27/03/2015
Infos en continu
Il y a des jours où l’actualité devient assourdissante à force de tragédies. Un cargo plein de clandestins qui s'échoue non loin des côtes promises. Un crash entre deux hélicoptères. Un avion qui s’écrase sur une montagne. Des cinglés qui tirent sur tout ce qui bougent dans un musée et, bien sûr, des journaleux en quête de scoop. Allez savoir comment, ils réussissent à joindre en direct une otage et lui demander ce qu'elle voit, de l'endroit où elle est cachée ?
« Allo, oui, je suis avec une quarantaine de personnes. On attend d'être libérées. Il y a deux types armés jusqu'aux dents. Ils tirent sans distinction. Allo j'espère qu'ils n'ont pas un complice qui écoute votre station parce que là, ça serait la mort en direct. Allo, je ne vous entends plus. Vous êtes bien dans le musée ? Allo, allo. »
Ben oui, que j'y suis. Vous ne voulez tout de même pas que je vous précise sous l'escalier, en face de l'entrée principale?
Pour du sensationnel vous allez être servis. Les films d'horreurs, les courses poursuites, les camions qui explosent, vous pensez bien que c'est de la fiction sur vos chaines à péage. Entre deux pubs un parfum ou un shampoing et puis, à nouveau, de l'hémoglobine de synthèse qui coule à flot. Mais ici rien de tout cela ! Vous êtes sur une chaine d'infos qui vous en sert jusqu'à l'overdose, et en boucle de surcroît. Déjà les envoyés spéciaux sont sur place pour nous permettre de ne rien manquer du spectacle.
Depuis les Twins Towers d’un certain onze septembre je croyais avoir été sevré une fois pour toutes. Voir des corps plonger dans le vide, des avions s'encastrer dans des tours, voir celles ci s'effondrer comme un château de cartes, du feu, de la fumée, des tonnes de poussières, des visages hagard et nous, sagement devant notre petit écran : «Tiens passe moi le sel, merci. »
Eh oui! Même aux heures de repas.
Et si vous permettez que je vous dise, je sais déjà qu'à la prochaine catastrophe, dans pas si longtemps que ça, (ma boule de cristal a parfois des allures cathodiques) vous et vos envoyés spéciaux serez encore présents à ma table. A toute heure du jour ou de la nuit, l'info c'est maintenant du permanent. Bien sûr, vous vous ferez un plaisir de nous prévenir : « les images que vous allez voir pourraient choquer les âmes sensibles. »
Je déplore quand même une lacune envers celles et ceux qui sont chargés de nous informer. La Gironde et les congélateurs, juste une bande qui défile et pas la moindre image de cet outil chargé de protéger nos fruits et nos légumes, nos viandes et nos poissons. Pas une image avec une marque floutée : ça aurait peut être fait mauvais genre et une moins bonne pub pour ce genre d'appareils. Ma préférence serait de dire que c'est juste une marque d'élégance de la part de ces chaines d'infos en continu. Afin de ne pas trop choquer leur cher, très cher, audimat.
Ah bon dieu ! Mais ça ne finira donc jamais, tout ça ! Puisque même en son nom il se commet tant d’atrocités.
RACHID
13:42 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, sensationnel, crash, audimat
Commentaires
Mon cher Rachid,
Je constate à mon tour que vous avez la plume fine et plutôt acérée... Tant mieux ! Je vous rejoins complétement sur le déroulé infernal des infos qui a de quoi nous rendre chèvres ! Le chroniqueur est là (entre autres) pour épingler les pernicieux effets de l'audimat qui exaspèrent tout citoyen critique. Heureusement, il garde un humour sous-jacent qui le sauve, ce qui n'enlève rien à ses pertinentes remarques.
A bientôt de vous lire.
Bien à vous,
Yves carchon
Écrit par : yves carchon | 30/03/2015
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