins, les amabilités échangées entre Patrick Mennucci et Jean-Noël Guérini ont montré que la division n’était pas qu’une affaire de couleur politique. Qu’adviendra-t’il des bonnes résolutions adoptées au cours de cette séance exceptionnelle ? Il se pourrait fort qu’elles se dissolvent assez rapidement, non sans avoir alimenté les programmes des nombreux candidats à la mairie de Marseille, l’an prochain. En attendant les prochains coups d’épée dans l’eau, on verra encore plus de policiers et de soldats dans les rues de Marseille (qui n’en manque déjà pas). De quoi rassurer les uns et aussi angoisser les autres, eux qui pensent qu’une grande ville européenne devrait  se montrer sous un jour plus accueillant aux nombreux touristes qui la visitent et l’enrichissent.  

Car le problème réside aussi dans l’écart, de plus en plus sensible, entre les ambitions des politiques pour cette ville et sa réalité populaire, misérable, souterraine et criminelle. Les premiers voudraient faire de Marseille une ville moderne et attractive – ce en quoi ils ont réussi, tout au moins dans le centre-ville - ; tandis que les enfants de l’ombre, ceux issus des quartiers excentrés et des cités trop longtemps oubliées, viennent périodiquement leur rappeler avec fracas qu’il existe, dans cette ville, un autre monde, une autre loi qui n’a cure de leurs rêves de grandeur. Une sorte de  retour du refoulé, en somme.

 

 

                    Jacques LUCCHESI

03/09/2013

Bruissements (25)

 


 

Syrie : l’ardeur vengeresse des Etats-Unis et de leurs alliés contre Bachar El Assad va-t’elle aboutir à un pétard mouillé ? C’est fort possible, au vu des divergences et des atermoiements qui ont marqué la semaine écoulée. En bons professeurs de morale universaliste, on veut punir le vilain élève Bachar pour son emploi du gaz sarin contre les Syriens, mais  pas renverser son infâme pouvoir. On annonce des frappes sur des objectifs militaires et gouvernementaux des semaines à l’avance : depuis quand un pays ayant des visées belliqueuses contre un autre lui dit-il ce qu’il compte faire ? Bonjour l’effet de surprise ! Même si Obama obtient – ce qui n’est pas certain – l’accord du Congrès ; même si les experts mandés par l’ONU lui confirment, dans quelques semaines, ce que le monde entier sait déjà, que pourra-t’il faire qui puisse ébranler sérieusement le régime syrien ? A ce compte-là, Bachar a de grandes chances de se cramponner au pouvoir et de poursuivre – tout comme Saddam Hussein après la première guerre du Golfe – son petit bonhomme de chemin, fut-il arrosé quotidiennement de sang frais. Et la France, dans tout ça, fidèle ordonnance des USA ? François Hollande, chef de guerre de plus en plus affirmé, compte-t’il toujours réunir le Parlement pour une prochaine action militaire (tout en sachant qu’il peut s’en passer) ? Il ne manquerait plus qu’il soit, au final, le seul protagoniste de cette mission rédemptrice. Et s’il n’en reste qu’un…

 

Peines planchers : au terme d’un feuilleton qui aura duré presque tout l’été, Christiane Taubira a fini par l’emporter, politiquement parlant, sur Manuel Valls. Au cours d’une réunion à huis-clos, vendredi 30 août à l’Elysée, le Président de la République et le Premier Ministre ont donc tranché en faveur des propositions de réforme de la Garde des Sceaux, obligeant leur impétueux Ministre de l’Intérieur (désavoué aussi sur son refus de regroupement familial des étrangers) à faire profil bas. Une façon de  dire que l’on continue de rouler à gauche dans ce pays. Les fameuses peines planchers, créées sous Sarkozy pour sanctionner plus durement les cas de récidive, vont donc être supprimées pour les primo-délinquants et les récidivistes condamnés à moins de six mois d’emprisonnement. A la place, le juge pourra proposer des peines probatoires de contrainte pénale en milieu ouvert (travaux d’intérêt collectif, surveillance électronique). Il s’agit ainsi de favoriser leur réinsertion progressive et d’essayer de désengorger nos prisons actuellement sur-saturées (68 800 détenus en France). La Droite, évidemment, a crié au laxisme, dénonçant une mesure incitative pour les délinquants – de plus en plus nombreux et de plus en plus violents. Il n’en reste pas moins – les chiffres sont là pour le confirmer – que les peines planchers n’ont pas empêché la hausse des cas de récidive sous le précédent gouvernement. Et que, d’ores et déjà, on planifie la construction de 6500 places supplémentaires dans les prisons.

Corrida : depuis quelques années, la cause animale est revenue en force dans le débat intellectuel et social. Sous le juste motif de vouloir adoucir les conditions de vie et de mort des bêtes qui participent de notre alimentation, certains en viennent même à réclamer des droits pour les animaux. C’est évidemment un non-sens, car si l’animal a bien une sensibilité, il ne peut, pour autant, s’inscrire dans cette dimension théorétique – le propre de l’humanité, du moins jusqu’à présent - qui, seule, pourrait justifier cette revendication. Dans ce cas, cela n’aboutirait qu’à ajouter de nouveaux devoirs à la liste, déjà longue, de l’homme moderne. Cette forme d’irrationalisme rencontre un point critique avec la corrida. De nombreuses associations voudraient la faire abolir au nom d’une barbarie inutile et dépassée. Ses partisans, tout aussi déterminés, mettent en avant sa dimension symbolique et esthétique - sans même parler de ce que les férias rapportent aux économies locales. Osons le dire : qu’est-ce que quelques dizaines de taureaux sacrifiés, chaque année, dans les arènes françaises, au regard des millions de bovins, de cochons et de moutons qui subissent le même sort dans nos abattoirs ? Mais les militants du CRAC (collectif anti corrida) et de la Fondation Brigitte Bardot ne l’entendent pas de cette oreille, eux qui ont envahi l’arène de Rion-des-landes, samedi 24 août  - jour de la Saint Barthélémy - empêchant la corrida de s’y dérouler. Au final, une échauffourée  mémorable entre gendarmes, militants et aficionados, huit blessés (dont un grièvement) et plusieurs dizaines de milliers d’euros en dégâts et manque à gagner pour les organisateurs. Une enquête a été ouverte, bien sûr. Mais aucun remerciement n’est venu, pour le moment, du Front Taurin de Libération. Si ce n’est pas de l’ingratitude, ça…

Liberté d’expression : au Qatar, un poète, Mohammed Al-Ajami, croupit depuis maintenant deux ans en prison. Son crime : avoir écrit et lu un poème célébrant la révolution tunisienne et appelant à d’autres soulèvements dans les pays arabes. D’abord condamné à perpétuité, sa peine  a été ramenée à 15 ans : sans doute une faveur de l’émir à la tête de ce pays richissime, ardent défenseur du progrès dans le monde. En Russie c’est un peintre, Konstantin Altounine,  qui a dû s’exiler après avoir exposé, le 15 août dernier à Saint-Petersbourg, un tableau représentant Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine  travestis en femmes et se caressant tendrement. Dès le lendemain, la police russe débarquait dans le musée, mitraillette au poing, pour saisir l’objet du scandale. Comme on le voit, la liberté d’expression est loin d’être un droit acquis partout dans le monde. Et l’art, pour peu qu’il ne flatte pas ouvertement le pouvoir, demeure un bon révélateur du degré de démocratie d’un pays. En l’occurrence, elle est à peu près nulle dans les deux nations susmentionnées – mais ce n’est pas une surprise. Il parait qu’Altounine a trouvé depuis refuge en France. Il pourrait peut-être en profiter pour peindre François et Jean-Marc en situation de rapprochement  intime. Histoire de mettre à l’épreuve notre tolérance historique.

 

                          Erik PANIZZA