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29/05/2015

Le Poutine Fan Club

                   

 

 Naguère communiste et soviétique, la Russie s’est tournée, en ce début du XXIeme siècle, vers un nationalisme  fortement réactionnaire. L’orthodoxie religieuse, le panslavisme et l’expansionnisme sont redevenus des valeurs à la mode. Et c’est toujours avec la même brutalité qu’on y réprime ceux qui ne sont pas tout à fait dans les normes, qu’elles soient sexuelles ou politiques. Car il s’agit plus que jamais de lutter contre la décadence qui gangrène l’Europe occidentale. Passe encore que les nababs russes aillent y dépenser leur argent ou que les plus jolies « russettes » viennent y tenter leur chance; pas question, en revanche, d’importer ce modèle-là à Moscou. L’artisan de ce renouveau spirituel et moral est, bien sûr, Vladimir Poutine. C’est lui l’homme fort du moment, non seulement dans son pays – ce qui est fait depuis longtemps- mais aussi pour une bonne partie de l’opinion internationale. La fascination et le recours à un homme à poigne : assurément une vieille rengaine. On sait, dans les années 30, vers qui lorgnaient le grand patronat français et ses affidés politiques. La suite des choses n’allait que confirmer cette connivence. Comme d’autres aujourd’hui, en Grèce, en Hongrie ou en Autriche, Marine Le Pen se tourne vers Poutine avec le même entrain que le tournesol pour l’astre solaire. Il représente pour elle un idéal nationaliste qu’elle voudrait bien voir fleurir en France. Une telle dévotion méritait bien un geste amical en retour : comme ces 9 millions d’euros « prêtés » par Moscou au FN pour son entreprise électorale. Quand on l’interroge sur ce sujet, la présidente du FN incrimine les banques françaises qui lui ont fermé leurs portes. Peut-être ? Mais on voit, en tous les cas, comment un Poutine Fan Club est en train de se constituer en Europe occidentale, sorte d’internationale du nationalisme si l’on me permet cet oxymore. Et le nationalisme, c’est à plus ou moins longue échéance, la justification de la guerre. Souvent suspecté de sympathies pro-fascistes, le FN fait donc clairement la preuve de ses accointances avec un chef d’état qui affiche ouvertement son mépris pour la démocratie à l’occidentale – mais y en a-t-il, au juste, une autre ? Ce régime politique n’est sûrement pas à la hauteur de ses promesses en France. Mais qui voudrait, raisonnablement, l’échanger contre une dictature qui ne dit pas son nom ? Pensez-y un peu plus, braves gens, la prochaine fois que vous irez aux urnes.

 

 

                   Bruno DA CAPO

22/05/2015

Continuité

 

 

 Personne, à ce jour, n’a dû oublier les diatribes de Nicolas Sarkozy, alors président de la république, contre tous ceux qu’il désignait  comme des profiteurs, par opposition à « la France qui se lève tôt », la seule digne d’estime à ses yeux. Parmi eux, il y avait bien sûr les chômeurs de longue durée que Laurent Wauquiez, défenseur des classes moyennes, alla jusqu’à accuser de vider les caisses de l’état (« le cancer du chômage »). On sait par quelle indignation l’opposition d’alors – on était en 2011 – accueillît ses propos pour le moins outranciers. D’ailleurs, c’est en grande partie pour leur vision clivante et antisociale des Français que Sarkozy et sa clique furent évincés du pouvoir l’année d’après.

Or, que voit-on aujourd’hui, sous la présidence de celui qui posa volontiers en champion de l’antilibéralisme ? Une mesure supplémentaire de contrôle des chômeurs de longue durée qui prendra effet dès septembre prochain. Ce que Sarkozy n’a pas fait, sans doute par manque de temps, c’est son successeur socialiste qui va le réaliser sans effets tonitruants d’annonce,  selon sa manière beaucoup plus doucereuse. Cette continuité n’est pas vraiment une surprise, eu égard aux déclarations de François Rebsamen l’an dernier, mais tout de même, quelle ironie! Dans la foulée, on redécouvre que ce dispositif de surveillance renforcée était déjà expérimenté dans plusieurs régions – dont la PACA – depuis 2013. Concrètement, ce sont 200 agents supplémentaires de Pôle Emploi qui vont être employés à l’épluchage des dossiers de demandeurs d’emploi, avec pour mission de stimuler ceux qui manquent un peu trop d’ardeur à la tâche. Ils pourront ainsi leur envoyer des questionnaires et des ordres de convocation, voire demander leur radiation provisoire et la suppression de leur allocation si ces démarches n’entrainaient aucun effet. Reste que le propre du chômage de longue durée, c’est justement d’ancrer le chômeur dans le sentiment de son inutilité sociale, donc d’éteindre en lui toute volonté de retravailler. Ainsi, des gens victimes de cette lame de fond pourraient bien se retrouver en situation de coupables : n’est ce pas ce que l’on appelle un phénomène de double peine ?

Les partisans de ce contrôle accentué récusent toute idée de forcer la baisse des chiffres du chômage. Néanmoins  leur diminution arrangerait bien le locataire de l’Elysée, lui qui échoue depuis trois ans à honorer ses engagements de campagne vis-à-vis de ce problème structurel. Déjà bénéficiaire d’une reprise inespérée de l’économie française, François Hollande  pourrait les mettre au crédit de son action et peaufiner d’ores et déjà sa communication pour 2017.  Encore faudrait-il que des suicides de chômeurs désespérés, comme on en a connus en 2013, ne viennent pas d’ici là entacher son entreprise en blanchissage  politique !

 

             Bruno DA CAPO

15/05/2015

L’offensive puritaine

 

 

  Voici une quinzaine de jours, l’application France-Musique d’Apple disparaissait mystérieusement des I-phones français. Un peu plus tard, on détectait la cause du problème : une émission sur l’érotisme dans la musique programmée par cette radio (on imagine aisément son contenu obscène). La semaine dernière, c’était le trublion de France 2, Patrick Sébastien, qui testait en direct son prochain tube estival : « Une petite pipe/ Avant de se mettre au lit ». Par égard pour ceux qui voient le mal partout,  il avait pris soin de préciser qu’il parlait, bien sûr, de la pipe du commissaire Maigret : ça va de soi, Patrick… Informée de l’affaire par quelques âmes sensibles, la députée PS Laurence Rossignol se déclarait choquée et promettait d’ouvrir une enquête (des fois que ça l’empêcherait de faire ses propres trilles). Enfin, mardi 5 mai, c’était « Plus belle la vie », le feuilleton chéri des familles, qui était mis en accusation. Motif : une scène – suggérée – de triolisme avec poppers. Les téléspectateurs indignés pensaient sans doute qu’on ne fait que se flinguer à Marseille et que les choses du sexe n’y ont pas leur place.

A l’examen de ces trois « scandales » médiatiques, on est en droit de se demander quelle pudibonderie s’est insinuée dans les esprits en ce printemps 2015. C’est à croire que tous ces pisse-froids découvrent à peine les mœurs d’aujourd’hui. Ont-ils oublié les outrances de la libération sexuelle, dans les années 70 ? Ils ne savent plus faire la différence entre la pornographie, la gauloiserie et le libertinage. Au pays de Rabelais, de Sade et d’Apollinaire, on a de quoi s’inquiéter. Passe encore que des décideurs américains s’effarouchent au seul mot « érotisme, mais une femme politique et des téléspectateurs français… On voit, avec ces trois exemples, combien le puritanisme gagne en puissance dans notre pays. Cette attitude est – nous le savons depuis longtemps – celle de la plupart des féministes françaises, toujours en quête d’humiliations faites aux femmes, remontées contre toute forme de grivoiserie, puisque d’essence machiste. Mais c’est aussi celle de tous les intégristes religieux, à commencer par les islamistes et leur rêve mortifère de pureté radicale. C’est elle qui leur fait détester notre culture et ses audaces ; c’est elle qui les a poussés à massacrer la rédaction de Charlie Hebdo, en janvier dernier. C’est ainsi que l’association de tous ces puritains concourt à réintroduire une censure morale contre laquelle nous avons défilé en masse, voici quatre mois à peine.

 

               Erik PANIZZA